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Actualités - ANALYSE

1958 - 1998 : le facteur US

Les Libanais ont du mal à croire les propos du nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth David Satterfield qui affirme que son gouvernement ne s’ingère pas dans l’élection présidentielle et qu’il n’appuie aucun candidat en particulier. Washington considère que le scrutin «appartient au Liban et aux Libanais», souligne l’ambassadeur, qui ajoute que l’Administration américaine «soutient le processus constitutionnel et les institutions démocratiques» dans ce pays. Les milieux politiques et officiels libanais sont aussi sceptiques à l’égard de ces affirmations. Ils doutent que les Etats-Unis n’aient plus aujourd’hui d’opinion sur l’élection ni de préférence pour tel ou tel présidentiable, alors que l’histoire des scrutins présidentiels au Liban tend à prouver le contraire. A moins que Washington n’ait décidé de laisser à la Syrie, du fait de la conjoncture locale et régionale, le soin de prendre en charge elle-même l’élection et de coordonner ses positions avec les parties qu’elle jugerait incontournables. Ainsi, le chef de l’Etat Elias Hraoui avait-il été choisi sans opposition de la part des Etats-Unis. Puis son mandat a été prorogé également sans susciter de réserves de leur part et sans qu’ils n’y voient à l’époque une atteinte au «processus constitutionnel» ou aux «institutions démocratiques» que privilégie aujourd’hui M. Satterfield. Beaucoup de Libanais se souviennent encore de l’intervention américaine en faveur de l’élection de Fouad Chéhab à la présidence de la République, au lendemain des troubles du printemps et de l’été de l’année 1958. A l’époque, Washington dépêcha un émissaire, Robert Murphy, qui rencontra les principaux chefs politiques et religieux du pays, écouta leurs points de vue, mais leur fit part surtout du soutien de son gouvernement à Chéhab et de l’accord obtenu auprès du président égyptien Gamal Abdel- Nasser sur sa candidature. Un incident survenu lors de ces «consultations» en dit long sur l’influence américaine. Des députés lui ayant exprimé leur hostilité au choix du général et proposé en échange une liste de noms parmi lesquels Washington désignerait son candidat, M. Murphy se leva et, prenant congé des parlementaires, leur répondit assez sèchement: «Le général Fouad Chéhab sera le prochain président de la République». De retour d’une tournée dans la région de Jbeil en compagnie de Raymond Eddé, Robert Murphy informa le Amid de la décision de Washington. Il tira de sa poche un bout de papier et lui dit: «Vous allez être le premier à en connaître la teneur». Il s’agissait d’un télégramme que venait d’envoyer Nasser et dans lequel ce dernier faisait part de son accord pour le choix de Fouad Chéhab. Du tac au tac, le Amid lui répondit: «Et vous, M. Murphy, serez le premier à connaître mon intention de présenter ma candidature à la présidence», Tout en sachant que la victoire du général Chéhab était garantie, M. Eddé maintint sa candidature, par souci de respecter le jeu démocratique. Son insistance jusqu’au bout finit par être symboliquement payante: Fouad Chéhab ne put être élu au premier tour de scrutin. On retrouve les Américains en 1976. Cette année-là, le Liban est déchiré par la guerre. Dean Brown, nouvel émissaire de Washington, tente de favoriser un rapprochement avec la Syrie. Le résultat est un accord sur la candidature d’Elias Sarkis qui, après bien des péripéties, sera élu par une majorité de 66 voix sur 99 députés. Toutes les tentatives visant à faire échec à cette élection échouent, y compris le pilonnage systématique, le jour même du scrutin, du palais Mansour, siège provisoire de la Chambre. En 1982, les chars israéliens qui viennent d’entrer au Liban relèguent quelque peu au second plan l’influence directe des Etats-Unis sur la présidentielle. Béchir Gemayel est porté au pouvoir puis, après son assassinat, son frère Amine, sans que Washington n’y trouve à redire. L’autre Murphy Six ans plus tard, le tableau est différent. L’influence de l’Etat hébreu recule, celle de la Syrie ré-émerge. Et l’arbitre, en l’occurrence Washington, est de nouveau présent. C’est un autre Murphy, prénommé cette fois Richard, que le département d’Etat charge de la mise en scène pour la présidentielle de l’été 1988. Après d’intenses contacts à Beyrouth et à Damas, Richard Murphy entre un jour chez le patriarche maronite et lui annonce: «C’est Mikhaël Daher ou le chaos». Ce sera le chaos. Pour la première fois, les Américains ne parviennent pas à imposer le candidat qu’ils ont choisi avec Damas, mais force est de reconnaître que l’un des deux termes de l’alternative posée par M. Murphy s’est réalisé. Au lendemain de Taëf, René Moawad fera l’objet, en 1989, d’un accord entre la Syrie et les Etats-Unis. Son assassinat ouvrira la voie, en novembre de la même année, à l’élection d’Elias Hraoui, sous impulsion syrienne et sans opposition américaine. La question qui se pose donc aujourd’hui est de savoir si les Etats-Unis vont adopter la même attitude et laisser Damas opérer son choix comme ce fut le cas pour M. Hraoui, dans la mesure où cela ne contrecarrerait pas leurs intérêts, ou bien intervenir plus activement dans ce choix, ce qui reste une possibilité en dépit des déclarations de M. Satterfield. Des observateurs estiment que les Etats-Unis sont intervenus uniquement pour empêcher une nouvelle prorogation du mandat de M. Hraoui, ce qui correspond d’ailleurs à la traduction des propos tenus par l’ambassadeur au sujet du soutien de son pays au «processus constitutionnel» et que Washington s’est entendu avec Damas sur les «qualités» dont devrait disposer le prochain chef de l’Etat, quitte à laisser aux Syriens l’option de choisir sa personne.
Les Libanais ont du mal à croire les propos du nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth David Satterfield qui affirme que son gouvernement ne s’ingère pas dans l’élection présidentielle et qu’il n’appuie aucun candidat en particulier. Washington considère que le scrutin «appartient au Liban et aux Libanais», souligne l’ambassadeur, qui ajoute que...