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Actualités - REPORTAGE

"Participation des émigrés à la vie publique au Liban", une étude de Khalil Chemayel effectuée pour le compte du PNUD Soustraire un lien délicat au jeu de la politique et du hasard (photo)

A la demande du ministère des Emigrés, et dans le cadre d’un programme d’assistance du PNUD, une étude lucide et stimulante sur la participation des émigrés à la vie publique au Liban vient d’être publiée. Son auteur, Khalil Chemayel, un Libanais qui a une vaste expérience du monde de l’émigration, présente son travail comme un essai pour poser une problématique des rapports entre les émigrés et la mère-patrie, de la façon la plus claire et la plus complète possible. Mais il ne se contente pas d’effectuer des constats, et fait des propositions concrètes dignes d’être sérieusement prises en considération. A cet égard, l’étude de M. Chemayel constitue une première car elle tente de soustraire un lien délicat au jeu de la politique et du hasard. Pour mieux prévoir leur développement, et leur avenir, l’étude de M. Chemayel commence par décrire les liens entre les Libanais expatriés et la mère-patrie. Ces liens sont, d’abord, sociaux (familiaux, régionaux, de parenté, de liens matrimoniaux etc.). Liens primordiaux à travers lesquels perdure l’identité d’origine de l’émigré. Ils sont ensuite culturels: dans ce domaine, c’est le rapport à la langue qui semble être le plus primordial. Plus l’arabe est parlé au foyer, plus le lien demeure vivace, et l’intérêt pour le Liban vivant, relève M. Chemayel qui souligne: « On ne saurait insister sur le rôle idéal que jouerait une ULCM unifiée autour d’un programme à long terme: création dans les pays d’accueil d’écoles, d’universités, de chaires académiques, de programmes radiodiffusés et télévisés sur les chaînes locales, d’émissions par satellite à partir du Liban etc.». Le rapport du Libanais à sa culture est, bien entendu, d’une extrême importance, car en bien des aspects, on touche là à son identité la plus profonde. La question du «pluralisme culturel» figure au centre de cette problématique, ainsi que le mode proprement libanais d’être arabe, ou d’être ancré dans le monde arabo-islamique. Délicate question toujours irrésolue et dont la solution dépend d’une opiniâtre et intelligente pédagogie dans laquelle, selon M. Chemayel «l’ autre ne serait pas un étranger, mais un autre nous-mêmes». La sécurité des biens Vient ensuite l’aspect économique. Tout en venant en troisième position, ce rapport finit, à la longue, par être déterminant, dans la mesure où l’existence d’un intérêt économique est le meilleur garant de la stabilité du lien avec le Liban. Du reste, l’émigration elle-même n’est-elle pas due, le plus souvent, à des causes économiques, ou économiques et sociales, note l’auteur de l’étude. Pour développer le lien économique, M. Chemayel propose la multiplication des accords de partenariat, la modernisation des procédures légales et de la loi sur la propriété, la vente, l’achat, la succession, et la mise en place d’une banque de données proposant les meilleurs investissements. «La sécurité des capitaux et des biens est la base de tout développement dans ce domaine», assure M. Chemayel, pour qui l’émigré doit pouvoir bénéficier, exploiter ou encourager des projets de développement dans sa région d’origine ou son pays. Les liens politiques de l’émigré avec la mère-partie sont, on s’en doute, ceux qui sont les plus délicats à aménager. L’état de division de l’ULCM est là pour le prouver: les conflits politiques libanais se répercutent immanquablement sur la diaspora. Malheureusement, ces divisions sont de plus en plus de nature confessionnelle. Au cœur de la polémique sur ces liens politiques figure le «droit au vote», comme cela se fait dans de nombreux pays. Ce lien ne vient, souvent, qu’en dernier lieu, et commande, chez l’émigré, une conscience civique poussée , souligne l’auteur de l’étude. Inévitablement, dès que le plan politique est abordé, le conflit identitaire libanais surgit. L’étude tente d’en parler posément, et de jeter les bases d’un discours identitaire commun. «L’émigré libanais fait face, comme son compatriote sur le sol national, à la complexité de l’appartenance à ce Liban conçu et compris de façon multiple (...) en lui coexistent plusieurs exemplarités et plusieurs représentations, en fait plusieurs mères et plusieurs pères à qui il doit allégeance». Pour faire pendant à cette pluralité «fatigante», M. Chemayel propose une solution de bon sens: l’édification de l’Etat de droit. «Tant qu’il y a multiplicité, souligne-t-il, tant que le Liban n’est pas rassemblé, les émigrés auront à traiter avec tous ces Liban et continueraient comme les résidents à se perdre sans avenir unifié, et avec de moins en moins d’espoirs prospectifs (...) si nous avons une politique unifiée de l’Etat et non des politiques de clan (...) toutes les belles attaches subnationales à la famille, au clan, à la région, au village et même à la confession, trouveraient une place cohérente». Et d’ajouter que «le degré d’appartenance des Libanais à une seule nation et à une seule culture et leur conscience d’une identité claire sont parfois sujets à des moments de confusion. Le rôle des autorités