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Actualités - REPORTAGE

Reprochant au chef du gouvernement de ne pas tenir ses engagements Berry laisse exploser sa colère au parlement Outré, Hariri se retire entraînant les ministres avec lui

Lorsqu’il y a deux ans, le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, avait été violemment pris à partie par le député Najah Wakim au cours d’une réunion parlementaire, il était sorti de l’Hémicycle en affirmant qu’il n’avait «jamais été autant insulté de sa vie». Mais le même scénario s’est répété hier, Place de l’Etoile: l’esclandre provoqué par le chef du Parlement, M. Nabih Berry, qui a reproché, en hurlant, au président du Conseil de ne pas respecter ses engagements, a poussé M. Hariri à quitter le Parlement, mais en entraînant cette fois les ministres avec lui. «Considérez que le gouvernement n’existe plus», a-t-il lancé au préalable à l’adresse de M. Berry. En apparence, la réunion parlementaire des deux derniers jours était anodine, mais elle a quand même montré à quel point les rapports sont tendus entre le président de la Chambre et le chef du gouvernement, et à quel point M. Berry en veut au président du Conseil. Le détonateur de la vive altercation qui a opposé les deux responsables? Le débat autour d’une proposition de loi banale, revêtue du double caractère d’urgence, stipulant le cumul des années de service de certains fonctionnaires qui avaient été recrutés en tant que contractuels et qui avaient été par la suite titularisés. Quant à la raison de l’esclandre, c’est essentiellement dans le déroulement de la réunion qu’il faut la chercher. Nul n’ignore que M. Berry accumule depuis quelque temps les griefs contre le chef du gouvernement et notamment depuis la décision du gouvernement de déférer cheikh Sobhi Toufayli devant la Cour de justice, mesure à laquelle le chef du Parlement était catégoriquement opposé. La réunion d’hier a été simplement la goutte qui a fait déborder le vase. M. Berry a reproché au président du Conseil de ne pas respecter ses engagements pris au Parlement. En réalité, il lui en veut surtout pour ses tentatives de paralyser le rôle de la Chambre. A l’ordre du jour de la réunion parlementaire, 25 textes de loi étaient inscrits: 14 projets de loi, dont celui de la nouvelle échelle dans le secteur public, et 11 propositions de loi. Le gouvernement a retiré l’échelle des salaires et a obtenu l’approbation du reste des textes qu’il avait présentés à la Chambre, à l’exception de deux qui lui avaient été renvoyés simplement parce qu’ils ne portaient pas la signature du ministre des Finances. Quant aux textes proposés par les députés, ils ont été tous renvoyés en commissions ou rejetés à l’exception de deux ne présentant pas un intérêt particulier. Et c’est ce qui a provoqué l’ire du chef du Parlement, qui a vu dans l’opposition gouvernementale systématique aux propositions de loi une tentative de paralyser le rôle de la Chambre. Mais jusqu’en milieu de matinée, rien ne présageait l’explosion de colère du chef du Parlement. La réunion se poursuit dans un climat serein jusqu’à ce que la Chambre commence à examiner la proposition de loi revêtue du caractère de double urgence présentée par M. Elie Ferzli. Pourtant, le texte n’a rien d’extraordinaire, pas plus que le débat autour de l’opportunité de son approbation. M. Berry commence par soumettre au vote le caractère de double urgence qui est approuvé par les députés. Calmement, M. Hariri se lève et propose son ajournement jusqu’à ce que le gouvernement retransmette à la Chambre la nouvelle échelle des salaires des fonctionnaires de l’Etat. «Les indemnités de retraite y figurent», précise-t-il. Mais le vice-président de la Chambre prend la défense du texte qu’il a élaboré soulignant «les problèmes découlant du fait de l’existence de deux systèmes de retraite». Il