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Actualités - ANALYSE

Sud : le saut dans l'inconnu

Tout ne dépend pas des démiurges occidentaux. M. Rafic Hariri, qui monte tout de suite sur la brèche quand le Sud est en question (et souvent avec beaucoup d’efficacité, comme on l’a vu en 93 puis en 96), avait obtenu en week-end des assurances d’apaisement que l’escalade sur le terrain a vite fait voler en éclats. Les pilonnages israéliens de localités libanaises, la riposte du Hezbollah par des tirs de Katioucha sur la Galilée ont déchiré les accords de guerre propre dits d’avril. Et les récentes menaces israéliennes de frapper l’infrastructure libanaise (eau, électricité, routes, téléphone) ou encore de faire sauter les jeeps des forces syriennes cantonnées dans ce pays ont été dans la matinée d’hier (en attendant les développements sur le terrain) au centre des préoccupations des dirigeants locaux. Il est connu en effet qu’on sait comment des hostilités commencent, comment se déclenche un cycle de violence, mais qu’on ignore comment cela peut se terminer. Dans de pareils cas, les fameuses «lignes rouges», en l’occurrence l’interdiction américaine de toute opération israélienne majeure, deviennent très élastiques. Le temps d’un rappel effectif à l’ordre, beaucoup de mal peut être fait, au nom du droit de représailles que l’occupant se réserve… Les médias internationaux mettent ainsi l’accent sur le considérable renforcement du dispositif d’attaque sioniste dans l’enclave occupée ainsi qu’à la frontière, avec afflux massif de canons de campagne tractés, de troupes fraîches et de contingents héliportés. Depuis la mise en place du comité dit de surveillance du cessez-le- feu (un faux cessez-le-feu, puisqu’il n’interdit pas les combats mais les limite aux objectifs militaires), le Sud, sans jamais être tout à fait calme, avait l’air sous contrôle. Il s’y est produit nombre de bavures de gravité variable mais des interventions rapides, notamment américaines, y mettaient bon ordre. Double langage Seulement, profitant du double choc des attentats terroristes en Afrique et des coups américains contre des régimes islamistes, Netanyahu semble avoir décidé de bousculer les règles du jeu face au Hezbollah et par contrecoup à la Syrie. Fidèle à une tactique devenue traditionnelle chez lui, il serre la vis sur un front et lâche du lest sur un autre. Ainsi, quand il était à couteaux tirés avec les Palestiniens, il promettait de se retirer du Sud. Et maintenant qu’il met le feu aux poudres dans cette région, il transige sur la Cisjordanie… Par un tel dosage d’effets, il contrôle dans une certaine mesure les réactions U.S.. La carotte et le bâton, en somme. Qu’il tente de manier aussi face à la Syrie: au moment où Uzi Landau parlait de dynamiter les jeeps syriennes au Liban, Yitzhak Mordehaï laissait entendre pour sa part qu’un retrait du Golan n’était pas impossible… La question est de savoir jusqu’à quel point les Américains, pris dans un double maelström intérieur et extérieur avec le Monicagate et la lutte contre le terrorisme (qui tourne à l’affrontement avec le monde islamique), peuvent encore maîtriser la situation. Ou plus simplement, se soucier d’une quantité aussi «négligeable» que le Liban-Sud, pour ne pas dire le Liban tout court. Par chance, en quelque sorte, les Etats-Unis disposent d’une machinerie diplomatique bien huilée, bien compartimentée, bien organisée qui fonctionne automatiquement, comme un coupe-feu, quand un incendie se déclare çà ou là. Il est ainsi peu probable qu’un Dennis Ross se désintéresse de l’évolution au Liban-Sud car une explosion là pourrait donner le coup de grâce au processus de paix dont il a la charge, et qui est déjà bien compromis. Même Madeleine Albright, malgré ses préoccupations du moment, pourrait donner de la voix si la situation devenait trop tendue. Et mobiliser, le cas échéant, Kofi Annan et ses services… Du reste, il se trouve que nombre de cadres U.S., parlementaires ou autres, sont actuellement en tournée d’inspection de plusieurs semaines dans la région et peuvent suivre les développements de près. On relève ainsi la présence à Beyrouth, en mission de contacts avec les pôles politiques dont elle recueille les avis, de l’analyste en chef du département d’Etat pour le dossier Liban, une dame qui adresse ses rapports ou ses synthèses directement à Madeleine Albright. Sa mission semble, d’après ceux qui l’ont rencontrée, importante, dans la mesure où le questionnaire dont elle use est axé sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer dans un assez proche avenir le retrait israélien. Selon ces témoins, elle pose trois questions très précises: — Quels effectifs, quel matériel et dans quels sites, l’armée libanaise se déploierait pour contrôler le Sud et neutraliser tout activisme intégriste après le départ des Israéliens? — Dans la période transitoire, comment l’ordre serait-il maintenu, que serait-il fait pour prévenir les dérapages? — Comment l’armée libanaise traiterait-elle après le retrait la question des forces armées qui subsisteraient sur le terrain, à savoir principalement les Palestiniens?…
Tout ne dépend pas des démiurges occidentaux. M. Rafic Hariri, qui monte tout de suite sur la brèche quand le Sud est en question (et souvent avec beaucoup d’efficacité, comme on l’a vu en 93 puis en 96), avait obtenu en week-end des assurances d’apaisement que l’escalade sur le terrain a vite fait voler en éclats. Les pilonnages israéliens de localités libanaises, la...