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Actualités - CHRONOLOGIE

Tollé de Hoss, N. Lahoud et Harb contre l'interdit Jones s'en mêle : les mots seuls ne font du mal à personne

L’interdiction de facto par le ministre de l’Information Bassem el-Sabeh de l’interview qu’était censé donner demain dimanche à la MTV l’ancien chef du gouvernement de militaires, le général Michel Aoun, à partir de son exil français, a déclenché un véritable tollé dans divers milieux politiques au Liban, qui craignent sur l’avenir des libertés publiques dans ce pays. Des organisations des droits de l’homme se sont naturellement associées aux protestations.
Fait remarqué, l’ambassadeur des Etats-Unis Richard Jones, sans prendre expressément position sur cette affaire, a tout de même paru sermonner les autorités libanaises à ce sujet, en rappelant que dans son pays, cela ne se faisait pas.
Interrogé sur cette affaire par les journalistes lors d’une tournée au Liban nord (VOIR PAR AILLEURS), M. Jones a déclaré: «La politique des Etats-Unis est claire. Nous sommes pour la liberté d’expression et nous pensons que les mots seuls ne font du mal à personne et que le dialogue constitue le meilleur moyen de régler les différends».
Sur la scène locale, l’ancien premier ministre Sélim Hoss a qualifié de «surprenante» la décision du ministère de l’Information et souligné que «les principes démocratiques commandent d’autoriser à tout un chacun d’exprimer son point de vue et ses idées dans une liberté totale».
«Si les propos tenus ne sont pas conformes aux opinions des responsables ou à celles d’autres acteurs politiques, ces derniers disposent toujours du droit de riposte verbale», a-t-il dit.
M. Hoss a rappelé que les dirigeants avaient à plusieurs reprises par le passé appelé les chefs de l’opposition établis à l’étranger à rentrer au Liban. «Mais ils ne nous avaient pas prévenus que ce retour ne pouvait avoir lieu qu’à condition de ne pas faire de déclaration ou d’interview», a-t-il ajouté.
«De plus, a-t-il poursuivi, il n’est pas dans l’intérêt des autorités de montrer qu’elles ont peur de la liberté d’expression et il est même contraire à l’intérêt public que la situation générale dans le pays soit présentée sous un aspect fragile, comme si elle ne pouvait pas soutenir le poids de quelques paroles».
M. Hoss a aussi rappelé que la liberté d’opinion et de croyance est «garantie par la Constitution libanaise de manière claire et franche». «Porter atteinte à cette liberté dans certains cas déterminés peut entraîner ou justifier d’autres violations dans d’autres cas, ce qui constitue un danger menaçant les principes de liberté sur lesquels repose le système constitutionnel libanais dont se prévaut le Liban».
«La liberté s’est confondue avec l’existence du Liban, de sorte qu’elle est bien l’une des raisons justifiant son existence», a-t-il encore dit, estimant enfin que «les discours des responsables sur l’anarchie politique pourraient n’être qu’un prélude à l’annulation des libertés publiques au Liban, un développement d’une extrême gravité».
M. Hoss a conclu en mettant en garde les autorités contre toute tentation de «persévérer dans cette politique».
Un allié politique de l’ancien premier ministre, Nassib Lahoud, député du Metn, a adressé la même mise en garde aux responsables.
«A la suite de l’application falsifiée de la loi sur l’audiovisuel qui a mené au partage des chaînes de télévision entre les gens du pouvoir, les efforts se poursuivent, et sous tous les prétextes, afin de dominer ce qui reste de surface de liberté dans les médias audiovisuels et les domestiquer définitivement», a déclaré M. Lahoud.
Selon lui, «la mesure répressive» qu’est l’interdiction de facto de l’interview du général Aoun, «ne constitue pas seulement une violation du droit du général à exprimer son point de vue, mais une atteinte au fondement du système démocratique basé sur le pluralisme politique».
«La démocratie se mesure par les moyens donnés aux opinions opposantes de s’exprimer et non par l’accaparement des tribunes et leur transformation en instrument de propagande», a-t-il dit.
Il a aussi exhorté le gouvernement à «cesser de mélanger toutes sortes de choses comme la moralité, le sexe et le piratage audiovisuel afin de parvenir à un seul objectif, étouffer toutes les voix et imposer la censure préalable aux émissions politiques».
Un autre pilier de l’opposition parlementaire, Boutros Harb, député de Batroun, a développé pour sa part un point de principe juridique, en soulignant, en substance, que le ministre de l’Information n’avait pas le droit de juger à l’avance si les propos du général Aoun allaient constituer ou non une atteinte à la loi.
M. Harb, qui a également défendu les principes démocratiques et notamment la liberté d’opinion, a en outre réfuté les arguments du ministre Bassem el-Sabeh, qui avait tenté de justifier sa décision en expliquant que si le Amid du Bloc national Raymond Eddé refusait de rencontrer l’ancien président Amine Gemayel et le général Aoun, pourquoi le gouvernement ne mettrait pas au ban ces deux hommes.
«Le Amid Eddé est un citoyen qui a le droit de rencontrer et d’entendre qui il veut. Mais l’Etat n’est pas Raymond Eddé. Il ne saurait refuser d’entendre n’importe quel citoyen, qu’il soit de ceux qui encensent le pouvoir ou de ceux qui le critiquent», a-t-il dit, en prévenant qu’il comptait adresser une interpellation au gouvernement sur cette affaire.
Salah Haraké, député de Baabda proche du mouvement Amal, a également critiqué la mesure prise par le ministre de l’Information, qui occupe également l’autre siège chiite de cette circonscription.
«Prétendre que l’apparition d’un ancien premier ministre à la télévision constitue une menace pour l’entente nationale signifie que le maintien durant cinq années consécutives de l’actuel premier ministre n’est plus justifiable non plus puisqu’il a échoué dans sa mission première: édifier et consolider définitivement cette entente nationale», a déclaré M. Haraké, qui a estimé que cette mesure était de nature à «accroître la popularité du général Aoun».
D’autres personnalités indépendantes ainsi que des partis politiques, comme le PNL (VOIR PAR AILLEURS) et l’opposition Kataëb se sont aussi élevés contre la décision gouvernementale.