est soutenu par le président Hussein Husseini et MM. Khalil Hraoui, Talal Merhébi et Hussein Hajj Hassan. M. Husseini indique que le Conseil de la fonction publique a achevé toutes les études concernant ce dossier, ajoutant que le texte sous étude est de nature à rendre justice aux fonctionnaires. Le président de la Chambre intervient pour noter que toutes les propositions de loi soumises au vote sont au préalable envoyées au gouvernement et que l’Exécutif a eu le temps d’étudier le projet de cumul des services des fonctionnaires. Mais M. Siniora proteste quand même, jugeant nécessaire de connaître exactement les charges financières conséquentes à l’approbation du texte et c’est M. Merhébi qui répond, affirmant qu’il n’est pas nécessaire que la loi, au cas où elle serait votée, ait un effet rétroactif. Le débat se prolonge et le chef du gouvernement intervient de nouveau: «La nouvelle échelle des salaires va être retransmise au Parlement, puisque je vous le dis et le cumul dont vous parlez y est inclus. Je propose alors d’ajourner l’examen de ce texte». Personne ne fait d’abord attention à la réaction du chef du Parlement. La morosité des débats de ce début de matinée avait poussé plusieurs ministres et députés à sortir bavarder et fumer une cigarette dans le hall du Parlement. Cinq ou six députés seulement participaient d’ailleurs à la discussion. Les autres somnolaient ou bavardaient avec leurs collègues. C’est le brusque changement de ton de M. Berry qui les ramène à la réalité. «Attendons donc cette merveille. L’échelle des salaires était supposée entrer en vigueur depuis le 1er janvier 1996», dit-il avec humeur. Et, soudain, c’est l’explosion: «Depuis le 1er janvier 1996, je vous dis qu’on l’attend. Nous nous sommes tus pendant tout ce temps et aujourd’hui vous annoncez la prochaine transmission de votre projet au Parlement. Sachez que nous nous préoccupons plus que vous de l’intérêt du Trésor. Ce Parlement n’est pas une mascarade (maskhara). Des engagements, toujours des engagements», hurle-t-il, les yeux exorbités et le visage écarlate. Les députés le dévisagent médusés et la stupeur se lit sur le visage des quelques ministres installés autour du chef du gouvernement. Ebahi, M. Hariri ne semble pas comprendre ce qui se passe. Il lui faut du temps pour prendre conscience de la situation, puis il se lève lentement et commence à ranger ses dossiers pendant qu’il laisse tomber sans se retourner vers la tribune présidentielle: «Ma parole, le Parlement aurait dû faire sauter le gouvernement puisque c’est ainsi. Faites chuter le gouvernement, président». La fureur de M. Berry est incontrôlable: «C’est vous qui voulez changer le gouvernement», explose-t-il. M. Hariri fait quelques pas vers la porte. En entendant ces mots, il se retourne vers le président de la Chambre, son dossier sous le bras et réplique sur un ton posé: «Pourquoi m’engueulez-vous?». Berry, en hurlant toujours: «Je ne vous engueule pas, mais vous ne cessez de prendre des engagements que vous ne respectez-pas». Hariri ne se départit pas de son calme. Il insiste: «Nous ne somme pas là pour que vous nous engueuliez. Nous ne sommes pas des écoliers, des enfants». Berry est carrément hors de lui: «Et nous, l’autorité législative, nous ne sommes pas une mascarade». Hariri se dirige vers la porte en marmonnant: «Ça va. Ça va». Berry crie de plus belle: «Vous n’arrêtez pas depuis le 1er janvier 1996 de formuler des engagements». Hariri est déjà à la porte: «Ne vous gênez pas alors pour exercer vos prérogatives». Il fait signe aux ministres, sidérés, de le suivre et ajoute sur le même ton posé: «Considérez que le gouvernement n’existe plus au Parlement». «Venez», lance-t-il à l’adresse des ministres, la main tendue vers eux. Berry: «Ce n’est pas à vous de le dire». Hariri: «Et moi, je vous dis que le gouvernement n’existe