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Actualités - CHRONOLOGIE

Débat budgétaire : Harb s'en prend à Hariri , le Sultan Le gouvernement répondra demain soir aux critiques des députés

Pas de week-end pour l’Exécutif et le Législatif qui se retrouveront ce matin, place de l’Etoile, afin de poursuivre le débat budgétaire. Demain soir, le gouvernement répondra aux multiples points soulevés au cours des quatre derniers jours par les députés qui ont pour la plupart contesté les prévisions des dépenses et des recettes contenues dans le projet de budget, exprimé leur scepticisme quant à la possibilité d’une réduction du déficit budgétaire cette année et critiqué la politique fiscale du gouvernement fondée principalement sur la perception de taxes indirectes. Ce sont ces mêmes points qui ont été soulevés durant la séance nocturne d’hier au cours de laquelle neuf députés ont pris la parole dont notamment MM. Boutros Harb et Camille Ziadé qui ont tiré à boulets rouges contre le gouvernement. M. Harb a particulièrement pris à partie le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, qu’il a surnommé «le sultan». Les deux députés ont considéré qu’il n’est pas possible de faire confiance au Cabinet Hariri, lui reprochant vivement de n’avoir tenu aucune de ses promesses. Si M. Ziadé a annoncé qu’il refusera de voter le projet de budget, M. Harb a carrément affirmé qu’il a d’ores et déjà commencé à préparer un recours en invalidation du texte qu’il a l’intention de présenter au Conseil constitutionnel au cas où les «articles anticonstitutionnels» qu’il contient seraient votés. Et c’est M. Chaker Abou Sleiman, avocat de profession et président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, qui, dans son intervention devant la Chambre, devait clairement expliquer que l’article relatif au projet de location des domaines maritimes pour une durée de cinquante ans peut entraîner une invalidation du texte. Selon lui, cet article annule les effets de la loi sur les biens-fonds maritimes. Il est aussi en contradiction avec la Constitution qui considère ces terrains comme étant la propriété de tous les Libanais. La question est de savoir s’il y se trouvera dix députés pour signer le recours en invalidation. Jusqu’à présent, seuls MM. Zaher el-Khatib et Boutros Harb ont annoncé haut et clair leur intention de s’adresser au Conseil constitutionnel. MM. Najah Wakim, Moustapha Saad ainsi que le bloc parlementaire dont M. Boutros Harb fait partie et qui comprend cinq membres peuvent cosigner le recours. C’est peut-être parce que plusieurs de ses collègues ont, au cours des trois derniers jours, analysé point par point et chiffres à l’appui les principaux articles du budget ou parce qu’il réserve son commentaire technique à l’examen du texte, article par article, que le député Boutros Harb a choisi de prononcer un discours politique. Pour lui, c’est la mentalité et le style d’action du gouvernement qui sont la cause de tous les maux du Liban. Une heure durant, le député de Batroun a durement houspillé un gouvernement dont le chef était toutefois absent. C’est M. Hariri qu’il a notamment accablé de reproches, utilisant de termes extrêment durs quoique poli à son égard. Personne n’aurait aimé se trouver à cet instant à la place de M. Hariri face à cet opposant implacable. Le député s’arrête sur une phrase de l’exposé des motifs du projet de budget, laquelle indique que le déficit budgétaire ne peut pas être réduit si l’opinion publique et le Parlement n’assument pas leur part de responsabilités. «Est-ce que cela signifie que le Parlement n’a pas jusqu’à présent assumé sa part de responsabilités»? proteste-t-il, vivement en insistant sur le fait que le gouvernement «reste attaché à sa politique qu’il embellit grâce à de nouveaux slogans» et que «son seul souci est de tromper l’opinion publique à travers les chiffres qu’il lui présente». M. Harb reproche aussi à l’Exécutif de prétexter «les agressions israéliennes et la conjoncture régionale pour tenter de justifier son échec» et affirme que l’Exécutif a «toujours» fait la sourde oreille aux appels lancés par le Parlement pour qu’il lui soumette un plan de redressement et de développement. «Nous voulions partager les responsabilités avec vous, mais vous avez refusé cette coopération qui aurait dévoilé vos projets et vos plans», ajoute-t-il. S’en prenant à M. Hariri qu’il