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Actualités - CHRONOLOGIE

Détermination du nouveau paysage hertzien Nasser Kandil brandit la menace d'un recours devant le Conseil d'Etat Le CSA réunira demain pour examiner la dernière décision ministérielle, annonce le vice-président de cet organisme Télé-Liban, la LBCI et Al-Manar procèdent à un échange de fréquences

Certaines mesures adoptées par le gouvernement s’assimilent plus à une devinette qu’à une décision officielle. C’est le cas notamment de la détermination du nombre de fréquences hertziennes qui a été approuvée jeudi en Conseil des ministres et dont on ignore si elle fait l’objet d’un décret ou d’une décision de principe, à cause des indications contradictoires à ce sujet. La nuance est cependant importante parce qu’elle déterminera d’une part la position du Conseil supérieur de l’audiovisuel — dont le vice-président, M. Nasser Kandil, brandit la menace d’un recours devant le Conseil d’Etat — et parce qu’elle a d’autre part relancé le débat autour de la légalité et de l’opportunité de l’ensemble des décrets pris en Conseil des ministres en application de la loi sur la réorganisation de l’audiovisuel. Le Comité technique de l’audiovisuel crie au scandale, le Conseil supérieur de l’audiovisuel se fait menaçant alors que les médias concernés, qui n’ont pas été consultés sur le sujet, s’empressent d’échanger entre eux et en fonction de leurs besoins les fréquences qui leur ont été accordées. La situation n’aurait pas été burlesque si on ne s’obstinait pas à politiser un dossier qui n’aurait dû être traité que sous un angle technique. La loi sur l’audiovisuel, adoptée en 1994, définissait clairement les différentes étapes de la réorganisation du secteur des médias. Mais le texte voté a vite fait de devenir une couverture légale à l’arbitraire qui caractérise, depuis, nombre de décisions prises pour forger un paysage audiovisuel taillé à la mesure d’un nombre limité de pôles politiques. L’opposition parlementaire a pendant des mois fait de ce sujet son cheval de bataille et le chef du Législatif, M. Nabih Berry, a lui-même reconnu après avoir annoncé «le décès» de la «Troïka» du Pouvoir, qu’il y a eu un partage politique du monde de l’audiovisuel. Aujourd’hui, le Conseil supérieur et le Comité technique de l’audiovisuel prennent la relève et des voix s’élèvent pour déplorer la marginalisation du rôle de ces deux instances. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel tiendra demain une réunion pour examiner la décision du Conseil des ministres de répartir 36 fréquences sur les six chaînes de télévision opérant au Liban et vérifier si elle est conforme à la loi. M. Nasser Kandil, vice-président du CSA, souligne en effet que cette décision ne pose pas de problèmes si elle est destinée à rectifier le premier décret d’octroi de licence aux chaînes de télévision. Ce premier décret en vertu duquel la LBCI, la MTV, la Future, la NBN et el-Manar ont obtenu des permis d’exploitation, est illégal parce qu’il est incomplet, explique-t-il. Le gouvernement aurait dû déterminer dans ce texte le nombre de fréquences que chacune de ces chaînes pouvait exploiter afin d’assurer une couverture nationale, pour pouvoir vérifier au bout d’un an, conformément à la loi, qu’elles remplissent les conditions précisées dans le cahier des charges en fonction duquel elles avaient présenté leurs demandes pour obtenir des licences d’exploitation. «S’il s’agit d’un décret à part visant à déterminer le nombre des fréquences qui peuvent être distribuées aux médias, ce serait alors une nouvelle atteinte à la loi, parce qu’ainsi le gouvernement aurait confirmé que les chaînes autorisées remplissent les conditions définies dans le cahier des charges qui est devenu une partie de la loi, sans avoir pris la peine de s’en assurer au préalable», ajoute-t-il. Un problème de contrôle C’est sur cette base que le Conseil supérieur de l’audiovisuel présentera au Conseil d’Etat un recours en invalidation du texte, explique M. Kandil qui note que le CSA avait adressé au cours des 3 dernières années, plusieurs notes au gouvernement pour attirer son attention sur cette lacune. Quoi qu’il en soit, il est peu probable que le gouvernement reconnaisse aujourd’hui, qu’il s’agit d’un rectificatif