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Actualités - INTERVIEWS

Un projet exécuté par le ministère de l'environnement, le PNUD et des organismes internationaux préservera 5% des espaces verts Le Liban enfin doté d'un programme pour la protection de la nature (photo)

L’expression «Liban vert» a longtemps servi de slogan national repris, par une large frange de l’opinion, en diverses occasions. Nombreux sont les Libanais qui vantent «la beauté des paysages de notre petit pays». Mais que reste-t-il de nos espaces naturels? Carrières, incendies, déforestation... Les forêts se sont rétrécies pour céder la place à des jungles de béton. Elles couvrent actuellement entre 7% et 10% du territoire libanais. Le «projet pour la protection des réserves naturelles et de la biodiversité», lancé conjointement par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature et des Ressources Naturelles (IUCN), le Fonds des Nations Unies pour l’Environnement (GEF) et le ministère de l’Environnement, protégera 5% de nos espaces verts, représentant les réserves naturelles du pays. Ce programme a pour objectif de préserver la biomasse, notamment les espèces en voie de disparition. La protection de la nature fera donc partie du développement durable du pays. Dans une interview accordée à «L’Orient-Le Jour», M. Fayçal Abou Ezzedine, directeur du projet au ministère de l’Environnement, a souligné que «les réserves naturelles constituent la plus importante réalisation du gouvernement libanais pour la protection de la nature». Ingénieur agronome, M. Abou Ezzedine a plus de 25 ans d’expérience dans le développement durable tel que la gestion des réserves naturelles et la protection de la biodiversité. Avant d’occuper son poste au ministère de l’Environnement, il a été consultant international auprès de plusieurs organismes de l’ONU notamment, la FAO, le PNUD, le GEF, l’UNEP, l’UNICEF, l’ESCWA, l’IUCN et l’USAID. Au temps de l’empereur Hadrien déjà M. Abou Ezzedine déplore d’emblée que «très peu de personnes aient pensé à la création de réserves naturelles dans notre pays». «Les Libanais n’ont jamais senti le besoin de protéger la nature; ils ont toujours estimé que même s’ils la saccagent, le Liban restera un beau pays», dit-il. «C’est pourquoi, il ne reste plus que 7 à 10 % de terrains couverts par la forêt», indique-t-il. Dans un rapport présenté à la conférence de Bratislava (capitale de la Slovaquie), M. Abou Ezzedine a évoqué la création de la première réserve naturelle au Liban: «L’empereur romain Hadrien (117-138 av. J.-C.), inspectant la partie est de son empire, il y a deux mille ans, a été choqué par la destruction des forêts libanaises. Il a ordonné donc de placer des centaines de rochers portant l’inscription «domaine impérial» autour des forêts qui ont survécu pour les protéger». «Et, depuis, ajoute le directeur du projet, plusieurs décisions relatives aux réserves naturelles ont été prises par les ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, entre 1980 et 1990, sans donner beaucoup d’effets». Cependant, une loi votée en décembre 1997 confirme deux décrets créant «les réserves de la forêt d’Ehden, de l’île aux palmiers (loi 121 du 9 mars 1992) et des cèdres du Chouf (loi 532 du 24 juillet 1996)». M. Abou Ezzedine explique que, «comme ces trois réserves étaient protégées par la loi, les Nations Unies, qui ont besoin d’une certaine garantie de la durabilité d’un projet, ont décidé d’aider le Liban». Et de souligner que «ces trois sites, qui forment 5% du territoire libanais, sont très importants pour la protection de la biodiversité». Don de 2,5 millions de dollars Les cèdres du Chouf, réserve qui s’étend sur un terrain vaste de 500 km2 et dont l’altitude varie entre 1200 et 1900 mètres, présente un écosystème montagneux. C’est la seule forêt où l’on peut trouver ou réintroduire des mammifères qui ont disparu de la région. La forêt d’Ehden a une altitude moyenne de 1600 mètres. Elle possède le plus grand nombre de cèdres (une centaine) mêlés à d’autres conifères. Vaste de 10 km2, elle forme l’un des écosystèmes les plus équilibrés au Liban. La réserve de l’île aux palmiers (Tripoli) est formée de trois îlots ayant une superficie totale de 5,5 km2. Refuge des oiseaux migratoires, elle représente un écosystème typique de la Méditerranée orientale. Le directeur du projet note que «ces trois réserves, avant la promulgation des lois les protégeant, ont été préservées grâce à leur emplacement; l’accès à la forêt d’Ehden et aux cèdres du Chouf est très difficile».