désigne à plusieurs reprises par le terme «le sultan», M. Harb lui reproche vivement son «incapacité» à supporter les critiques et stigmatise ses récentes déclarations dans lesquelles il avait accusé ses détracteurs de nuire au pays, de ternir son image à l’étranger et de tenter à travers leur diatribe de se frayer un chemin vers un poste de responsabilité. «Chacun a le droit d’exprimer son point de vue, mais nous ne permettrons à personne de recourir à l’intimidation, à la diffamation et aux accusations mensongères pour justifier son échec», s’écrit-il. En parlant d’échec, il fait allusion au plan de redressement du chef du gouvernement et souligne «la détérioration de la situation économique et financière dans le pays depuis 1992, alors que le sultan se vante que tout va à merveille». Une ferme Il accuse les pôles du pouvoir d’avoir «transformé le Liban en ferme, mélangé l’Etat avec leurs propriétés, leurs désirs avec les lois qu’ils ont outrepassées ou amendées pour qu’elles correspondent à leurs intérêts». «Comment peut-on expliquer autrement la position du gouvernement face à la proposition de loi sur l’enrichissement illicite ou l’enrichissement soudain de certains responsables? Et si quelqu’un pose des questions à ce sujet, il est accusé d’être impliqué dans un complot visant à détruire le pays», tonne-t-il, accusant en outre M. Hariri de tenter de «couvrir certains scandales». M. Harb s’interroge sur le point de savoir comment les détenteurs de capitaux peuvent investir «dans un pays où les droits des citoyens sont devenus une faveur que le sultan consent à leur accorder en fonction de son humeur et de ses intérêts». Il soulève le problème des personnes disparues «arrêtées contrairement aux règles en vigueur par des parties inconnues» et celui du «comportement de l’Etat à l’égard des médias». Il cite une déclaration du ministre des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz, dans laquelle il tire à boulets rouges sur le gouvernement avant de commenter: «Si vous ne vous faites pas confiance, comment voulez-vous que le peuple ait confiance en vous?». Il estime qu’une administration corrompue ne dérange pas le gouvernement puis il s’adresse aux ministres, qui l’écoutent, un sourire jaune aux lèvres, pour leur demander «si les postes qu’ils occupaient au sein des institutions du président du Conseil étaient restés vacants après leur nomination» au sein du gouvernement. «Prenez consience de ce que vous êtes en train de faire. Ayez pitié de ce peuple», enchaîne-t-il, avant d’exprimer son opposition du projet de budget et d’appeler à une révision du système fiscal. M. Harb souligne aussi son intention de présenter un recours en invalidation des articles anticonstitutionnels du budget devant le Conseil constitutionnel. Les critiques de Ziadé M. Camille Ziadé, député du Kesrouan, lance une virulente attaque contre le gouvernement, annonçant, au terme de son intervention, qu’il votera contre le projet de budget «parce que nous avons acquis la conviction que ce gouvernement n’est pas en mesure de prendre les mesures exceptionnelles que nécessite la situation délicate» dans laquelle se trouve le pays. M. Ziadé commence son allocution en évoquant le sit-in estudiantin et ouvrier de jeudi dernier, place de l’Etoile, ainsi que les manifestations de jeunes qui s’étaient produites en décembre dernier à la suite de l’interdiction de l’interview télévisée du général Michel Aoun. «Ces manifestations constituent un indice de la situation dans laquelle se trouve le pays, déclare le député du Kesrouan. N’était la décision du gouvernement d’interdire tout rassemblement, les manifestations se seraient répandues dans tout le pays». Abordant la conjoncture financière et socio-économique, M. Ziadé reproche au gouvernement de n’avoir pas mis en place une réforme fiscale rationnelle. «Au lieu d’améliorer la collecte des impôts et d’imposer des taxes aux couches aisées de la population, le Cabinet a maintenu sa politique inéquitable en imposant des taxes indirectes, comme c’est le cas pour l’annexe numéro 9, déclare M. Ziadé. Cela a eu des retombées néfastes sur le pouvoir d’achat des classes moyennes et défavorisées. Par ailleurs, la transparence a fait défaut dans l’action du gouvernement. Cela apparaît plus particulièrement dans l’adjudication des projets qui se fait souvent de gré à gré et qui met en relief toute sorte de