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Actualités - CHRONOLOGIE

"Amie et alliée" mais pas alignée La France veut émanciper l'Europe de l'hégémonie américaine

Emanciper l’Europe face à l’inquiétante «tentation unilatérale» américaine et pour cela donner un nouveau souffle au couple franco-allemand: le président Jacques Chirac mercredi, puis le chef de la diplomatie Hubert Védrine hier jeudi ont mis l’accent sur ces deux lignes forces de la politique étrangère de la France au cours de leurs interventions devant les 180 ambassadeurs français réunis jusqu’à samedi à Paris pour leur conférence annuelle. Ils ont été rejoints en cela par le chef du gouvernement Lionel Jospin, au cours de son intervention d’hier. Le président et le ministre des Affaires étrangères sont partis d’une constatation: une véritable politique étrangère et de sécurité commune manque toujours cruellement à l’Union européenne et lui ôte une grande part de crédibilité dans la gestion des crises extérieures. Hubert Védrine a d’ailleurs déploré «le risque d’enlisement et de dilution» qui menace l’Union européenne et le fait qu’aucun contrepoids ne s’oppose pour l’instant à la puissance hégémonique des Etats-Unis. La France veut émanciper les relations de l’Europe avec les Etats-Unis. «Nous sommes amis, alliés, mais pas alignés. Nous recherchons une relation de partenariat et récusons l’unilatéralisme», a expliqué le chef de la diplomatie française. «Les Etats-Unis ont du mal à se prêter à une vraie négociation, surtout avec leurs alliés», a-t-il souligné. «Nous avons à traiter chaque jour avec un partenaire hyperpuissant à la tête duquel plusieurs politiques s’affrontent, se contredisent et qui a une vive propension à s’occuper de tout, mais peut rarement imposer ses solutions», a-t-il ajouté. Divergences Les points de divergence avec Washington ne manquent pas. Le président Chirac et le ministre des Affaires étrangères en ont évoqué plusieurs, de la Cour pénale internationale à l’usage de l’embargo et des sanctions en passant par le traité d’interdiction des mines, la réforme et l’élargissement de l’OTAN ou les réticences envers le Groupe de contact sur l’ex-Yougoslavie dans la gestion de la crise au Kosovo. «La France doit bâtir autour d’elle des ensembles divers, changeant selon les dossiers traités», a ainsi plaidé le chef de l’Etat. MM. Chirac et Védrine ont insisté sur «la grande liberté d’initiative et d’action retrouvée par la France». Autre constatation faite par les deux responsables de la politique extérieure: le couple franco-allemand n’est plus ce qu’il était et l’Europe se trouve de fait très démunie face aux Etats-Unis, partenaires et alliés tentés par «l’isolationnisme et l’unilatéralisme». Si les relations personnelles entre les dirigeants français et allemands sont «excellentes», «les intérêts ne sont plus spontanément identiques», a ainsi relevé Hubert Védrine. «La relation franco-allemande appelle une relance sur la forme, les méthodes et surtout les objectifs, quels que soient les résultats des élections» en septembre, a-t-il affirmé. «La France doit proposer à l’Allemagne des chemins nouveaux, plus ambitieux encore, pour affirmer notre entente et notre coopération», a pour sa part affirmé le président Chirac, insistant sur une relation «plus que jamais fondamentale». Se refusant à tout pronostic sur le résultat des élections allemandes, Jacques Chirac et Hubert Védrine ont tous deux salué l’action du chancelier Helmut Kohl. «Mais l’entente franco-allemande ne suffira pas à entraîner le convoi, si elle n’est pas complétée par un véritable accord avec un ou plusieurs partenaires tels que la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, un jour la Pologne», a insisté Hubert Védrine. Convergence de vues Lors d’un déjeuner organisé en l’honneur des participants à la conférence, Lionel Jospin a souligné «la grande convergence de vues» entre son gouvernement et l’Elysée en matière de politique extérieure, rendant ainsi la politesse au chef de l’Etat qui avait, la veille, vanté la cohabitation dans ce domaine et rendu hommage à Hubert Védrine. Contrairement à l’an passé, le premier ministre n’avait d’ailleurs pas jugé utile de prononcer un discours en bonne et due forme au lendemain de celui du chef de l’Etat, préférant se prêter à huis clos aux questions des ambassadeurs. Dans une brève introduction, Lionel Jospin a fait référence au discours de Jacques Chirac et expliqué «la grande convergence de vues entre les autorités françaises» par les constantes de la politique étrangère de la France mais aussi par une «sensibilité humaine proche», entre le président et lui-même, sur un certain nombre de sujets, a rapporté son entourage. Il a souligné que cela avait conduit le chef de l’Etat et lui-même à réagir de la même façon à certaines situations. Il a également expliqué le bon fonctionnement de la cohabitation dans ce domaine par le fait que le gouvernement et l’Elysée montraient «une grande maîtrise dans l’élaboration des décisions et l’expression publique», ce qui s’est traduit par l’absence de couacs notables depuis 15 mois. Ce «consensus« ne signifie pas que le gouvernement actuel n’a pas apporté des «inflexions» et des «impulsions» à la politique étrangère française, a cependant ajouté Lionel Jospin. Les autorités françaises ont des objectifs identiques — la défense des intérêts de la France — mais peuvent avoir des «inspirations différentes», et celles du gouvernement ont été intégrées dans la politique étrangère française en accord avec le président de la République, a-t-il souligné. Lionel Jospin a cité la politique européenne, les droits de l’homme, la politique africaine et la coopération comme exemples de secteurs où des «impulsions» voulues par son gouvernement ont ainsi été données à la diplomatie française. Il a notamment souligné que le ministre de la Coopération n’était plus le «ministre de l’Afrique» mais avait désormais vocation à intervenir partout. Selon son entourage, il a estimé que la politique du gouvernement avait des répercussions positives sur l’image de la France à l’étranger — notamment en ce qui concerne sa «capacité à s’adapter». Il a notamment cité les restructurations industrielles et l’accord sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Comme Jacques Chirac, Lionel Jospin a insisté sur la nécessité de relancer la relation franco-allemande dès que les élections législatives seraient passées en Allemagne. Il a également plaidé pour une cohérence du discours sur l’élargissement de l’Union européenne et la réforme des institutions communautaires. Si la France a réussi à convaincre certains de ses partenaires de la nécessité d’améliorer ces institutions en préalable à l’élargissement, ce discours doit également être tenu aux candidats à l’adhésion, qui ont aussi intérêt à un bon fonctionnement de l’UE, a-t-il souligné.
Emanciper l’Europe face à l’inquiétante «tentation unilatérale» américaine et pour cela donner un nouveau souffle au couple franco-allemand: le président Jacques Chirac mercredi, puis le chef de la diplomatie Hubert Védrine hier jeudi ont mis l’accent sur ces deux lignes forces de la politique étrangère de la France au cours de leurs interventions devant les 180...