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Actualités - REPORTAGE

La Villa Mont-noir, une villa médicis en flandre

Une série de rondes collines se déploient dans l’extrême nord de la France: le Mont Cassel, le Mont Des Cats, le Mont Rouge et son jumeau le Mont Noir qui pousse son avantage de l’autre côté de la frontière belge. C’est là, dans cette Flandre aux ciels magnifiques, dans cette région charnière entre monde germanique et monde latin, que Marguerite Yourcenar — qui n’avait pas encore choisi son pseudonyme et s’appelait alors Marguerite de Crayencour — passa les dix premiers étés de sa vie. Et c’est de l’ancien domaine de sa famille, un parc à l’anglaise de cinquante hectares, que s’est porté acquéreur le Conseil général du Nord, soucieux de préserver pareils lieux de mémoire et d’affirmer l’existence d’un pôle culturel départemental.

Ecrire ailleurs

La jolie Villa Mont-Noir qui vient d’être inaugurée dans l’enceinte du parc est destinée à devenir, sous d’autres latitudes, une réplique de la Villa Médicis à Rome: une résidence où des écrivains européens — dix chaque année — pourront terminer à loisir un manuscrit sous l’invocation de Marguerite Yourcenar, mais aussi de Marceline Desbordes-Valmore, Maxence Van der Meersh, Emile Verhaeren, entre autres écrivains et poètes dont le souvenir continue de hanter ces parages.
Guy Fontaine, qui présidera aux destinées de la Villa Mont-Noir, semble vraiment être l’homme de la situation, puisqu’on lui doit le «Dictionnaire des auteurs européens» paru chez Hachette. A l’occasion de cette inauguration, il a réuni un aréopage de romanciers, de poètes et d’intellectuels autour d’un thème, «Ecrire ailleurs», que n’aurait pas récusé l’auteur des «Nouvelles orientales», grande voyageuse devant l’Eternel. C’était la voie ouverte, de la sémantique à la philosophie, à ces variations virtuoses dont se délectent les Français, mais Marguerite Yourcenar n’aurait sans doute pas été la dernière à refuser de réduire l’ailleurs à un simple concept géographique.

L’exil

Si l’éditeur Hubert Nyssen (Actes Sud) voit dans ce mot un adverbe de non-lieu plutôt qu’un adverbe de lieu, l’écrivain belge Pierre Mertens croit pour sa part y déceler un adverbe de temps et, pour lui, l’auteur des «Mémoires d’Hadrien» a parcouru les époques autant que les ubiquités. Pour Michel Deguy également, son ailleurs est un ailleurs dans le temps, un ailleurs gréco-romain. On pouvait aussi bifurquer vers l’ailleurs que représente l’exil. N’avait-elle pas, d’emblée, choisi celui d’un pseudonyme? Plus concrètement, elle avait décidé, en 1949, de s’exiler aux Etats-Unis et la tentation est forte d’établir une symétrie entre l’île des Monts-Déserts, dans le Maine, où elle s’était établie et le Mont-Noir de son enfance.
Personne ne paraît avoir pris garde à cette citation, de Marguerite soi-même, qui aurait apporté une conclusion limpide aux arguties des uns et des autres. Elle accompagnait, avec quelques autres, l’exposition de photographies où on la voit jeune, olympienne sous sa toque de fourrure, et puis, silhouette alourdie, emmitouflée dans la cape sombre qu’elle portait dans son grand âge: «Il vient un jour où l’on se fatigue des voyages comme on s’est fatigué des livres, où l’on se lasse des vivants comme on s’est lassé des morts». Elle reconnaissait donc elle-même être revenue de tout, y compris des séductions captieuses de l’ailleurs.
Une série de rondes collines se déploient dans l’extrême nord de la France: le Mont Cassel, le Mont Des Cats, le Mont Rouge et son jumeau le Mont Noir qui pousse son avantage de l’autre côté de la frontière belge. C’est là, dans cette Flandre aux ciels magnifiques, dans cette région charnière entre monde germanique et monde latin, que Marguerite Yourcenar — qui...