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Actualités - INTERVIEWS

Réfutant les critiques adressées à l'accord de Taëf Saadé met en garde contre une révolution si le comportement de la classe politique ne change pas

Le chef des Kataëb Georges Saadé a estimé que la Constitution née des accords de Taëf n’a jusqu’ici été appliquée «ni dans la lettre ni dans l’esprit», et averti que si le comportement de la classe politique ne changeait pas, le pays irait vers une «révolution». M. Saadé, qui était interrogé dans le cadre de l’émission «le Salon du samedi» à la Voix du Liban, s’est employé à défendre point par point les accords de Taëf, admettant quelques «erreurs», notamment au sujet de la fixation à quatre ans du mandat du chef du Parlement, mais réfutant la plupart des critiques qui sont adressées au texte, en particulier au sujet des prérogatives du président de la République. L’ancien député, qui était l’un des principaux artisans de Taëf, a indiqué qu’il venait d’achever la rédaction d’un ouvrage dans lequel il fait des révélations sur les réunions qui se sont déroulées dans la ville séoudienne du même nom, ainsi que sur les événements ultérieurs. Il a précisé que l’ouvrage a été édité mais pas encore distribué, et qu’il le sera bientôt. Interrogé à propos des critiques avancées aujourd’hui, notamment dans les milieux chrétiens, sur la diminution des pouvoirs du chef de l’Etat, M. Saadé a cherché à nier la réalité d’une telle réduction. Selon lui, avant Taëf, «il y avait les textes d’une part et la coutume de l’autre. Lorsque les textes étaient en contradiction avec la coutume, c’était cette dernière qui s’appliquait». «Qu’on vienne me dire aujourd’hui quelles étaient les prérogatives dont jouissait alors le président de la République en coutume et qui auraient été abolies dans les accords de Taëf?» a-t-il lancé. Pour M. Saadé, seuls des textes écrits ont été modifiés, et cette modification ne change rien puisque ces textes n’étaient pas appliqués, a-t-il souligné. Ainsi, se référant à l’article 17 de l’ancienne Constitution, qui prévoyait que le chef de l’Etat «dirige le pouvoir exécutif avec la collaboration des ministres», M. Saadé a suggéré que cette disposition n’a jamais reçu d’application étant donné qu’elle excluait un rôle particulier dans la direction de l’exécutif pour le chef du gouvernement. «Pourtant, on se rappelle bien de ce qui se passait chaque fois que le président de la République et le premier ministre étaient en désaccord autour de la participation», a-t-il relevé, faisant allusion à la paralysie du pouvoir qui résultait de telles situations. «Peut-on affirmer que le chef de l’Etat gouvernait seul, en dépit du fait que l’ancienne loi fondamentale ne mentionnait le chef du gouvernement que dans un seul article, stipulant que le premier ministre ou l’un des ministres doit donner lecture du programme du gouvernement»? s’est-il interrogé. «Irait-on jusqu’à prétendre pour autant qu’il n’y avait pas de président du Conseil des ministres de 1926 à 1990» ? a-t-il encore demandé. Evoquant les prérogatives actuelles du président de la République, M. Saadé s’est arrêté sur l’opportunité qui lui est donnée d’assister, et donc de présider, quand il le souhaite, la séance du Conseil des ministres. «Pourquoi ne le souhaite-t-il donc pas toujours ? Qu’est-ce qui l’occupe?», a-t-il dit. «Du moment que l’ordre du jour de chaque séance est établi par le premier ministre en accord avec le chef de l’Etat, ce dernier a donc la possibilité de juger si sa participation est nécessaire ou non», a-t-il noté. «J’ai été deux fois ministre sous les mandats précédents et trois fois sous l’actuel, et je suis en mesure d’assurer qu’absolument rien n’a changé dans la façon dont les séances du Conseil des ministres sont dirigées. C’est le chef de l’Etat qui préside la séance, c’est lui qui donne lecture de l’ordre du jour et il arrive très souvent qu’il décide de reporter tel ou tel sujet à une séance ultérieure, sans que personne ne s’y oppose», a ajouté M. Saadé. En réponse à une question, le chef des Kataëb a admis que le président de la République est soumis, conformément à Taëf, au respect de contraintes et de délais au sujet de l’adoption des décrets et des projets de loi, alors que ce n’est pas le cas pour le premier ministre. Cette question, selon lui, avait été soulevée à Taëf, mais les députés participants avaient trouvé la réponse en convenant de la nécessité d’imposer au Conseil des ministres un règlement intérieur, à l’instar de celui qui régit la vie du Parlement. «Ce règlement a été adopté, mais pas dans les détails, qui auraient dû faire l’objet d’une loi», a-t-il expliqué. En revanche, a-t-il souligné, il fallait respecter la position du président de la République, en incluant ses prérogatives dans la Constitution, «de sorte que l’on s’est retrouvé avec un étage supérieur achevé sans que les étages inférieurs ne le soient. C’est pourquoi, il est absolument nécessaire de revoir cette question, soit dans la Constitution, soit par le biais du règlement intérieur», a-t-il dit. M. Saadé a d’autre part rappelé que la fixation à 128 du nombre des députés n’était pas prévue dans les accords de Taëf et souligné que si la nouvelle Constitution retenait les mohafazats comme circonsriptions électorales pour les législatives, elle prévoyait surtout que cela devait être mis en œuvre «seulement après la révision des divisions administratives». «Je ne cache pas que nous avions tenu plusieurs réunions pour décider de ces nouvelles divisions, mais sans parvenir à un accord», a-t-il dit, estimant que les législatives de 1992 et de 1996 ont constitué «une violation très importante des accords de Taëf». «Un changement à tous les niveaux» Après avoir énuméré d’autres atteintes portées selon lui à ces accords, M. Saadé a souligné qu’il fallait «un changement à tous les niveaux». «Mon parti et moi avions été sanctionnés pour avoir dit ce que (le premier ministre) Rafic Hariri dit aujourd’hui du (chef du Parlement) Nabih Berry, ce que M. Berry dit de M. Hariri et ce que le président (Hraoui) dit des deux», a-t-il lancé. «A entendre les dirigeants se lancer mutuellement des accusations, comment peut-on espérer empêcher les jeunes générations d’être dégoûtées? comment peut-on convaincre ceux qui ont émigré de revenir? Nous avions fait Taëf pour ramener chez elles les populations déplacées et voilà que nous contraignons les gens à l’exil», a-t-il dit. Ironisant sur les autocritiques faites récemment par les responsables, tout en restant en place, il a souligné que si on continuait à «traiter l’opinion publique avec une telle légèreté, nous irions vers une terrible révolution sociale»
Le chef des Kataëb Georges Saadé a estimé que la Constitution née des accords de Taëf n’a jusqu’ici été appliquée «ni dans la lettre ni dans l’esprit», et averti que si le comportement de la classe politique ne changeait pas, le pays irait vers une «révolution». M. Saadé, qui était interrogé dans le cadre de l’émission «le Salon du samedi» à la Voix du...