plus. Faites maintenant ce que vous voulez». Un silence de mort règne dans l’Hémicycle. Les quelques ministres présents s’empressent de ranger leurs affaires, sans un mot, et quittent l’Hémicycle suivis de près par les députés élus sur la liste Hariri ainsi que par M. Antoine Andraos. Le président de la Chambre marque une petite pause, peut-être pour récupérer ses esprits, mais on voit bien qu’il a du mal à se calmer. D’un coup sec de maillet, il annonce la levée de la séance jusqu’à 12h30 et sort précipitamment de la salle. M. Hariri, suivi de ses partisans, ne s’arrête pas dans le hall pour répondre aux questions des députés qui flânaient dans les couloirs du Parlement et qui avaient deviné à sa mine que quelque chose de grave venait de se produire dans l’Hémicycle. Pour une fois, les rôles sont inversés et ce sont les parlementaires qui se ruent vers les journalistes pour les presser de questions. Des ministres, seuls MM. Michel Murr et Elias Hanna restent. Le ministre de l’Intérieur se trouvait dans un des salons du Parlement au moment de l’altercation et M. Hanna, chargé des relations avec le Parlement, nous dit qu’il est resté pour que la réunion ne reprenne pas à midi 30. Seuls les députés de l’opposition ont l’air de ne pas être concernés par ce qui vient de se passer. L’Hémicycle s’était rapidement vidé, une fois M. Berry sorti. MM. Sélim Hoss, Hussein Husseini, Mohamed Youssef Beydoun, Boutros Harb, Camille Ziadé et Zaher el-Khatib restent confortablement installés dans leurs sièges et continuent de discuter entre eux. Un peu plus loin, Mme Nayla Moawad et M. Habib Hakim bavardent. Le député Marwan Hamadé semble être engagé dans une médiation. Avec son collègue Assem Kanso, il rejoint le chef du Législatif dans son bureau, en ressort quelques minutes après et les deux députés quittent précipitamment le Parlement, pour revenir trois quarts d’heure plus tard. Ils se dirigent directement vers le bureau de M. Berry. Ils venaient de Sanayeh et refusent de répondre aux questions de la presse. Il était évident que la réunion n’allait pas reprendre en début d’après-midi, mais en attendant de savoir ce qui allait se passer, les commentaires et les rumeurs vont bon train. Quelqu’un annonce que M. Hariri s’est rendu à Baabda et a remis sa démission au chef de l’Etat. C’est la ruée vers le téléphone: Baabda et Sanayeh démentent. L’information paraît plausible parce qu’à sa sortie M. Hariri avait annoncé, d’une manière pouvant prêter à équivoque, que «le gouvernement n’existe plus». Quelques minutes plus tard, M. Ahmed Fatfat, tout agité, fait irruption dans la salle de presse: «Qui a le numéro de téléphone du palais de Baabda? Il paraît que Hariri a démissionné». Ses collègues s’empressent de le rassurer. Les commentaires et les analyses se poursuivent avec un retour à la même question: quelle mouche a donc piqué le chef du Législatif? Le député Sami Khatib parle d’un cumul de griefs. Il estime que M. Berry était dernièrement irrité parce que le gouvernement a pris le pli de rejeter toutes les propositions de loi et de voter avec ses partisans au Parlement contre tous les textes proposés par les députés, ce que le chef du Législatif voit comme une tentative de paralyser le rôle de la Chambre. M. Harb a une explication plus simple: «C’est le résultat naturel des pratiques auxquelles on assiste depuis des années». D’autres députés expliquent que M. Berry en veut au chef du gouvernement parce qu’il le soupçonne de ne pas s’opposer à l’idée d’arrangements de sécurité qu’Israël pose comme condition pour une mise en application de la 425. Il est midi 45, lorsque la cloche annonçant la reprise de la réunion carillonne. M. Berry se contente d’informer les députés que le débat reprendra à 18h30, Mme Moawad et MM. Husseini et Harb protestent soulignant qu’ils ont des engagements. En vain. le président de