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Actualités - ANALYSE

L'accord-cadre de la Troïka : scepticisme ministériel...

Selon un ministre chrétien de premier plan, détenteur de l’un de ces portefeuilles que l’on dit «de services», l’accord-cadre conclu à Baabda par les membres de la troïka présidentielle «mérite certes qu’on s’y arrête, qu’on l’étudie à fond et à tête reposée… mais n’apporte aucune solution à la crise socio-économique ambiante. Il n’offre qu’un avantage immédiatement perceptible: permettre au pouvoir de souffler un peu, en faisant croire à l’opinion que les dirigeants s’attellent sérieusement au traitement du problème. Et du même coup on dégonfle un peu la pression, en donnant aux gens l’impression que tout va s’arranger, qu’on a trouvé le remède-miracle…».
Mais n’est-ce pas le cas, du moins à terme? «Pas du tout, se récrie ce ministre dont les relations avec la section Finances du Cabinet ne sont pas des plus chaleureuses, on ne fait qu’aggraver la dette publique, autrement dit on augmente en données réelles le déficit du Budget qui est l’une des principales causes du marasme économique actuel. On bouchera certes quelques trous par-ci par-là avec les deux milliards de dollars que l’on veut emprunter au dehors; on soldera, s’il en reste quelque chose car il faut penser à payer les fonctionnaires et leur probable augmentation, quelques comptes débiteurs en livres libanaises. Mais ce tour de passe-passe est, à terme justement, dangereux, très dangereux même car ce qu’on se propose de faire en somme c’est de réduire un peu le volume de la dette publique intérieure en augmentant beaucoup la dette publique extérieure, le tout se montant dorénavant non plus à 13 mais à 15 milliards de dollars, sans parler des intérêts supplémentaires qu’il faudra payer… Et personne n’arrivera à nous convaincre qu’avec cet apport d’«argent frais», le gaspillage va cesser et la politique d’austérité vraiment appliquée. Une politique qui d’ailleurs est décidée chaque année à l’occasion de l’établissement du Budget mais n’en reste pas moins désespérément lettre morte, même quand il n’y a pas un sou vaillant en caisse…».

Constance

«Ensuite, relève ce responsable, comment se fier à la constance de dirigeants aussi versatiles qui changent d’option comme on change de chemise? Les haririens nous matraquaient depuis des années de ce postulat: la dette publique quand elle reste intérieure n’est pas redoutable, car le moratoire va de soi avec une population nationale qui est finalement aussi bien débitrice que créancière; cette dette, ajoutaient les haririens, devient par contre une menace quand elle se fait essentiellement extérieure car là si on ne paie pas à temps et rubis sur l’ongle, on est si pénalisé qu’on risque la faillite. Tout à fait juste, pensions-nous mais voici que les chantres de cette évidence nous assurent que c’est l’inverse qui est vrai, qu’il est préférable de prendre de l’argent à l’étranger plutôt qu’à nos compatriotes, pour permettre à ces derniers de respirer, en oubliant qu’un jour ils pourraient crouler sous les dettes que l’Etat finalement ne contracte qu’en leur nom».
«De leur côté, poursuit la même personnalité, les partisans du président Nabih Berry s’étaient violemment opposés, au nom de l’orthodoxie financière, au projet d’emprunt des 800 millions de dollars pourtant destiné au développement de leurs propres contrées, les régions dites déshéritées. Ils l’avaient donc fait échouer et aujourd’hui, effectuant un virage à 180 degrés, ils s’affirment comme les plus ardents défenseurs de l’idée d’emprunter 2 milliards de dollars au dehors! L’Etat dans ses deux composantes est si peu conséquent avec lui-même qu’on frémit en le voyant tanguer de tribord à bâbord en se demandant s’il ne va pas tomber et se casser la figure».
«D’autant que très sérieusement, souligne ce ministre informé, on se demande où le chef du gouvernement va trouver ces deux milliards? Est-ce auprès d’un Etat ami? Très douteux quand on voit le Japon, par exemple, s’impatienter au sujet du malheureux petit prêt de 130 millions de dollars. D’une banque ou d’un groupement de crédit? Sans doute, mais les prix de ce marché sont élevés et les conditions sévères. Surtout quand le créancier sait qu’il donne à fonds perdus, pour ainsi dire, les fonds n’étant pas destinés à des projets productifs et rentables mais à payer d’autres dettes. Si on doit encore émettre des bons du Trésor en dollars, autant laisser la préférence à nos nationaux et émettre donc des bons du Trésor en livres libanaises. Parce qu’à ce problème complexe s’ajoute une dimension socio-humaine: les Libanais qui ont placé leurs petites économies en bons du Trésor, que vont-ils en faire quand on leur aura remboursé le capital de leur prêt à l’Etat? Surtout si on devait dévaluer la livre, pour éponger la dette intérieure à bon compte, ce qui entraînerait cependant une forte inflation et probablement des troubles sociaux. Ceci si jamais, répétons-le, M. Hariri arrive à trouver effectivement les deux milliards souhaités…».
Un doute qui a priori n’a pas lieu d’être car l’entregent du chef du gouvernement, son crédit à l’étranger lui permet certainement de trouver une telle somme sans difficulté. La vraie question reste de savoir si en parvenant à reporter les échéances grâce aux deux milliards de dollars on ne va pas hypothéquer gravement l’avenir financier du pays. L’emprunt permettrait, au niveau des ponctions fiscales initialement projetées, de s’en passer pour un an. Mais après?

Ph.A-A.
Selon un ministre chrétien de premier plan, détenteur de l’un de ces portefeuilles que l’on dit «de services», l’accord-cadre conclu à Baabda par les membres de la troïka présidentielle «mérite certes qu’on s’y arrête, qu’on l’étudie à fond et à tête reposée… mais n’apporte aucune solution à la crise socio-économique ambiante. Il n’offre qu’un...