du premier texte adopté en 1996 parce que dans ce cas, il faudra considérer que le délai d’un an prévu par la loi pour s’assurer que les chaînes autorisées à opérer remplissent bel et bien les conditions déterminées dans le cahier des charges, a expiré et qu’il est temps pour un nouveau contrôle. Ce contrôle déterminera le sort des licences accordées. S’il est positif, les licences sont maintenues, s’il est négatif, elles seront retirées. Or, M. Kandil doute que le gouvernement prenne ce genre d’initiatives pour la bonne et simple raison que les conditions techniques exigées ne sont pas, dit-il, remplies par toutes les chaînes. Selon lui, c’est parce que le Cabinet n’a pas suivi scrupuleusement les étapes définies par la loi qu’il y a eu un laisser-aller du côté des chaînes de télévision. M. Kandil ne cache pas son mécontentement de ce que le gouvernement ait décidé de faire cavalier seul, sans tenir compte de l’avis du CSA et du comité technique présidé par le directeur général du ministère de l’Information. Le ministre de l’Information, M. Bassem Sabeh, avait déclaré jeudi dernier qu’il avait adressé il y a quatre mois au CSA le rapport établi par le directeur général du ministère des P. et T., M. Abdel Menem Youssef. Mais ce qui s’est passé est que le CSA exigeait d’avoir au préalable le plan directeur prévu pour le secteur de l’information pour l’étudier avant de s’attaquer au dossier technique. Désespérant de pouvoir obtenir le texte, il a annoncé en avril dernier qu’il suspendait l’examen des demandes de licences présentées par les médias, à moins d’avoir le plan directeur. Il avait ensuite demandé un délai de quarante jours pour étudier le rapport technique et formuler un avis, ce qui fait que le délai est passé avant qu’il ne puisse compléter l’examen du texte. Le CSA multipliait pourtant les réunions avec M. Youssef qui proposait dans son plan une émission similaire à celle des relais installés par les compagnies de téléphone cellulaire, soit une émission à 360°, ainsi qu’une couverture régionale tributaire du nombre des habitants par caza, explique M. Kandil. Le CSA s’est arrêté sur ces deux points, d’abord parce qu’une émission à 360° implique une interférence des fréquences, ensuite parce qu’une émission tributaire du nombre d’habitants par caza ne permet pas une couverture à l’échelle nationale et s’avère ainsi contraire à la loi. Aussi, a-t-il sollicité l’assistance d’un expert de l’Union internationale des télécommunications. En attendant la réponse de l’UIT, le CSA a demandé du ministère des P et T de lui fournir une carte du projet d’émission et une autre des cazas pour s’assurer de la capacité de couverture de chaque chaîne. M. Kandil précise qu’aucune suite n’a été donnée à cette requête, en dépit des multiples mémorandums envoyés au ministère. Entre-temps, le décret déterminant le nombre de fréquences par télévision sur base du plan technique élaboré par ce département a été promulgué, en dépit des réserves exprimées. Une fusion des chaînes M. Kandil laisse entendre que le ministère n’a pas voulu fournir au CSA les cartes qu’il avait demandées parce qu’il apparaîtrait à ce moment que quatre chaînes suffisent pour une couverture de tout le territoire ce qui impliquerait logiquement la fusion de certaines chaînes. S’il faut tenir compte des reliefs libanais et des capacités techniques de chaque chaîne, la Future, la MTV et «Al-Manar» peuvent fusionner, selon le vice-président du CSC et la LBC formerait une seule chaîne avec la NBN. Télé-Liban continuera d’émettre seul puisqu’il utilise les fréquences VHF qui impliquent une couverture régionale alors que les UHF impliquent une couverture locale. Mais une telle éventualité n’est pas évidemment envisageable pour des raisons plus politiques que techniques. Pour ces mêmes raisons politiques, explique-t-il, le gouvernement n’a pas doté le CSA des moyens lui permettant d’assumer sa mission de contrôle, stipulée par la loi. Selon lui, la présence d’un conseil dynamique, efficace et indépendant est indispensable pour réglementer le secteur de l’audiovisuel et le rendre compétitif. Le CSA doit notamment s’assurer que les conditions posées par la loi sur l’audiovisuel sont respectées au niveau de la programmation et que les médias font preuve d’objectivité