et du pouvoir est aussi de dissiper ce questionnement par une crédibilité et une légitimité sans faille, par une amélioration des services de l’Etat envers tous ses citoyens et par un développement fondamental du rapport à la culture». Seule une action sur ce plan est à même de «stabiliser l’allégeance» des Libanais envers leur pays et de leur faire accepter la coercition d’un système fiscal ou légal établi dans l’intérêt général, conclut M. Chemayel sur cette question. Un lobby libanais Mais avant tout, c’est dans son propre pays d’émigration que l’activité «politique» de l’émigré peut commencer, note M. Chemayel, dans un important passage de son étude qui mérite d’être cité. «L’activité politique doit débuter là où les acteurs peuvent servir le plus, c’est-à-dire dans les pays d’émigration. Les émigrés peuvent jouer un rôle de groupe de pression et de défense des intérêts du Liban dans leur pays de résidence, un rôle de lobby pour obtenir un appui de ce pays aux causes du Liban: occupation israélienne du Liban-Sud, reconstruction du Liban, aide à l’unification et à la défense des intérêts nationaux du Liban. En jouant d’abord ce rôle, les émigrés mériteraient, s’ils en expriment le désir, de récupérer la nationalité (libanaise) et de participer aux consultations électorales dans l’une des deux formules: ou bien circonscription d’origine ou bien députés ou sénateurs représentants spécifiques de l’émigration. Si leur poids de lobbying devient important dans les grands pays du monde (notamment aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil, en Argentine, en Australie et dans les grands pays d’Europe), nous pensons qu’il serait possible pour eux de voter dans leur lieu de résidence à partir de bureaux de vote installés dans les consulats ou par courrier recommandé du lieu de leur résidence au consulat libanais qui lui correspond géographiquement. (Le problème étant strictement technique, la technologie est aujourd’hui suffisamment développée pour pallier les problèmes de fraude). Une structure semblable au «Parlement des Grecs de l’étranger» ou au «Conseil supérieur des Français à l’étranger», qui en collège électoral élirait 10 sénateurs sur 60 dans un éventuel Sénat, plus une délégation catégorielle de 5 représentants (un par continent) dans un «Conseil économique et social» qui verra le jour prochainement, est à notre avis la meilleure formule de participation au niveau du pouvoir législatif, sans bouleverser un équilibre intérieur délicat. Cette solution est moins problématique que la création de postes de députés supplémentaires au Parlement, car elle n’ouvre pas la voie à des interventions intempestives possibles qui seraient mal perçues face à la fragile structure de notre Parlement. Ce dernier renaît, après de récentes élections pas toujours appréciées par une partie des électeurs, qui ne lui accordent pas le crédit suffisant, quant au processus électoral et à son indépendance. Que l’on soit loyaliste ou opposant, une réalité têtue est que la tradition de démocratie parlementaire a besoin de temps, de pratique, de confiance et de crédibilité à recouvrer pour se réinstaller graduellement. «Finalement, nous revenons à une formule plus réaliste où, après un travail de conquête des émigrés et de leurs descendants (pour ceux qui en ont besoin), après avoir trouvé une activité légitime de participation au destin du pays par un soutien dans leur pays de résidence, on leur ouvre la voie à une participation à la décision politique, au pouvoir de légiférer. Cette attitude est plus raisonnable que celle, chimérique, qui prétend qu’il suffit de lancer un cri d’appel à la rescousse pour que l’on voit affluer de partout capitaux, investissements et personnes qui subitement feraient primer leur nostalgie pour le Liban à leurs intérêts de résident naturalisé assez éloigné du pays d’origine...» Au demeurant, conclut l’étude, même avec ce processus, il faut concevoir les choses dans le long terme, et se doter d’outils en conséquence, notamment d’un centre de recherches, d’études et de documentation sur l’émigration. Les chiffres occupent dans l’étude de M. Chemayel une place secondaire, pour de nombreuses raisons, et notamment leur caractère approximatif. Pour prendre un exemple, le nombre des émigrés libanais dans le monde varie entre 4 millions (estimation minimale) et 15 millions (estimation la plus haute). Sur ce chiffre, 1 à 1,5 million d’expatriés possèdent la nationalité libanaise. En dépit des réserves émises sur les données chiffrées, l’étude fournit celles qui sont disponibles, notamment au sujet de l’importance des colonies libanaises dans les cinq continents. Elle brosse aussi un bref historique des flux migratoires depuis le XIXe siècle, classe cette émigration en fonction de l’origine sociale des candidats à l’émigration, dresse une typologie de l’émigration et des différents modes de conscience des émigrés.
A la demande du ministère des Emigrés, et dans le cadre d’un programme d’assistance du PNUD, une étude lucide et stimulante sur la participation des émigrés à la vie publique au Liban vient d’être publiée. Son auteur, Khalil Chemayel, un Libanais qui a une vaste expérience du monde de l’émigration, présente son travail comme un essai pour poser une problématique...