«Le cas de la réserve de Tripoli est différent car elle est polluée par les ordures jetées à la mer et drainées par les courants», ajoute-t-il. Soulignant que «le projet des réserves et de la protection de la biodiversité n’est pas un projet individuel mais un projet collectif», M. Abou Ezzedine précise que «les Nations Unies ont octroyé, pour sa réalisation, un don de 2,5 millions de dollars». Il insiste sur le fait que «cette somme est échelonnée sur cinq ans et destinée aux trois réserves qui forment 5% de la superficie du pays. Elle doit servir à la formation des gestionnaires des réserves et à l’achat d’équipements». C’est le GEF qui a accordé les 2,5 millions de dollars. L’argent a été acheminé à travers le PNUD. L’IUCN, basée en Suisse, joue le rôle de consultant: ce sont les experts de l’agence onusienne qui apportent leur savoir faire. M. Abou Ezzedine note que «le projet entériné le 8 février 1996 et entamé le 15 novembre de la même année, et échelonné sur cinq ans, vise à aider les associations civiles et les personnes en charge des réserves naturelles à établir un plan de gestion». Et de qualifier cette expérience de «très importante» pour trois raisons: «Il s’agit de la première expérience du genre au Liban; les réserves sont gérées conjointement avec les associations civiles de la région (à Tripoli par le comité de la protection de l’environnement, à Ehden par les amis de la forêt d’Ehden et au Chouf par la communauté des cèdres du Chouf); ce projet, enfin, a un rapport direct avec le développement durable». Prévues pour protéger la vie sauvage, ces réserves sont accessibles au public. M. Abou Ezzedine souligne l’importance du tourisme écologique qui «peut rapporter des revenus au Trésor». «C’est ce genre de tourisme, indique-t-il, qu’il faut encourager au Liban. Il sensibilisera également l’opinion publique à la protection de l’environnement». Et d’ajouter que «les réserves du Chouf et d’Ehden sont ouvertes au public tandis que la réserve de Tripoli sera prochainement inaugurée». Selon lui, les promeneurs ne peuvent pas nuire à l’environnement car, dans les trois sites, «des chemins pour la promenade sont prévus, et les visiteurs n’ont accès qu’à 10% de la superficie de la réserve». «Notre but principal est de préserver ces régions», explique-t-il. Et de noter «qu’actuellement 25 personnes se consacrent à temps plein aux réserves: des gestionnaires, des gardes forestiers, des guides»... Espace consacré à la recherche M. Abou Ezzedine souligne que, «depuis la création des espaces protégés, beaucoup d’espèces vivantes sont apparues. Elles seront toutes répertoriées». «Des espaces seront prévus exclusivement pour la recherche scientifique. Ce programme sera réalisé avec le concours du Conseil national pour la recherche scientifique (CNRS)», ajoute-t-il. Le directeur du projet se félicite du fait que «ces espaces naturels attirent de plus en plus de jeunes. La recherche n’est plus réservée aux chercheurs confirmés mais aussi à des étudiants qui préparent leurs diplômes». «De plus, à l’issue des élections municipales, poursuit-il, les habitants de certaines localités ont commencé à s’intéresser à préserver leurs forêts». «Le ministère de l’Environnement reçoit beaucoup d’appels pour la création de nouvelles réserves dans certaines localités», dit-il. M. Abou Ezzedine souligne que, «dans une quinzaine d’années, le projet des réserves naturelles sera considéré comme la plus importante réalisation du gouvernement libanais pour la protection de la nature». Il indique qu’actuellement «le projet étant à ses débuts, nous ne connaissons pas encore toutes les espèces qui évoluent dans les réserves». «Il faut préserver ces trésors que nous possédons», dit-il. M. Abou Ezzedine croit à l’avenir de son projet soulignant qu’il remarque que «la mentalité des Libanais change petit à petit» et que les jeunes «s’intéressent de plus en plus à la protection de l’environnement». Il déclare s’être depuis toujours préoccupé de l’environnement «même quand ce sujet n’était pas à la mode». Il estime que «si la guerre a éclaté au Liban, c’est parce que nous ne respectons pas la nature», expliquant que «si nous respections la nature nous aurions respecté les êtres humains». M. Abou Ezzedine se souvient de la ferme héritée de son père. Sur l’un des arbres il avait, lui-même, accroché, il y a une trentaine d’années, un écriteau adressé aux chasseurs: «Préservez les oiseaux». Les chasseurs ont tiré sur la plaque...
L’expression «Liban vert» a longtemps servi de slogan national repris, par une large frange de l’opinion, en diverses occasions. Nombreux sont les Libanais qui vantent «la beauté des paysages de notre petit pays». Mais que reste-t-il de nos espaces naturels? Carrières, incendies, déforestation... Les forêts se sont rétrécies pour céder la place à des jungles de béton....