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Actualités - CHRONOLOGIE

L'affaire de la MEA : un enchevêtrement financier quasiment inextricable

C’est en principe aujourd’hui que le chef de la brigade criminelle, le brigadier Béchara Salem, prendra connaissance des rapports établis par le président du conseil d’administration de la MEA, M. Khaled Salam, et le directeur général de la compagnie, M. Youssef Lahoud, au sujet de l’affaire de la location par la Singapore Airlines de trois appareils Airbus à la MEA, en juin dernier. Les rapports devraient élucider les conditions et les circonstances dans lesquelles a été conclu le marché entre les deux compagnies, notamment pour ce qui a trait au prix auquel les trois avions ont été loués à la MEA.
Le prix en question paraît particulièrement excessif du fait que le montant global de la location des trois appareils, pour une période de cinq ans, s’élève à près de 39 millions de dollars alors que le coût global de ces mêmes appareils (usagés) est estimé à moins de 45 millions de dollars. Par ailleurs — et c’est à ce niveau que l’affaire se complique — les trois avions loués à la MEA (en date du 4 juin 1997) ont été rachetés le 31 juillet dernier par la Singapore Aircraft Leasing Enterprise (S.A.L.E.).
Selon certaines informations non confirmées, la S.A.L.E. posséderait une filiale, la «Singapore Mauritius», au sein de laquelle l’un des (très) proches parents d’un haut responsable de la MEA aurait une importante participation. C’est à ce niveau qu’il y aurait anguille sous roche. «L’Orient-Le Jour» a contacté tard dans la soirée d’hier le siège central de la Singapore Aircraft Leasing Enterprise, à Singapour, afin de confirmer cette information. Le directeur général de la S.A.L.E., M. John Willingham, n’a pu cependant être joint.
A la lumière des zones d’ombre apparues dans cette affaire, et compte tenu du prix excessif de la location des trois Airbus, la Banque centrale (qui est le principal actionnaire de la MEA) a demandé au Parquet d’entamer une procédure judiciaire pour déterminer dans quelle mesure des commissions ont été versées (et à qui) en vue de paver la voie au marché entre la MEA et la Singapore Airlines.
Le chef de la brigade criminelle avait entendu lundi dernier, dans le cadre de l’enquête préliminaire, le PDG et le directeur général de la MEA ainsi que M. Marwan Fouad Bardawil, qui a été placé en garde à vue. Il est soupçonné d’avoir encaissé des commissions. Les premières informations rapportées par des sources locales au sujet de cette affaire affirmaient que M. Marwan Bardawil était le représentant de la Singapore Airlines au Moyen-Orient, et que son père, Fouad Bardawil (qui possède une importante société basée à Dubaï), aurait joué un rôle de premier plan dans les négociations entre la MEA et la Singapore Airlines.
Ces indications ont été catégoriquement démenties hier soir par l’avocat des Bardawil, Me Joe Khoury-Hélou. Ce dernier a précisé à ce sujet que les Bardawil, qui possèdent la société Bardawil Aviation, ne sont nullement les agents ou les représentants de la Singapore Airlines et qu’ils n’ont été impliqués ni de près ni de loin dans le contrat de location des trois Airbus à la MEA.
Me Khoury-Hélou indique sur ce plan que la Bardawil Aviation (qui est une société off-shore opérant en dehors du Liban) est le représentant de la société américaine Boullion Aviation Services Inc. qui appartient entièrement à la banque japonaise Sumitomo Bank and Trust. La Boullion Aviation Services Inc. est actionnaire dans la Singapore Aircraft Leasing Enterprise (qui a racheté les trois Airbus loués par la Singapore Airlines à la MEA).
Me Khoury-Hélou souligne ainsi que la Bardawil Aviation n’est dans cette affaire que le représentant de l’un des actionnaires de la Singapore Aircraft Leasing Enterprise, et que, par conséquent, les Bardawil n’ont pas été impliqués eux-mêmes dans le marché conclu entre la MEA et la Singapore Airlines, ni dans la vente des avions à la Singapore Aircraft Leasing Enterprise.
Cette version des faits a été confirmée dans une lettre adressée par le directeur de cette dernière société (la S.A.L.E.) au procureur général à Beyrouth. Dans sa note, le directeur de la S.A.L.E., M. Willingham, affirme que le contrat de location des trois Airbus a été négocié «directement» entre la MEA et la Singapore Airlines et que les Bardawil n’ont pas été impliqués dans le rachat des appareils par la S.A.L.E.
Cet enchevêtrement financier quasiment inextricable ne fait qu’aggraver encore davantage, du fait de ses multiples retombées, la profonde crise dans laquelle se débat la MEA depuis plusieurs années. Une crise rendue encore plus complexe par la lutte d’influence que se sont livrée les principaux pôles du pouvoir afin de contrôler la compagnie. Sans compter le clientélisme de certaines fractions qui ont pratiquement imposé à la MEA d’embaucher un grand nombre d’employés (près du quart des effectifs actuels de la compagnie) qui sont totalement improductifs et dont la masse salariale n’a fait qu’accroître les pertes sèches subies par la MEA ces dernières années.
C’est en principe aujourd’hui que le chef de la brigade criminelle, le brigadier Béchara Salem, prendra connaissance des rapports établis par le président du conseil d’administration de la MEA, M. Khaled Salam, et le directeur général de la compagnie, M. Youssef Lahoud, au sujet de l’affaire de la location par la Singapore Airlines de trois appareils Airbus à la MEA, en...