la Chambre est intransigeant. Il sort avant de leur laisser le temps de réagir. La séance nocturne Il ne fait aucun doute que son coup d’éclat l’a desservi parce que durant la séance nocturne, aucune des cinq propositions de loi qui restaient à l’ordre du jour de la séance n’est passée. Lorsque M. Hariri demande le renvoi en commissions du texte portant abrogation des deux alinéas de l’article 6 du budget, portant sur l’emprunt des deux milliards de dollars, le président Berry réagit vite et lance en souriant: «Pour une fois, je dois dire que je vais dans votre sens», mais le chef du gouvernement ne bronche pas, la mine toujours renfrognée. C’est à 18h 40 que la réunion est déclarée ouverte. M. Berry entre dans l’Hémicycle suivi directement du chef du gouvernement et le débat reprend là où il avait été suspendu: les parlementaires planchent sur le texte prévoyant le cumul des années de service de certains fonctionnaires (inclusion dans les indemnités de fin de service des prestations rendues sous contrat avant la titularisation). Plusieurs députés plaident en faveur de l’adoption de ce texte, d’autres soulignent qu’il est contraire au principe de l’égalité parce qu’il concerne une catégorie déterminée de fonctionnaires et réclament son renvoi en commissions. Comme l’altercation entre MM. Berry et Hariri avait été provoquée par le débat autour de cet article, le sort du texte revêtait une importance cruciale. Son vote aurait permis au chef du Parlement de marquer un point contre M. Hariri et son renvoi en commissions aurait donné le résultat contraire. Il fallait donc trouver une solution médiane. C’est M. Ghazi Zeayter qui l’assure: le député annonce qu’il avait présenté au Parlement, il y a plusieurs mois, une proposition de loi portant sur le même sujet et comprenant quatre articles, précisant que le texte avait été transmis à la commission de l’Administration et de la Justice. Il demande à connaître le sort de ce texte. L’examen de la proposition de loi est suspendu pendant un certain temps. Le président de la commission, M. Chaker Abou Sleiman, qui a affirmé ignorer si la proposition de loi se trouve dans ses dossiers du moment qu’il ne les a pas devant lui, s’installe près du président de la Chambre, un tas de papiers devant lui, suivi par MM. Mohamed Abdel-Hamid Beydoun et Khalil Hraoui. Une demi-heure plus tard, M. Abou Sleiman confirme ne pas savoir s’il a le texte puis M. Berry s’adresse au chef du gouvernement: «Les députés disent que l’adoption du texte n’entraînera aucune charge supplémentaire pour l’Etat». Hariri, du bout des lèvres: «Au contraire. De toute façon, je n’ai rien à dire». Le texte est renvoyé en commissions afin qu’il soit examiné en même temps que celui élaboré par M. Ghazi Zeayter. Le même sort est réservé à la proposition de loi amendant certaines dispositions de la loi portant création de deux ordres des médecins. Elle est renvoyée en commissions en raison d’une divergence de vues entre celles de l’Administration d’une part et de la Santé d’autre part. Les divergences portent sur la mutuelle de l’ordre et la réélection du président. D’autres divergences apparaissent aussi à la faveur de la discussion. Certains députés, comme M. Riyad Sarraf, soulignent la nécessité que les médecins puissent bénéficier d’une immunité afin qu’ils ne soient pas poursuivis arbitrairement. D’autres, comme M. Abou Sleiman, s’y opposent estimant que l’immunité placera le médecin au-dessus de la loi. D’autres encore comme MM. Jean Ghanem et Camille Ziadé trouvent anormal qu’une loi prévoyant de nouvelles modalités pour l’élection du conseil de l’ordre soit votée 10 jours avant la date prévue pour le scrutin. M. Ziadé rappelle que le délai officiel pour la présentation des candidatures aux élections du conseil de l’ordre des médecins a même expiré. Les députés sont divisés en deux clans: