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Actualités - ANALYSE

Un sujet tabou .. pour les libanais

Dans un mois, une semaine, et deux jours — le 24 septembre, et jusqu’au 24 octobre — commence à courir le délai constitutionnel pour l’élection d’un nouveau président de la République… libanaise. Si près de la ligne d’arrivée, tout le monde tourne autour du pot. «Y penser toujours, n’en parler jamais», disait entre 1870 et 1914 le slogan des revanchards français à propos de l’Alsace et de la Lorraine. Le même précepte est ici appliqué à la présidentielle. A cette nuance près qu’en «parler» est tout simplement interdit. On peut certes en «converser» dans les salons, mais pas présenter ou soutenir des candidatures. Un tabou assez logique puisqu’en définitive ce ne sont pas les Libanais qui vont choisir. Et que cette rétention, cette privation d’un droit aussi élémentaire non seulement ils l’acceptent mais encore ils la réclament à cor et à cri. Du moins du côté du système, de ses tenants et de ses aboutissants. Tout cela est très logique, répétons-le, puisque de l’avis du chef de l’Etat M. Elias Hraoui, émis voici quelques mois, «nous n’avons pas atteint l’âge de raison et de majorité légale», d’où la nécessité d’un maintien sous tutelle. En la présente circonstance, personne ne veut bien reconnaître qu’il se cantonne dans la réserve pour se conformer à des directives déterminées. «Il est tout simplement prématuré de débattre d’une échéance qui sera beaucoup déterminée par les conditions régionales qui régneront dans deux mois», entend-on répéter les loyalistes. Ce «prématuré» est néanmoins en coulisse la vraie cause de la crise qui oppose les présidents Berry et Hariri. Ce qui amène ce constat: l’ombre prend le pas sur la lumière, le négatif sur le positif et la présidentielle se prépare comme un plat empoisonné, non comme une potion bénéfique pouvant guérir le pays de ce virus qu’est le système de partage mis en place sous le label de la troïka. Le comble c’est que toute empoignade se rapportant à la présidentielle est aussi vaine que préjudiciable à l’intérêt de l’Etat, puisqu’en définitive c’est un sec mot d’ordre des décideurs qui tranchera. En 1995, aussi, le système s’était couvert de ridicule: le projet de prorogation avait provoqué chez les députés une formidable levée de boucliers parlementaire, une vraie révolte de Spartacus puis quand les décideurs ont claqué des doigts, ils ont voté massivement pour la reconduction. Le principe intéressé lui-même avait commencé, on le sait, par rejeter avec vigueur l’idée de rester en soulignant que pour sa part il savait «lire l’Histoire» et ne commettrait pas l’erreur des prédécesseurs qui avaient voulu s’accrocher au poste. Puis il s’était laissé faire douce violence… On se demande du reste aujourd’hui si la prorogation n’a pas de nouveau sa chance. Les évêques maronites affirment en effet dans leur dernier communiqué qu’une élection présidentielle n’en serait pas une vraiment dans les conditions que vit le pays et laissent donc entendre qu’il serait préférable de s’en passer. Or comme on sait que les décideurs ont promis de ménager les vues de l’Est, à mots couverts certes mais en s’avançant assez pour envoyer des amis transmettre ce message à Bkerké, on peut penser que tout compte fait ils pourraient opter pour le maintien du statu quo… Quoi qu’il en soit, si rien n’affleure sur la scène publique, les politiciens locaux ne peuvent évidemment pas s’empêcher de se passionner pour une échéance qui, pour beaucoup d’entre eux, représente un enjeu très important. Ainsi, ils se donnent souvent rendez-vous en masse, ici ou là, pour «bavarder», puisque «parler» est interdit. Au cours d’un de ces talk show aussi confidentiels qu’improvisés, un ministre influent retour de la capitale syrienne a confirmé que le dossier de la présidentielle ne sera pas traité avant octobre, qu’il le sera par Damas à l’exclusion de toute autre partie intérieure ou extérieure et que toutes les options restent ouvertes. Et libre aux Libanais, ou à David Sutterfield qui débarque en septembre, d’en «penser» ce qu’ils veulent.
Dans un mois, une semaine, et deux jours — le 24 septembre, et jusqu’au 24 octobre — commence à courir le délai constitutionnel pour l’élection d’un nouveau président de la République… libanaise. Si près de la ligne d’arrivée, tout le monde tourne autour du pot. «Y penser toujours, n’en parler jamais», disait entre 1870 et 1914 le slogan des revanchards...