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Actualités - CHRONOLOGIE

Il s'est entretenu hier avec Boueiz au Palais Bustros Védrine : la France veut contenir les tensions et relancer le processus de paix L'acceptation par Israël de la 425 est un bon début estime le chef du quai d'Orsay

«Je viens pour entendre et explorer». C’est ainsi que le ministre français des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine, a résumé,hier, l’objectif de sa première visite officielle au Liban. Si, au cours de la rapide conférence de presse conjointe avec M. Farès Boueiz, tenue hier soir au palais Bustros, M. Védrine a utilisé un langage essentiellement diplomatique, se montrant très discret sur la teneur de ses entretiens avec son homologue libanais, il a toutefois évoqué la place importante qu’occupe le Liban dans le cœur des Français et dans la politique étrangère de la France. Et c’est avec une émotion visiblement sincère qu’il a parlé de sa joie de se retrouver sur le sol libanais qu’il avait déjà foulé à plusieurs reprises dans le cadre de visites privées. M. Védrine a aussi estimé que «l’énonciation par Israël de la résolution 425 est un bon début», sans toutefois nier les obstacles qui bloquent aujourd’hui le processus de paix dans la région (VOIR AUSSI PAGE 4). A son arrivée à l’AIB — où il a été accueilli par le ministre Boueiz et par les ambassadeurs de France au Liban et du Liban en France, ainsi que par les hauts fonctionnaires des Affaires étrangères et de l’ambassade de France — et, plus tard, au cours de ce rapide point de presse, M. Védrine a élégamment évité de donner des détails sur ses premiers entretiens avec les Libanais. Sa visite — qui devait avoir lieu à l’automne 97, mais qui avait été reportée en raison de la tournée moyen-orientale du secrétaire d’Etat américain, Mme Albright — intervient toutefois au moment où les responsables israéliens reconnaissent pour la première fois la résolution 425 des Nations Unies relative au retrait israélien du Liban-Sud et juste après une visite du vice-président syrien, M. Khaddam, et du ministre syrien des Affaires étrangères, M. Chareh, à Paris. Elle intervient aussi surtout au moment où le processus de paix arabo-israélien se trouve dans l’impasse et où l’émissaire américain dans la région, M. Dennis Ross, vient de rentrer bredouille aux Etats-Unis. En réponse aux questions des journalistes, M. Védrine a pourtant nié être porteur de nouvelles idées pour débloquer le processus de paix, tout comme il a précisé que la visite de MM. Khaddam et Chareh à Paris n’était pas directement liée aux nouvelles positions israéliennes sur la 425, ajoutant qu’elle «s’inscrit dans le cadre des relations normales entre la France et la Syrie et que les responsables français ont fait un tour d’horizon complet avec les responsables syriens». M. Védrine a aussi déploré le fait que le processus de paix se trouve actuellement dans l’impasse. «Le statu quo est mauvais et injuste», a-t-il déclaré. Cela ne veut pas dire que je suis pessimiste à long terme, bien au contraire. Mais pour l’instant, il y a des obstacles». M. Védrine a toutefois refusé de préciser où ils se situent. «Tout le monde le sait, je ne vais pas y revenir», a-t-il ajouté. Mais il a ensuite insisté sur le fait que la France coordonne son action avec les Etats-Unis. «La France, a-t-il dit, est très engagée et très présente en ce qui concerne les volets libanais et syrien du processus de paix en concertation avec les Européens et à travers un dialogue soutenu avec les Etats-Unis». Certains membres de la délégation qui l’accompagne (qui groupe 25 personnes, dont le député, président du groupe d’Amitié France-Liban, M. Gérard Bapt, M. Claude Estier, président du groupe socialiste au sénat, M. Georges Molly, sénateur de la Corrèze, l’écrivain M. Jean Lacouture, M. Jean Claude Cousseran, président du département Afrique du Nord et Moyen-Orient au Quai d’Orsay, M. Julien Chenivesse, responsable du bureau Liban-Syrie au ministère des A.E., Mme Anne Gazeau-Secret, responsable de l’Information et de la Communication, Mme Caroline Malaussena, conseiller technique, M. Jean Noël Poirier, conseiller technique...) précisent qu’après leurs échecs successifs dans la région, les Américains acceptent plus facilement les initiatives françaises. Sa mission d’exploration, M. Védrine a donc voulu la commencer au Liban, qui, il l’a rappelé, continue à être une des portes importantes pour la France dans la région. M. Védrine répond ainsi à toutes les interrogations qui ont été soulevées au moment de l’arrivée au pouvoir du gouvernement socialiste. La politique de la France au Liban continuera donc à être placée sous le signe de l’amitié. «Je suis venu voir, a-t-il même déclaré, ce que nous pouvons faire pour que les relations entre le Liban et la France restent aussi denses et pour maintenir cette vitalité qui les caractérisent». «Il y a aujourd’hui des blocages multiples et la France est vraiment très engagée pour agir le plus efficacement possible, en concertation étroite avec nos amis anciens et fidèles que sont les Libanais», a encore déclaré M. Védrine. Le ministre des A.E. a aussi rendu un vibrant hommage au comité de surveillance qui avait été créé à l’initiative de la France, après l’agression israélienne contre le Liban en avril 1996. «La fonction de ce groupe est de circonscrire l’escalade. Et, à mon avis, il a réussi, plusieurs fois, à éviter que les choses ne s’aggravent». Interrogé sur une ancienne proposition française de déployer des troupes, dans le cadre de forces internationales, au Sud, en cas de retrait israélien, M. Védrine a nié que la France ait fait une telle proposition. Selon lui, cette suggestion avait été avancée par des