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Actualités - OPINION

Carnet de route Le rêve de mon voisin

Quand on est Libanais d’aujourd’hui, tendance Canaan-Phénicie, La Mecque, Qom, ou, mieux encore, œcuménique, on s’expose fatalement à de mauvais rêves. Nous parlons ici de rêves nocturnes, notre rêve éveillé commun devenant tous les jours plus médiocre, comme on le sait. Ainsi, l’autre nuit, après un début de détente sur le front irakien, transmis par tout «l’audiovisuel» dont nous bénéficions ici, mon voisin arménien, trilingue, bac+4, a fait un rêve, une sorte de cauchemar cocasse, qui l’a marqué au point qu’il l’a raconté toute la journée suivante à sa famille, ses collègues, et tout le voisinage. Je vous le répète tel qu’il me l’a décrit hier: «J’ai d’abord vu, en gros plan, un hélicoptère, type «Super Puma», frappé aux couleurs de l’Irak, survoler la Galilée - je le sais parce que mon rêve était sous-titré -, conduit par un pilote militaire. A côté du pilote était assis un personnage que j’ai reconnu (sans sous-titre): Roger Garaudy. Celui-ci faisait de son bras un geste répété évoquant les antiques semailles, et j’ai tout de suite compris, à son expression qu’il lâchait ainsi d’invisibles bactéries sur le sol tandis que l’appareil volait plein Sud. Ne sachant si l’avion était venu de la mer ou du Liban, j’optai pour la mer en pensant que, sinon, je serais déjà mort, à moins, me disai-je, que je ne sois déjà atteint d’un botulisme indolore, dont les bacilles s’apprêtent à faire leur effet létal. Pendant tout ce temps j’entendais jouer «Tanhauser», mon opéra préféré, sans savoir si je l’écoutai en «live» ou s’il constituait la bande-son de ce déroulement étrange. Puis tomba une nuit noire. Et soudain m’apparurent, scintillants, M. Hariri, S.B. le Patriarche Sfeir flanqué de SS, le Catholicos d’Antélias, M. Mohsen Dalloul, et quelques personnages qui semblaient officiels. Bras ouverts, sourires épanouis, ils me répétaient: «Ne craignez rien, vous voyez bien que nous sommes là pour vous protéger, ne craignez rien, vous êtes au Liban, bien à l’abri». Je me réveillai haletant mais apaisé. Il est bon votre café...». Nous bavardons et je réussis à discerner ce que la psychanalyse appelait «les matériaux du rêve». C’était simple dans son cas. Télévision, journaux, Golfe, Golfe, Golfe, sites présidentiels, armes de destruction massive Kofi Annan, scepticisme, happy-end, article, dans «Libération», sur l’accueil triomphal réservé par l’Egypte à Roger Garaudy (décoré, entre autres hommages, de la prestigieuse «Médaille de la prédication islamique». Notre homme s’endort mercredi soir, vous connaissez le reste. Comme je m’étonne que, même endormi, il se laisse rassurer par le discours de nos officiels, il me laisse entendre (pince-sans-rire?) que mieux vaut le Liban que la Turquie de 1915. Alors je me suis «souvenue» d’un rendez-vous urgent. Amal NACCACHE
Quand on est Libanais d’aujourd’hui, tendance Canaan-Phénicie, La Mecque, Qom, ou, mieux encore, œcuménique, on s’expose fatalement à de mauvais rêves. Nous parlons ici de rêves nocturnes, notre rêve éveillé commun devenant tous les jours plus médiocre, comme on le sait. Ainsi, l’autre nuit, après un début de détente sur le front irakien, transmis par tout...