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Actualités - ANALYSE

Le mariage civil, une pomme de discorde au sein de l'exécutif

Pris d’une soudaine vénération pour la présidence de la République, le président du Conseil M. Rafic Hariri veut lui éviter le camouflet d’un vote négatif en Conseil des ministres. Et dans cet esprit il entend, indiquent ses proches, prier le chef de l’Etat M. Elias Hraoui de renoncer à présenter au Conseil son projet de mariage civil facultatif. D’autant que la question, délicate, égratigne les susceptibilités et soulève même une vraie colère de la part des instances religieuses mahométanes. Le président Hraoui, soutenu dans cette bataille par nombre de ministres — notamment de gauche — et qui pense que 80% des Libanais sont de son avis, voudra-t-il écouter les conseils de M. Hariri? Préférera-t-il aller de l’avant, pour laisser le jeu démocratique se développer normalement, en prenant le risque d’un vote-désaveu du moment que pour passer, son projet nécessite, comme on sait, l’approbation des deux tiers des membres du Cabinet? «Ce que M. Hariri ne peut pas avouer, souligne pour sa part un ministre, c’est qu’un éventuel vote en Conseil peut prendre une désagréable coloration confessionnelle qui serait du plus mauvais effet sur l’opinion publique. Après les réactions en flèche des instances religieuses de leurs communautés, les mahométans ne pourraient que se prononcer en bloc contre le projet et ceux d’entre eux qui sont pour par conviction progressiste seraient probablement forcés de se trouver ce jour-là une bonne excuse pour s’absenter… Il y a du reste fort à parier, poursuit ce ministre, que le quorum requis des deux tiers ferait défaut si le projet était inscrit à l’ordre du jour du Conseil. Mais une telle dérobade, pour élégante qu’elle soit, ne peut se répéter indéfiniment car autrement le pays ne serait plus gouverné. Il faut donc qu’un jour ou l’autre le président Hraoui cesse d’insister ou se résigne à se voir blackbouler par le Conseil…». Et d’indiquer qu’«une autre solution, tout à fait classique,consisterait à enterrer royalement le dossier en le confiant à une commission ministérielle d’étude préliminaire. Ladite commission, comme toujours, trouverait moyen de ne se réunir que sporadiquement et de faire traîner les choses jusqu’à l’expiration du mandat de M. Hraoui dans moins de neuf mois». La Chambre «Si le chef de l’Etat, ajoute-t-il, faisait mine de vouloir à tout prix provoquer l’affrontement et d’exiger un vote sans création de commission d’étude, il y aurait également moyen de contourner l’obstacle par le biais parlementaire. C’est-à-dire qu’avant intervention du Conseil des ministres la Chambre prendrait l’initiative en déposant une proposition de loi pour instituer le mariage civil. Une telle procédure qui court-circuiterait l’Exécutif offre l’avantage d’être très longue. Il faut en effet que la proposition de loi, qui prend le pas sur un éventuel projet de loi élaboré par le gouvernement, soit passée au crible par une bonne dizaine de commissions parlementaires, avant d’être soumise pour vote à l’Assemblée. Ce cheminement peut prendre des mois et si d’aventure le parcours était raccourci, il y aurait toujours au bout la certitude d’un vote négatif, ou d’un constant défaut de quorum, Place de l’Etoile. En bref ce trajet assure pratiquement l’élimination du projet Hraoui, du moins dans les délais qui restent jusqu’aux présidentielles». Ce même ministre rappelle toutefois que «l’on peut éventuellement parvenir à un consensus de compromis. Comme l’a suggéré cheikh Mohammed Rachid Kabbani lui-même, il n’y aurait pas d’objection à ce que le mariage civil facultatif soit initié pour les chrétiens seulement. Il existe du reste, avec le code des successions (héritages) un précédent identique, la loi civile s’appliquant en la matière aux chrétiens et non aux mahométans qui suivent leurs propres règles. Il reste à savoir si les autorités religieuses chrétiennes seraient d’accord, ce qui n’est pas du tout certain…» Au Liban cependant, il faut le reconnaître, le problème dépasse de loin par sa dimension démoconfessionnelle, donc par sa nature politique, le cadre purement juridique. Il s’agit de répondre en effet à cette question tout à fait fondamentale: faut-il favoriser la protection des communautés en tant que composantes du pays politique ou favoriser au maximum le brassage par un mariage civil démultipliant naturellement l’apparentement de familles provenant de milieux confessionnels différents… Paradoxalement c’est au nom du même principe de coexistence que les uns et les autres se prononcent. En effet les partisans du cloisonnement soutiennent que la multiplicité de particularismes bien protégés est source de saine interaction entre les communautés libanaises; et leurs adversaires répliquent que pour bien s’enrichir mutuellement rien ne vaut le mariage… D’autant que le texte préparé par M. Hraoui prévoit tout: les épousailles mais aussi la séparation ainsi que tous les droits des enfants dans chaque cas de figure. Il constitue ainsi, selon ses défenseurs, un premier pas effectif vers l’unification des statuts personnels, vers la déconfessionnalisation politique, vers un Liban moderne. Comme la Turquie. E.K.
Pris d’une soudaine vénération pour la présidence de la République, le président du Conseil M. Rafic Hariri veut lui éviter le camouflet d’un vote négatif en Conseil des ministres. Et dans cet esprit il entend, indiquent ses proches, prier le chef de l’Etat M. Elias Hraoui de renoncer à présenter au Conseil son projet de mariage civil facultatif. D’autant que la...