dans leurs nouvelles politiques. M. Kandil croit ferme que le secteur de l’audiovisuel sera un des piliers de l’économie au 21e siècle. «Pour cela, il ne faut pas réglementer arbitrairement ce secteur» dit-il, soulignant que les investissements dans le secteur de l’information représentent aujourd’hui 23% des investissements économiques dans le monde et que le Liban a tous les atouts pour devenir «Le» centre des télécommunications et d’information du monde arabe. En raison de cette projection sur l’avenir, il se dit consterné de constater que la réorganisation du secteur de l’audiovisuel se fonde essentiellement sur la convergence des intérêts de «happy few» et non pas sur une loi qui préparera le Liban à occuper une place de choix sur la scène régionale dans le domaine de l’information. «Voyez comment les médias se disputent les fréquences». M. Kandil faisait allusion à la réunion que le ministre de l’Information a tenue hier matin avec les représentants de la LBCI, de Télé-Liban, de la MTV, de la NBN, de la Future et du «Manar», qui se sont félicités de la promulgation du décret déterminant les fréquences qu’ils peuvent utiliser. Ce qui n’a pas toutefois été dit au sujet de cette réunion, c’est qu’elle a aussi permis à certaines chaînes d’échanger quelques fréquences: Télé-Liban a échangé deux fréquences avec la LBC et «Al-Manar», ce qui est en contradiction avec l’article 9 de la loi sur l’audiovisuel. Le texte en question précise qu’aucune chaîne n’est autorisée à céder, à louer ou à échanger une fréquence qui lui est accordée sous peine de sanctions pénales. Télé-Liban a pris les fréquences 47 et 32 qui avaient été au départ accordés au «Manar» et à la LBC. Elle leur a cédé en contrepartie la 48 au «Manar» et la 33 à la LBC. Les chaînes en question n’ont pas vu dans cet échange une violation de la loi, partant du principe que le Conseil des ministres n’a pas encore approuvé le décret déterminant le nombre de fréquences qui leur sont accordées mais a seulement pris la décision de les leur distribuer. Interrogé à ce sujet, M. Sabeh a précisé que le gouvernement a approuvé le décret déterminant le nombre des fréquences par chaîne. «La force de la volonté politique» Le président du Comité technique de l’audiovisuel, M. Mohamed Obeid, n’a pas voulu commenter cet échange ou le décret pris en Conseil des ministres. Mais une source de cette instance a souligné que dans les deux cas il y a eu violation de la loi. «Parce qu’il n’est pas possible d’échanger des fréquences une fois le décret pris et parce qu’il n’est pas possible de distribuer des fréquences avant la promulgation d’un décret», selon la même source qui a d’ailleurs répété l’argument développé par M. Kandil. La même source a constaté avec amertume que «le secteur de l’audiovisuel n’est pas en train d’être réorganisé et réglementé par la force de la loi mais par la force de la volonté politique». «Le problème est que personne ne lit la loi», a-t-on ajouté de mêmes sources, soulignant que le président de la commission ministérielle chargée d’étudier le dossier de l’audiovisuel, M. Michel Murr, «a été atterré par le nombre des atteintes à la loi réglementant l’audiovisuel». M. Kandil avait lui aussi indiqué que la commission était favorable aux propositions du CSA concernant la réglementation du secteur de l’audiovisuel. S’il parle avec amertume de ce dossier, il reste que M. Kandil se dit confiant en un changement. Un changement qui ne doit pas tarder, selon lui. M. Kandil relève qu’entre l’élection d’un nouveau chef de l’Etat et la passation de pouvoirs à Baabda, la commission ministérielle mettra les bouchées doubles en coordination avec le CSA afin de préparer un projet d’amendement de la loi organisant le secteur de l’audiovisuel pour le proposer au nouveau gouvernement. Mais en attendant, il doit livrer une autre bataille, celle de la détermination des fréquences radios laissée en suspens.
Certaines mesures adoptées par le gouvernement s’assimilent plus à une devinette qu’à une décision officielle. C’est le cas notamment de la détermination du nombre de fréquences hertziennes qui a été approuvée jeudi en Conseil des ministres et dont on ignore si elle fait l’objet d’un décret ou d’une décision de principe, à cause des indications contradictoires...