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Actualités - ANALYSE

Municipales : pessimisme accentué à l'est

«Tout compte fait, souligne un dignitaire religieux de l’Est, le taux de représentation des chrétiens dans ce pays ne peut que rester déficitaire à l’ombre du système en place et de la tutelle qui nous est imposée. Dès lors les municipales sont courues d’avance et si l’on avait adopté le principe des désignations les résultats seraient restés globalement les mêmes qu’avec les élections prétendument libres qu’on nous promet. Les déséquilibres et les discriminations sont en effet si prononcés qu’aucun recours ne peut y remédier tant que la situation n’aura pas changé du tout au tout».
«Comme les pseudo-élections législatives, poursuit ce prélat, les désignations nous auraient dotés de soi-disant représentants qui n’appartiennent pas du tout à notre bord et qui auraient été bien évidemment les hommes du pouvoir, de ses alliés, des leaders régionaux et des décideurs avant toute autre chose. Les simili-élections aussi débouchent sur des parachutages organisés par les véritables meneurs du jeu, la seule différence étant peut-être que la part des dirigeants, qui ne disposent plus du droit d’inscrire d’office des noms de leur blanche main, serait plus réduite».
« Il y a eu, rappelle cette instance spirituelle, nombre de suggestions pour remplacer le système des désignations. On a parlé ainsi de garder la répartition sur base confessionnelle effectuée lors des dernières municipales en 1963; ou encore de recourir à la proportionnelle sur base des listes d’électeurs, voire de quadriller les villes en quartiers votant à part. Toutes ces idées ont été rejetées par ce que l’on appelle la majorité sous prétexte qu’elles ne feraient que conforter le confessionnalisme. Or il se trouve maintenu jusqu’à nouvel ordre aux législatives, qui sont autrement plus pesantes que les municipales sur le plan politique national. Le prétexte invoqué ne tient donc pas debout et l’objectif réel est bien de permettre à une communauté déterminée d’accroître sa flagrante hégémonie au mépris des règles de la coexistence comme de la participation. On ne veut même pas laisser aux minorités le droit d’être représentées au niveau de la gestion municipale».
La même source ajoute: «Et sous couvert d’élections dites libres, on contourne même Taëf qui précise que jusqu’à l’abolition du confessionnalisme politique il faut maintenir la parité de représentation entre musulmans et chrétiens au Parlement, dans le gouvernement et dans les postes de première catégorie de la fonction publique. D’ailleurs, les pratiques clientélistes, népotiques, corrompues et sectaires de la présente République ont fait que le confessionnalisme au lieu de se résorber a gagné tellement de terrain dans le pays qu’il en vient à étouffer tout sens national ou civique chez les responsables comme chez les politiciens de tout calibre. Maintenant on veut que la supériorité numérique des mahométans, surtout dans les grandes villes, écrase les chrétiens au sein de ces conseils municipaux dont les travaux sont au moins aussi importants pour la population que ceux du gouvernement et du Parlement. Les municipalités constituent en effet une sorte de pouvoir décentralisé en prise directe avec la vie au quotidien. Si un habitant a un problème de décharge publique devant sa porte, si la rue d’un quartier est défoncée et ainsi de suite, ce n’est pas au Conseil des ministres qu’ils vont s’adresser mais à la municipalité. Dans ce créneau c’est une démocratie de proximité, intense et de haute fréquence qui se pratique. Partout dans le monde l’élection d’un maire et d’un conseil municipal est aussi importante, sinon plus, pour les habitants d’une agglomération que celle du chef de l’Etat. Souvent d’ailleurs il y a interaction, les résultats des municipales pouvant avoir des retombées au niveau des législatives comme de la formation des gouvernements. On peut ainsi estimer que la plate-forme des municipales constitue la base de la pyramide nationale. Il est illogique et malsain que les élections à ce niveau soient déclarées aconfessionnelles quand tout le reste l’est, surtout que cela cache en réalité un exercice de domination par l’effet du nombre qui est tout à fait confessionnel».
«Mais de toute façon, souligne avec amertume cette autorité religieuse, nous sommes sous la férule d’une seule règle effective: la discrimination. Taëf, sous le fallacieux prétexte du brassage national, a institué le mohafazat comme champ électoral. Dans la réalité vécue, cela permet aux leaders musulmans de faire élire sur leurs listes à Beyrouth, au Nord, au Sud et dans la Békaa des chrétiens à leur botte, plus soucieux de leur obéir que de défendre les intérêts de leurs coreligionnaires. Le comble c’est que, malgré l’arrêt d’annulation du Conseil constitutionnel, on a disloqué en six circonscriptions le Mont-Liban, seul mohafazat où les leaderships chrétiens pouvaient rendre au camp d’en face la monnaie de sa pièce, pour que le principal dirigeant de la communauté druze garde la haute main sur deux cazas de cette région. Deux poids deux mesures et tant qu’il en sera ainsi les équilibres voire la coexistence resteront de vains mots».

E.K.
«Tout compte fait, souligne un dignitaire religieux de l’Est, le taux de représentation des chrétiens dans ce pays ne peut que rester déficitaire à l’ombre du système en place et de la tutelle qui nous est imposée. Dès lors les municipales sont courues d’avance et si l’on avait adopté le principe des désignations les résultats seraient restés globalement les...