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Actualités - CHRONOLOGIE

Evasion rocambolesque de Hussein Tleiss de l'hôpital de Bhannes L'assassin de Gouttières devait comparaître le matin même devant le juge Ghantous pour son implication dans l'affaire Camille Chamoun

Des choses étranges se passent dans les prisons libanaises où l’on entre et l’on sort ces deux derniers mois comme dans un moulin, à en juger par les rapports judiciaires sur les cas d’évasion. Dernier prisonnier à avoir réussi à s’évader avec l’aide de complices, Hussein Moustapha Tleiss, qui était soigné à l’hôpital de Bhannès pour un problème d’asthme qui reste à prouver. Tleiss devait être entendu hier matin par le juge d’instruction Georges Ghantous dans l’affaire de la tentative d’assassinat en 1987 du président Camille Chamoun, et c’est quelques heures avant son premier interrogatoire qu’il a réussi à prendre la fuite de l’aile réservée aux prisonniers à l’hôpial. Les soupçons pèsent pour le moment sur les gardiens de prison qui avaient relâché leur garde au moment de l’incident et qui sont accusés d’avoir facilité l’évasion du détenu. Les quatre sentinelles de garde ont été d’ailleurs arrêtés pendant que les forces de l’ordre se lançaient aux trousses de Tleiss. L’évasion de ce repris de justice, condamné en appel en 1994 aux travaux forcés à perpétuité pour le meurtre en 1986 de l’attaché militaire français, le colonel Christian Gouttières, a suscité un vif émoi dans les milieux politiques et judiciaires, d’abord à cause de la facilité avec laquelle l’opération s’est déroulée et ensuite parce qu’elle intervient une vingtaine de jours après la fuite, dans des conditions mystérieuses, de deux détenus de la prison de Roumieh. Le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, a annoncé hier qu’il compte convoquer aujourd’hui le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, pour en savoir plus au sujet de l’affaire de Bhannès. Que s’est-il passé au juste? Notre chroniqueur judiciaire, Bahjat Jaber, rapporte qu’aux premières heures de l’aube, hier, et plus exactement à 5h, une voiture à bord de laquelle se trouvaient trois éléments armés est arrivée à l’hôpital. Les trois hommes se sont présentés en prétendant être des agents de la Sécurité de l’Etat. Personne n’a toutefois songé à leur demander leurs papiers. Simple coïncidence ou coup monté à l’avance? Il n’y avait à cette heure-ci qu’une sentinelle pour monter la garde, le caporal Yaacoub Tannous, que les malfaiteurs ont pu facilement neutraliser à l’aide d’un gaz innervant, avant de le ligoter. Le responsable de l’aile de détention à Bhannès, l’adjudant-chef Michel Abou Acre avait achevé sa garde et était parti. Le caporal Joseph Saadé et le sergent-chef Khaled Makhour avaient accompagné un détenu somalien atteint de tuberculose à l’unité des soins intensifs après la détérioration de son état de santé. Il n’y avait donc plus que le caporal Tannous pour veiller sur les 14 prisonniers malades. Et c’est à ce moment-là que les complices de Tleiss ont fait irruption dans le bâtiment. Jusqu’en soirée, les enquêteurs n’avaient toujours pas pu déterminer par quels moyens les trois hommes ont réussi à s’infiltrer à l’intérieur de la prison. L’enquête est menée par le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire et son adjoint, MM. Nasri Lahoud et Maysar Chakar. Un laisser-aller Toujours selon Bahjat Jaber, les premiers éléments des investigations sont atterrants: ils ont permis de déceler l’importance du laisser-aller dans les prisons, et des procédures non-conformes aux règles, comme l’hospitalisation de prisonniers pourtant en bonne santé, conformément à des rapports médicaux certifiant qu’ils souffrent de maladies pulmonaires. Les enquêteurs cherchent à savoir si c’est le cas de Hussein Tleiss qui, depuis 11 mois, était périodiquement emmené à l’hôpital de Bhannès, à cause d’un problème d’asthme. De plus, l’enquête a révélé que les visites aux détenus à la prison de Bhannès ne se déroulaient pas selon les règles, c’est à dire durant les heures officielles de visite et sur base de permis délivrés par les autorités judiciaires compétentes, selon notre chroniqueur judiciaire qui se réfère aux dépositions des gardiens de prison entendus hier par le juge Lahoud. Ces derniers ont ainsi révélé que le frère du détenu, Mohamed Tleiss, avait été autorisé à se rendre au chevet de son frère vendredi à 17h, à la prison de Bhannès, donc en dehors des heures officielles de visite, et sans avoir obtenu un permis de visite. Toujours selon les gardiens de prison, Tleiss recevait beaucoup de visiteurs et passait son temps soit à prier, soit à regarder la