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Actualités - REPORTAGE

Omar Mounir Bachir à Al Madina Le oud, un don de père en fils... (photo)

Omar Bachir a engagé, pendant deux soirées à «Al Madina», un dialogue enchanteur avec le oud. A l’instar de son père, le grand oudiste Mounir Bachir, décédé brusquement il y a quelques mois, Omar possède l’art des taqasîms auxquels il imprime des variations aux nuances très personnelles. Ainsi, tantôt fluides tantôt bouillonnantes, les notes semblent toujours couler d’une source intarissable et généreuse comme la vie. Le décor épuré laisse la place à l’essentiel: la musique. A l’angle de deux panneaux ouvragés à l’orientale, un amas de tapis persans offre une assise traditionnelle sur laquelle s’installe le oudiste. Instantanément, la musique jaillit d’entre les doigts d’Omar Bachir, semblant n’attendre qu’une occasion pour se prêter au langage des cordes... Les taqasîms du maqâm «lawk» se muent en dabké folklorique du nord de l’Irak. Les notes s’enchaînent puis s’arrêtent... comme si, entre deux tirades, le oud reprenait sa respiration. «Ecoute-moi bien» semble-t-il murmurer, «je vais te raconter l’histoire d’une musique qui vient du fond des âges. Je vais te parler d’une tradition orale, témoignage d’une ancestrale culture. Je vais combler ton ouïe d’une musique qui s’est enrichie au fil des siècles...» Comme les inflexions de la voix qui peuvent varier à l’infini, les sons du oud jouent sur des registres très variés. Tantôt doux tantôt trépidants; tantôt tristes tantôt joyeux... Les morceaux se succèdent: «Nahawand», maqâm «rast», maqâm de la joie «faza», maqâm «Ajam»... Les notes du oud sont une vague déferlante qui vient s’épanouir sur un large rivage. Héritage Omar Bachir, 28 ans, a une maîtrise toute personnelle du oud. Il est l’héritier d’une longue tradition de musiciens et de chanteurs. Son grand-père paternel, Bachir Abdel Aziz, composait et chantait des chants syriaques; son oncle Jamil Bachir et son père Mounir ont inscrit leurs noms au fronton de la musique maqamienne irakienne. Omar reçoit son premier violon alors qu’il n’a que cinq ans. «L’instrument qui m’accompagne», dit-il, «est celui que mon père m’a offert à cinq ans, quand j’ai commencé». A sept ans, il intègre l’Ecole de musique de Bagdad. «J’ai donné mon premier concert en solo à neuf ans» indique-t-il. C’est ensuite l’Institut des études musicales à Bagdad où il apprend solfège et maqâmat. «Ce passage m’a permis de bien posséder le oud» souligne-t-il. En 1991, il s’installe en Hongrie, patrie de naissance de sa mère. «A l’Université de musique Liszt, j’ai appris le piano, le chant et la direction de chorale». Cependant, Omar Bachir n’a pas attendu d’obtenir son diplôme de fin d’études, il y a quelques mois, pour se lancer dans les concerts. «Depuis 1990 je joue du oud en professionnel» remarque-t-il. A son actif, des performances en solo, mais également plus d’une trentaine de duos... avec Mounir Bachir. «L’improvisation à deux est une des choses les plus difficiles» souligne-t-il. «Mais c’est également très motivant, car la performance de l’un stimule la créativité de l’autre, le pousse à aller plus loin. Mon père était un oudiste réputé difficile à accompagner car il avait une grande exigence de qualité. Cela a été un plaisir et un honneur pour moi d’avoir été à la hauteur de sa rigueur». Quand on évoque Mounir Bachir, une ombre assombrit les yeux d’Omar. «C’est une grande perte pour la musique, surtout qu’il avait encore de nombreux projets» dit-il. «Et c’est indéniablement une disparition irremplaçable pour moi. Outre l’amour que je lui portais, j’avais pour lui un grand respect. Il m’a tout appris sur le oud, ce qui m’a permis d’atteindre rapidement un niveau international. Il m’a toujours comblé de ses conseils, sans jamais me les imposer, me laissant libre de mes choix et de mes décisions». Au cours de leur dernier concert en duo, en août dernier en Jordanie, Mounir Bachir gratifie son fils d’un ultime cadeau: «maintenant ton avenir est entre tes mains» lui dit-il, à la fin du concert. Une culture authentique Omar Bachir a en partage avec son père ses talents de oudiste et son profond amour de la musique traditionnelle arabe. Il reprend également le flambeau paternel pour exprimer sa révolte face au gâchis dont elle est victime. Il fustige «la destruction systématique de toute expression culturelle arabe. Nous sommes culturellement très riches et nous devons œuvrer dans le sens d’une conservation de notre patrimoine». Il s’insurge contre l’utilisation que l’on fait du oud. «Le oud n’a pas été créé pour accompagner une danseuse. Il a son propre langage, son code est riche». Et de constater que «nous manquons d’authenticité, c’est pour cela qu’il n’arrive pas à atteindre l’Occident et qu’il est envahi par sa culture». D’ailleurs, lui-même a choisi de s’établir en Hongrie, car «les Occidentaux ont un professionnalisme qui donne à chacun sa place et sa valeur». Poursuivant le chemin qu’a tracé Mounir Bachir, Omar reconnaît cependant avoir une interprétation et des compositions «plus modernes, plus vives. En cela, je ressemble beaucoup à mon père. Quand il a commencé dans les années soixante, il avait beaucoup d’audace. Avec les années, il est revenu à une musique plus classique, plus purement traditionnelle». Conscient du fait qu’un artiste est tout le temps confronté à l’exigence du public, il souligne que «le chemin à parcourir reste long. Je me dois d’être à la hauteur du nom que je porte mais également de l’attente du public». Projets Ses projets sont nombreux. Outre un disque en duo avec son père, il annonce la sortie d’un enregistrement effectué en Hongrie, «De l’Euphrate au Danube», un mélange de musiques folkloriques hongroises et de oud. «Par ailleurs, mon père m’a laissé plus de 1.000 heures d’enregistrements musicaux et d’interviews encore inédits». Curieux de toute forme musicale, Omar Bachir écoute aussi bien du raga indien que des maqâmats turques. «Les maqâmats sont une échelle sur laquelle chaque culture a imprimé différentes variations. C’est très enrichissant de déchiffrer la spécificité de chaque langage». Féru de flamenco, il fait remarquer que cette musique espagnole puise ses racines «dans le hijaz kar»... Les notes de musique qui coulent dans les veines d’Omar Bachir chantent une mélodie aux accents familiers... Aline GEMAYEL
Omar Bachir a engagé, pendant deux soirées à «Al Madina», un dialogue enchanteur avec le oud. A l’instar de son père, le grand oudiste Mounir Bachir, décédé brusquement il y a quelques mois, Omar possède l’art des taqasîms auxquels il imprime des variations aux nuances très personnelles. Ainsi, tantôt fluides tantôt bouillonnantes, les notes semblent toujours couler...