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Actualités - ANALYSE

Présidentielles : des critères difficiles à cerner...

Quel président voulons-nous, pour quel Liban?
Question de cours mal posée: ce n’est pas la première mais la troisième personne du pluriel qu’on peut employer «quel président vont-ils mettre en place… cette fois».
Il est en effet notoire que depuis Frangié, dernier chef d’Etat libanais-libanais, les présidents qui se sont succédé ont été choisis dehors et plébiscités sans coup férir par les soi-disant «députés de la nation». On a assez reproché aux Gemayel d’être arrivés au pouvoir dans la foulée des chars israéliens; Elias Sarkis avait été auparavant le fruit d’un consensus syro-américain qui s’est renouvelé pour René Moawad tandis que pour Elias Hraoui la part U.S., dit-on, a été beaucoup moindre.
«Toujours est-il, regrette de plus un vieux de la vieille, que du temps des Français c’étaient les meilleurs qui étaient parachutés à la tête de l’Etat libanais, les plus brillants intellectuellement mais aussi les plus honnêtes: Charles Debbas, Habib Bacha el-Saad, Alfred Naccache… Avec l’indépendance le haut niveau de qualité s’est certainement maintenu ou même accru sur le plan technique, c’est-à-dire politique, mais a sans doute reculé sur le plan de l’intégrité personnelle sinon des dirigeants eux-mêmes du moins de leurs cours respectives… Béchara el-Khoury, Camille Chamoun ont été des têtes politiques hors pair et Fouad Chéhab, à défaut de leur subtilité, avait un vrai programme de modernisation du pays. Toujours est-il qu’à l’exception des événements, relativement brefs, de 1958, le pouvoir local a toujours su maintenir cette vraie stabilité intérieure qui est le meilleur gage d’indépendance libanaise réelle».
«La guerre domestique, poursuit cette source nostalgique, a évidemment gommé la quasi-totalité des données antérieures. L’Etat, pratiquement disloqué, n’avait plus son mot à dire dans le choix de ses présidents et du même coup les leaderships locaux non plus. C’est, affirme-t-on, «les forces de terrain», donc les puissances extérieures, qui commandent tant que leurs troupes sont là. D’ici l’automne prochain, la situation de facto a peu de chances de changer et le grand électeur effectif restera très probablement le même», conclut ce vétéran.
Pour sa part, l’un des ministres dont le nom est fréquemment cité comme candidat potentiel affirme que «l’intérêt du Liban est que le choix se porte sur l’homme qui sera le mieux adapté aux circonstances qui prévaudront au moment du vote. Il faudra en tout cas quelqu’un qui soit assez fort, assez capable pour se colleter aux problèmes de base, aussi difficiles que nombreux. Il faut un remède approprié: si on considère que le mal est politique, alors on doit faire appel à un spécialiste connu pour son habileté et son expérience dans ce domaine, pour que le Liban retrouve un rôle pilote dans la région…»

Impossibilité

Mais ce ministre se hâte de préciser qu’à son avis «les circonstances ne permettent pas au Liban de récupérer un rôle majeur sur le plan politique où il se trouve pratiquement paralysé pour un bon bout de temps. Il dispose d’une liberté de mouvement, d’une autonomie de décision réduites. Il doit se contenter de s’aligner sur autrui pour tout ce qui concerne les options cruciales, même celles qui le touchent au vif et le concernent exclusivement. A l’ombre de l’occupation israélienne et de la présence des forces syriennes, le Liban ne peut plus développer une politique étrangère qui lui soit propre, comme jadis. A la limite, il lui est même demandé de tenir compte de l’intérêt d’autrui plus que du sien…»
«Si on estime par contre, poursuit cette personnalité, que le problème majeur est d’ordre sécuritaire, alors il faudrait comme en 58 au sortir de la révolution confier les rênes à un homme du métier. Mais rien, affirme le ministre, ne permet de voir les choses sous cet angle car l’état de la sécurité paraît assez solide, assez stable et en tout cas il n’y a pas de troubles de terrain dont il faille traiter les séquelles comme il y a quarante ans. Si par malheur dans les mois qui viennent la crise socio-économique devait provoquer une déstabilisation accentuée sur le plan sécuritaire, alors on pourrait songer à confier les rênes à un nouveau Fouad Chéhab. Mais tout jusqu’à présent semble indiquer que cette crise peut être traitée par des mesures économiques écartant le danger d’un soulèvement de rue ou d’une anarchie généralisée et il est donc peu probable qu’il faille recourir à des solutions de poigne…»
«Partant de là, on peut juger bon, enchaîne ce candidat virtuel, de faire appel à un homme qui soit versé en économie et en finances, vu que la crise qui sévit dans ce domaine est prioritaire pour les Libanais. Il faudra que le nouveau président jouisse d’un large crédit au-dehors comme à l’intérieur, qu’il soit digne de confiance sur tous les plans, notamment en ce qui concerne la transparence et l’intégrité. C’est une condition essentielle pour les démarches qu’il faudra faire en vue d’obtenir les aides des organisations, des Etats arabes et étrangers pour opérer le redressement économique du pays. En sus de sa propre image de marque qui devra être tout à fait blanche, le nouveau chef de l’Etat aura à cœur d’éliminer la corruption comme la gabegie qui rongent l’Administration et affaiblissent le Liban en le rendant suspect aux yeux des éventuels donateurs étrangers comme des investisseurs. Il lui faudra lutter pour réduire le déficit du budget ainsi que la dette publique…»
Nettoyer les écuries d’Augias: une tâche digne d’un Hercule. Reste à savoir si on peut vraiment en trouver un sur la scène locale…

E.K.

Quel président voulons-nous, pour quel Liban?Question de cours mal posée: ce n’est pas la première mais la troisième personne du pluriel qu’on peut employer «quel président vont-ils mettre en place… cette fois».Il est en effet notoire que depuis Frangié, dernier chef d’Etat libanais-libanais, les présidents qui se sont succédé ont été choisis dehors et...