télévision. M. Lahoud a entendu le caporal Ahmed Chandak et le gendarme Milad Nammour, à titre de témoins, ainsi que le caporal Yaacoub Tannous qui a avoué n’avoir pas pensé à vérifier l’identité des trois éléments armés et qui a dit avoir été aveuglé et atteint de vertige lorsqu’il a reçu le gaz innervant en plein figure. Poursuites judiciaires Après avoir entendu les sentinelles, le juge Lahoud a recueilli les dépositions de deux prisonniers, Yéhiya el-Ayoubi, condamné à la peine capitale et Gebrane Nehmé. Au terme de son enquête, il a engagé des poursuites judiciaires contre l’adjudant-chef Michel Abou Akar, les caporaux Yaacoub Tannous et Joseph Saadé et le sergent-chef Khaled Makhour. Il a aussi engagé des poursuites contre Tleiss et ses complices. Les gardiens sont accusés d’«avoir facilité l’évasion du prisonnier et enfreint les instructions militaires». Tleiss et ses complices sont poursuivis pour «formation d’une association de malfaiteurs dans le but de porter atteinte à l’autorité, au prestige et aux institutions de l’Etat». Les complices sont également poursuivis pour «usurpation de titre et contribution à l’évasion d’un détenu». Le juge Lahoud a en outre demandé qu’on lui communique les rapports de santé de tous les prisonniers soignés à Bhannès ainsi que les dossiers des agents qui montent la garde à l’hôpital. Il a déféré le dossier de l’enquête préliminaire ainsi que les personnes arrêtées, à savoir les quatre gardiens, devant le premier juge d’instruction militaire, M. Riyad Talih, lui demandant d’émettre des mandats d’arrêt à leur encontre. Entre-temps, les forces de l’ordre se sont lancées, sur base de commissions rogatoires, à la recherche de Tleiss. Durant la guerre, ce dernier faisait partie d’un groupe armé qui aurait déposé une série de voitures piégées dans ce qui était communément appelé à l’époque les régions Est. Après la tentative d’attentat contre le président Chamoun, il avait été arrêté et incarcéré à Roumieh. En 1990, il a été «aidé» à sortir de prison. Un an plus tard, il était de nouveau appréhendé, puis il a été jugé pour le meurtre de l’attaché militaire français à Hazmieh et condamné à la prison à perpétuité. L’affaire Chamoun Aujourd’hui, Tleiss est accusé d’implication dans la tentative d’assassinat du président Chamoun. Le juge chargé d’instruire le dossier de cette affaire, M. Georges Ghantous, ainsi que l’avocat de l’accusé, Me Ibrahim Hariri, ont attendu en vain son arrivée au Palais de justice. Ils n’ont été informés qu’en milieu de matinée de son évasion. Il n’en demeure pas moins, que M. Ghantous est déterminé à poursuivre son enquête et a adressé à tous les services de sécurité des commissions rogatoires leur demandant d’amener cinq autres accusés dans cette affaire, cheikh Sobhi Toufayli, chef de «la révolte des affamés», également poursuivi dans le cadre de l’affaire de Aïn Bourday, Hussein Moustapha Chéhadé, Mohamed Moustapha Tleiss (frère de Hussein) Mehdi Chéhadé, et un inspecteur de la Sûreté générale, Mounzer Rahal. Selon l’avocat de Tleiss, quatre des accusés seraient...morts: Hussein Chéhadé, Mohamed Tleiss, Mehdi Chéhadé et Mounzer Rahal. Etonnant puisqu’aux dernières nouvelles, Mohamed Tleiss se trouvait vendredi à Bhannès auprès de son frère souffrant. Selon des sources judiciaires, des notes doivent être incessamment adressées aux autorités compétentes pour s’assurer des informations concernant ces curieux décès. La question qui se pose est de savoir si cette affaire va permettre d’ouvrir le dossier du contrôle des prisons: Il y a une vingtaine de jours, deux détenus condamnés à deux ans de prison pour escroquerie, Joseph Maurice Karam et Wajih Toufic Mrad, ont mystérieusement «disparu» de la prison de Roumieh. Le plus curieux est que le casier judiciaire de Karam s’est évaporé en même temps. On ignore si cette disparition est récente parce que Karam avait réussi début 1997 à «se faire libérer» de la prison alors qu’il purgeait une première peine. Il avait été retrouvé et incarcéré de nouveau. Y aurait-il quelqu’un à l’intérieur des prisons qui aide les détenus à retrouver leur liberté? Le nombre de gardiens serait-il insuffisant? Le système de sécurité serait-il défaillant? Les réponses doivent normalement être obtenues à la faveur de l’enquête sur l’affaire de Bhannès.
Des choses étranges se passent dans les prisons libanaises où l’on entre et l’on sort ces deux derniers mois comme dans un moulin, à en juger par les rapports judiciaires sur les cas d’évasion. Dernier prisonnier à avoir réussi à s’évader avec l’aide de complices, Hussein Moustapha Tleiss, qui était soigné à l’hôpital de Bhannès pour un problème d’asthme qui...