ceux qui réclament le renvoi du texte en commissions pour complément d’étude: MM. Jean Ghanem, Pierre Daccache, Camille Ziadé, Nassib Lahoud, Nouhad Souayd, et ceux qui plaident pour son approbation, notamment MM. Chaker Abou Sleiman, Ismaïl Succarieh, Ahmed Fatfat, Jamil Chammas, Mohamed Youssef Beydoun. Le président Berry soumet au vote la proposition de renvoyer le texte en commissions. De nombreuses mains sont levées. Mme Souayd demande qu’on procède à l’appel mais le chef du Législatif annonce que le texte n’est pas passé. Le débat se poursuit de plus belle jusqu’à ce que M. Ghanem revienne à la charge au sujet des divergences de vue entre les deux commissions. M. Berry soumet une deuxième fois au vote la proposition de renvoi. Les mêmes bras sont levés et le chef du Parlement crie: «Souddek». La proposition de loi concernant l’abrogation des alinéas du budget relatif à l’emprunt des deux milliards est rejetée à la majorité. Les membres du Groupe national parlementaire, notamment MM. Nassib Lahoud, Boutros Harb et Hussein Husseini, tentent vainement d’expliquer à leurs collègues les dangers de cet emprunt, notamment au cas où il serait contracté à court ou à moyen terme. Dans ce cas, expliquent-ils, les motifs invoqués par le gouvernement pour justifier cet emprunt, à savoir la restructuration de la dette publique, ne tiennent plus. M. Harb notamment fait remarquer qu’avec un prêt à moyen terme contracté pour restructurer la dette publique, l’intérêt servi sur les bons du Trésor libellés en devises sera le même que celui qui est servi sur les bons du Trésor émis en livres libanaises. M. Harb ainsi que Mme Nayla Moawad demandent à connaître les conditions de l’emprunt envisagé et c’est M. Berry qui réplique: «Eux-mêmes (le gouvernement) ne le savent pas». MM. Hariri et Siniora ne répondent pas. Pourtant le chef du gouvernement avait fait état d’offres de plusieurs institutions financières. A MM. Lahoud et Harb qui avaient soulevé la question des rapports des trois sociétés de rating «Standard and Poor’s», «Thomson Bank Watch» et «Fitch IBCA», M. Hariri répond en indiquant que ces compagnies conseillaient aux investisseurs de placer leur argent dans les marchés asiatiques. «Après l’effondrement de ces marchés, elles ont été prises de panique et sont devenues plus sévères dans leurs rapports», dit-il, soulignant, à l’instar de M. Lahoud, que ces sociétés avaient seulement placé le Liban sous contrôle pour une période de dix mois. M. Hariri poursuit en indiquant que le gouvernement a obtenu plusieurs offres concernant son projet d’emprunt. Selon lui, l’abrogation des deux alinéas de l’article 6 du budget, «quelques semaines après le vote de la loi de finances, portera atteinte à la réputation du pays et à la crédibilité à la Chambre». Le texte est soumis au vote: cinq bras sont levés. La Chambre renvoie aussi en commissions une proposition de loi présentée par M. Beydoun et concernant le droit d’usage de la voie ferrée. Elle vote une autre élaborée depuis plus d’un an par Mme Moawad et instituant l’enseignement gratuit et obligatoire dans le cycle primaire. M. Hariri demande toutefois qu’on précise dans le procès-verbal de la séance que le gouvernement n’est pas tenu de payer lui-même les écolages. Tout au long de la séance, qui a été levée vers 21h, le chef du gouvernement affichait un visage fermé, les yeux fixés devant lui, parlant peu et ignorant superbement les boutades du chef du Législatif. Apparemment, il n’est pas près d’oublier les incidents de la matinée, d’autant que M. Berry avait multiplié les signes d’agressivité contre l’Exécutif. Le débat sur l’audiovisuel La première fois que M. Berry a laissé montrer qu’il en voulait au Cabinet, c’était en début de matinée, à la faveur de l’examen de la proposition de loi relative à l’exploitation des ondes hertziennes. Premier à