Les ONG

Des organisations non gouvernementales s’occupant notamment de droits de l’homme ont également critiqué l’interdit sur le général Aoun.
Dans un communiqué commun, trois de ces organisations, le Comité de défense des libertés et de la Constitution (dirigée par Mohsen Slim), la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire — Liban (Waël Kheir) et les Nouveaux droits de l’homme — international (Elie Abou Aoun) ont vivement protesté contre cette décision «contraire à la Constitution et aux lois en vigueur ainsi qu’à l’article 19 de la Charte mondiale des droits de l’homme».
Le communiqué qualifie la mesure du ministre de l’Information d’«agression claire» et de «violation franche de l’ordre public dans la mesure où ni lui, ni même le gouvernement réuni, n’ont le droit d’interpréter les lois de manière absolue».
«Les autorités sont tenues de donner une interprétation dans les limites des dispositions de la Constitution et des chartes internationales», poursuivent les trois ONG, qui exigent du gouvernement «qu’il revienne aussitôt sur sa décision».

Le RPL

A Paris, le Rassemblement pour le Liban (RPL, Aouniste) a affirmé dans un communiqué faxé sur Beyrouth que les responsables de la MTV «auraient reçu des menaces physiques».
Le RPL a appelé «tous les défenseurs de la démocratie et de la liberté à se mobiliser pour condamner le pouvoir libanais mis en place par l’occupant syrien et qui est en train de creuser la tombe des libertés publiques au Liban».
Le Rassemblement s’est adressé «tout particulièrement à la France pour qu’elle tire les leçons qui s’imposent par suite de la politique du régime libanais qui montre une nouvelle fois son vrai visage de pouvoir totalitaire et militariste».

Note discordante

Seule note discordante dans ce concert de critiques, l’ancien premier ministre Omar Karamé qui, prenant le contrepied de ses alliés du Groupe parlementaire national (GPN), a approuvé l’initiative des autorités, en affirmant toutefois qu’il était «en faveur de la liberté absolue».
Estimant que l’opposition en exil est «contre le système» il a déclaré: «Nous sommes tous pour le changement, mais uniquement par les moyens légaux» et exhorté les chefs de l’opposition à l’étranger à revenir au Liban.
«Tous ceux qui sont présents ici, comme Dory Chamoun, Albert Moukheiber Gebran Tuéni ou le nouveau Pierre Gemayel, ainsi que beaucoup d’autres disent ce qu’ils veulent et personne ne les en empêche», a-t-il assuré.7
L’interdiction de facto par le ministre de l’Information Bassem el-Sabeh de l’interview qu’était censé donner demain dimanche à la MTV l’ancien chef du gouvernement de militaires, le général Michel Aoun, à partir de son exil français, a déclenché un véritable tollé dans divers milieux politiques au Liban, qui craignent sur l’avenir des libertés publiques dans ce...