scandales financiers et de pratiques clientélistes». Et M. Ziadé de poursuivre: «Le gouvernement a prouvé qu’il ne croit pas dans l’Etat des institutions. Il s’est abstenu de réactiver les organismes de contrôle et, par ailleurs, il a échoué dans ses tentatives de réforme administrative. Nous sommes en droit de nous demander comment un gouvernement qui n’est pas en mesure de mettre en place une administration centrale saine serait en mesure d’avoir une vision d’avenir claire pour jeter les bases d’une décentralisation administrative. En outre, le développement équilibré n’a pas été réalisé. A cette occasion, nous voudrions rappeler que le jurd du Kesrouan et du Ftouh font partie des régions défavorisées. Il devrait, par conséquent, profiter du fonds de 150 milliards de LL» (consacré aux régions déshéritées). M. Ziadé dénonce, d’autre part, le projet gouvernemental visant à louer les biens-fonds maritimes publics pour une période de 50 ans. Il s’est élevé, par ailleurs, contre «le déséquilibre sur le plan de la représentation nationale à tous les niveaux». Après avoir souligné que le gouvernement «n’accorde aucune importance aux remarques qui lui sont faites», M. Ziadé déclare en conclusion: «Depuis 1992, notre option a toujours été de laisser au gouvernement la chance d’agir afin d’effacer les séquelles de la guerre. Mais aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous laisser convaincre par un tel prétexte. Les chances que nous avons accordées au gouvernement n’ont donné aucun fruit. Nous sommes par conséquent en droit de demander au gouvernement des actes avant de lui renouveler notre confiance. Je voterai ainsi contre le projet de budget car j’ai acquis la conviction que ce gouvernement n’est pas en mesure de prendre les mesures exceptionnelles que nécessite la situation présente». Abou Sleiman: les biens-fonds maritimes M. Chaker Abou Sleiman met l’accent principalement sur deux points, le système fiscal et le projet de location des domaines publics maritimes pour une durée de 50 ans. Tout en reconnaissant l’importance des taxes pour la survie de l’Etat, il fait remarquer que, dans tous les pays civilisés, il existe une commission formée d’hommes de loi, d’économistes, de financiers, de sociologues et de psychologues, pour proposer de nouvelles taxes sur base d’études scientifiques. «Au Liban, la plupart des listes de nouvelles taxes sont établies arbitrairement et sont sujettes au changement», poursuit-il, reprochant au ministère des Finances de n’avoir pas respecté tous les termes de la loi votée l’année dernière et dispensant les contribuables du paiement de 90% de la valeur des amendes infligées pour cause de retard dans le règlement des sommes dues au fisc. M. Siniora proteste et fait remarquer que la proportion de 90% a été retenue pour les amendes remontant aux années 1992 et 1993 et qu’elle a été ensuite graduellement réduite. «Si les gens s’attendent chaque année à être dispensés du paiement de 90% de leurs amendes, ils ne s’acquitteront plus de leurs devoirs à l’égard du fisc», ajoute-t-il. Concernant les domaines publics maritimes, M. Abou Sleiman rappelle la loi de 1925 qui autorise l’exploitation des terrains côtiers pour une année renouvelable et donne aux autorités le droit de résilier le contrat d’exploitation à tout moment sans avoir à verser d’indemnités. «Est-il possible qu’un article du projet de budget autorise la location de ces domaines pour une durée de 50 ans, supprimant ainsi les effets d’une loi parfaite», s’interroge-t-il. Selon lui, au cas où il serait voté, cet article constituera une brèche par laquelle le Conseil constitutionnel pourra invalider le budget dans la mesure où la Constitution, explique-t-il, considère la côte comme étant la propriété de tous les Libanais. Le député rappelle par ailleurs que le Parlement avait voté l’année dernière une loi aggravant les sanctions infligées en cas de vol de courant et demande à savoir si, depuis, la perception des tarifs de l’abonnement à l’EDL s’est améliorée.
Pas de week-end pour l’Exécutif et le Législatif qui se retrouveront ce matin, place de l’Etoile, afin de poursuivre le débat budgétaire. Demain soir, le gouvernement répondra aux multiples points soulevés au cours des quatre derniers jours par les députés qui ont pour la plupart contesté les prévisions des dépenses et des recettes contenues dans le projet de budget,...