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Actualités - OPINION

Tribune Patrimoine : notre mémoire menacée

Il existait dans la vallée de Nahr Ibrahim un petit joyau de lumière et de verdure, un site enchanteur miraculeusement préservé de l’urbanisation rampante et des ravages de l’homme. Il y avait là un très vieux pont de pierre en arc, vestige d’une époque où les voyages se faisaient à pied et les transports à dos d’âne. Quelques mètres en aval, au milieu d’une végétation luxuriante, trônait un moulin à eau encore intact, avec son long bief qui le reliait à la rivière, et ses deux caves en voûte, où l’on pouvait admirer deux gigantesques meules superposées. Nous avions coutume, une ou deux fois l’an, de venir en pèlerins à ce lieu devenu symbolique. C’était toute la mémoire de notre pays que nous retrouvions là, non pas le Liban des gloires phéniciennes et des colonnes romaines, mais le Liban des paysans, du jurd, du nay, des terrasses... Il y a quelques jours, de retour sur le site, nous ne l’avons tout simplement pas reconnu. Une horrible bâtisse en béton avait été construite juste au-dessus du moulin, le démolissant en partie. Le vieux pont en arc avait été dégradé par le passage des camions et des voitures, perdant des dizaines de pierres de chaque côté. Les caves du moulin avaient été transformées en dépotoirs d’ordures ménagères. Et à la place des platanes, des arbres de Judée, des chênes, des caroubiers, des lauriers, il n’y avait plus qu’un chemin bordé de gravats pour desservir la nouvelle bâtisse. Le mal était fait. Les dégâts irrémédiables. Pourtant nous avons décidé d’en informer le ministère de l’Environnement où, il faut le reconnaître, nous avons eu affaire à des personnes attentives et compétentes. Dès le lendemain, on nous a envoyé une équipe d’experts qui nous ont accompagnés jusqu’aux lieux saccagés. Ils étaient trois. Avec un professionnalisme évident, ces spécialistes ont pris une foule de notes, des dizaines de photos, avant d’interroger les propriétaires de la bâtisse. Une enquête a été ouverte depuis. N’est-il pas paradoxal de protéger des vestiges antiques alors qu’on laisse à l’abandon des sites plus récents, qui seront les vestiges de demain? Si nous écrivons cette lettre, c’est pour lancer un appel à tous ceux qui seraient amenés à constater des agressions contre l’environnement et le patrimoine: N’hésitez pas à alerter les autorités concernées. Impliquez-vous. Nous n’avons plus le droit de rester passifs. C’est notre mémoire qui est en jeu. Hala ZEIN
Il existait dans la vallée de Nahr Ibrahim un petit joyau de lumière et de verdure, un site enchanteur miraculeusement préservé de l’urbanisation rampante et des ravages de l’homme. Il y avait là un très vieux pont de pierre en arc, vestige d’une époque où les voyages se faisaient à pied et les transports à dos d’âne. Quelques mètres en aval, au milieu d’une...