responsables israéliens, directement ou par voie de presse et la France ne peut se lancer dans de telles propositions, alors que la situation actuelle ne s’y prête pas. «Plus tard, dans le cadre de l’application des résolutions 425 et 426, on pourrait peut-être en parler...» Enfin, il a rappelé que l’objectif de la France n’est pas seulement «de contribuer à contenir les tensions, mais aussi de trouver une véritable solution». Les relations bilatérales De son côté, le ministre libanais des Affaires étrangères a rendu hommage «à la justesse de la position de la France», précisant que les relations entre les deux pays ne font que s’approfondir. Il a toutefois souligné que les liens économiques entre les deux pays devraient refléter cette profondeur dans les relations. Au sujet de la situation au sud du pays, M. Boueiz a déclaré que les déclarations des responsables israéliens devraient être lues attentivement et entièrement. Quand on ajoute des conditions au retrait des troupes israéliennes du territoire qu’elles occupent au Liban, cela signifie qu’on n’a pas vraiment l’intention de se retirer, car la résolution 425 prévoit un retrait inconditionnel et sans calendrier. M. Boueiz a salué aussi la connaissance précise de M. Védrine du dossier régional et libanais. Auparavant — et au cours des entretiens officiels qui ont duré plus d’une heure, les délégations française et libanaise avaient abordé tous les points figurant à l’ordre du jour. Selon des sources proches de la délégation libanaise, M. Védrine a surtout posé les questions, écoutant attentivement l’exposé de M. Boueiz. Celui-ci a commencé par parler des relations bilatérales qui sont jugées satisfaisantes, notamment dans le domaine de l’enseignement. «Certes, en tant que pays francophone, nous espérons toujours recevoir une plus grande aide», a toutefois ajouté le ministre libanais qui s’est aussi demandé pourquoi la France a moins participé au processus de reconstruction du Liban que d’autres pays européens. Concernant le Sud, M. Védrine aurait demandé à M. Boueiz ce que pensait le Liban de la dernière proposition israélienne et le ministre libanais aurait déclaré que la résolution 425 est claire et qu’elle ne supporte aucune interprétation. Selon les sources libanaises, les deux délégations auraient été d’accord pour considérer positive la reconnaissance par Israël de la résolution 425. M. Védrine aurait ensuite demandé à M. Boueiz ce qu’il pense du processus de paix et ce dernier aurait mis l’accent sur la politique dangereuse du premier ministre israélien. Echanges parlementaires De son côté, M. Gérard Bapt, député de Haute Garonne et président du groupe d’Amitié France-Liban à l’Assemblée nationale française, qui en est à sa 14e visite au Liban, a déclaré à «L’Orient-Le Jour» qu’il a l’intention de relancer les échanges entre l’Assemblée nationale française et le parlement libanais, échanges qui s’étaient ralentis au cours de ces dernières années. «Je compte en parler demain (aujourd’hui) avec le président Berry, tout comme je souhaite rencontrer certains députés libanais afin d’essayer de reconstituer le groupe d’amitié Liban-France au parlement libanais». Selon M. Bapt, l’ancienne majorité en France (la droite) était divisée au sujet du Liban, alors que les socialistes ont une politique unifiée et une approche équilibrée des affaires libanaises, puisqu’ils se sont gardés d’adopter des positions extrêmes en faveur d’une partie ou de l’autre pendant la guerre. M. Bapt déplore le fait qu’«aujourd’hui, comme hier, le Liban est l’otage de toutes les contradictions régionales et ce n’est pas par hasard qu’il constitue le seul point chaud avec Israël». Il précise qu’à ses yeux et à celui de ses collègues, le Liban doit être «uni, indépendant, souverain, ayant des relations d’amitié et de coopération dans le cadre de la souveraineté avec la Syrie. Il doit conserver ses équilibres communautaires, avoir des frontières internationalement reconnues et être l’interlocuteur privilégié de l’Europe et sa véritable porte pour le Moyen-Orient». Sur le plan régional, M. Bapt précise que les socialistes français ne sont pas plus proches des Israéliens que la droite. «Ils avaient certaines affinités avec les travaillistes israéliens qui font partie de l’Internationale socialiste, mais ils ont une politique constante qui est de trouver une solution juste et équilibrée». Il rappelle à ce sujet les déclarations faites par le ministre Védrine en septembre dernier, assez critiques à l’égard du premier ministre israélien. «Ce qui compte, aujourd’hui, c’est de ressusciter l’espoir né des accords d’Oslo. Une action doit être entreprise à tous les niveaux et dans toutes les directions...» Tous ces thèmes — et sans doute d’autres — seront évoqués aujourd’hui, au cours des entretiens de M. Védrine et de la délégation qui l’accompagne, avec le chef de l’Etat, M. Hraoui, le président de la Chambre, M. Berry et le président du Conseil, M. Hariri. M. Védrine doit aussi inaugurer le nouveau siège du consulat de France à Beyrouth et il tiendra une conférence de presse au palais de Baabda, pour clôturer sa courte visite au Liban. Une visite qui se veut avant tout le symbole de l’intérêt profond que la France porte au Liban et, qui, au-delà des considérations politiques françaises ou libanaises, demeure une constante entre les deux pays. Scarlett HADDAD
«Je viens pour entendre et explorer». C’est ainsi que le ministre français des Affaires étrangères, M. Hubert Védrine, a résumé,hier, l’objectif de sa première visite officielle au Liban. Si, au cours de la rapide conférence de presse conjointe avec M. Farès Boueiz, tenue hier soir au palais Bustros, M. Védrine a utilisé un langage essentiellement diplomatique, se...