prendre la parole, M. Khatib, un des signataires du texte, critique vivement la ligne suivie par le gouvernement pour la réorganisation du paysage audiovisuel. Il accuse l’Exécutif de vouloir «frapper la diversité médiatique et réduire au minimum l’espace de liberté aussi bien médiatique que politique». Il rappelle que M. Hariri avait «promis» (terme que M. Berry a sans doute gardé en mémoire) de revoir le rapport technique sur l’audiovisuel et met le ministre de l’Information au défi de dire sur quelles bases il avait délivré les permis d’exploitation aux quatre télévisions fonctionnant actuellement. Le chef du Parlement ne laisse pas à M. Sabeh le temps de répondre: «Aucune télévision et radio ne remplit les conditions techniques posées pour l’octroi de licence et elles ont pourtant obtenu des licences». Khatib: «Nous savons que nous sommes assiégés sur le plan médiatique», en ce sens que les pôles de l’opposition sont ignorés des médias proches des responsables au Pouvoir ou ne bénéficient pas du même temps d’antenne que les loyalistes. Berry avec humeur: «Nous sommes contre ce genre de siège que nous voulons briser». Le président Husseini annonce que l’opposition parlementaire est en train de préparer une proposition de loi amendant 23 articles de la loi sur l’audiovisuel, précisant que le texte sous examen devient par conséquent inutile. Le chef du Législatif reprend à son compte les propos de M. Husseini et indique que la présidence de la Chambre est disposée à soumettre aux commissions la nouvelle proposition de loi aussitôt qu’elle lui parviendra. Le Parlement planche ensuite sur une autre proposition de loi élaborée par Mme Moawad. En vertu du texte proposé, les mesures et les sanctions définitives ou provisoires prises à l’encontre d’un jeune délinquant ne doivent pas figurer au casier judiciaire numéro 2. En dépit des explications de Mme Moawad et de MM. Michel Moussa, Nassib Lahoud, Hussein Husseini et Nazih Mansour qui insistent sur la nécessité de donner à un délinquant la chance de se racheter et de se refaire une vie, MM. Hariri et Siniora protestent vigoureusement. «Certains peuvent avoir 16 jugements mentionnés dans leur casier judiciaire et devenir quand même député», lance M. Elias el-Khazen en faisant allusion à un de ses collègues. La salle s’esclaffe puis le chef du gouvernement revient à la charge, jugeant «scandaleux que la condamnation d’un jeune meurtrier de 17 ans et demi ne figure pas sur son casier judiciaire au moment où un autre adolescent du même âge passait son temps à étudier». Et M. Husseini lui rappelle que l’Etat a bien publié en 1991 une loi d’amnistie générale et qu’il a récemment amnistié des trafiquants de drogue. Puis M. Berry souligne que la proposition de loi était inscrite à l’ordre du jour de la réunion parlementaire précédente et qu’elle avait été élaborée il y a un an. Mais M. Hariri ainsi que le ministre Elias Hanna insistent quand même sur le fait que le texte doit être davantage étudié en commissions. Leur proposition de renvoi aux commissions est soumise au vote: elle obtient la majorité. Et pour résumer la journée, il est possible de dire que dans le bras de fer qui est apparu à la faveur des incidents de la journée entre le gouvernement et le Parlement, c’est l’Exécutif qui est, encore une fois, sorti vainqueur. Grâce à la majorité qu’il détient à la Chambre, il a pu barrer la route à l’approbation de toutes les propositions de loi auxquelles il s’oppose. Mais à quel prix.
Lorsqu’il y a deux ans, le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, avait été violemment pris à partie par le député Najah Wakim au cours d’une réunion parlementaire, il était sorti de l’Hémicycle en affirmant qu’il n’avait «jamais été autant insulté de sa vie». Mais le même scénario s’est répété hier, Place de l’Etoile: l’esclandre provoqué par le chef...