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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Deuxième journée du Refresher Program de l'UCIP Le Liban des libertés, un modèle à défendre (photo)

S’il n’y avait qu’une vérité à retenir des débats de la session de formation de l’Union catholique internationale de la presse (UCIP) qui se tient depuis lundi à l’auditorium du couvent de la Croix, sur le thème «éthique et liberté de l’information», ce serait de constater combien le Liban est encore privilégié, par rapport à d’autres pays, en ce qui concerne l’exercice de la liberté d’expression, notamment religieuse.
Une seconde vérité serait que cette libe rté est le fruit d’une lutte qui s’est étendue sur des générations, et que nous récoltons aujourd’hui là où d’autres ont semé. Il en découle que le moindre des devoirs de solidarité envers les générations montantes, serait de préserver, à leur usage, la liberté dont notre génération a bénéficié, malgré les obstacles inévitables, puisque la liberté est une conquête incessante, une bataille jamais finie.
Organisé en étroite coopération par le Centre catholique d’information et l’UCIP, le «refresher program», auquel participent une cinquantaine de journalistes du monde entier, a poursuivi donc ses travaux hier, pour la seconde journée consécutive. Au programme, deux sessions matinales dirigées, respectivement, par le P. Camille Zeidan, secrétaire général de la commission épiscopale pour les écoles catholiques et M. Jean Sacre, professeur à l’UL.
Trois conférences complémentaires ont aidé les participants à se faire une idée de l’état de la liberté de publication et d’information religieuse, au Liban et dans le monde arabe. C’est ainsi que M. Joseph Khoreiche et Adib Salamé ont exposé la situation de l’information au Liban et en Egypte. Une troisième conférence, celle du P. Camille Hechaïmé, a porté sur l’information chrétienne dans le reste des pays arabes.
Avec une cinquantaine de publications de divers ordres, une station de télévision et une autre de radio, l’Eglise au Liban est — non sans combats —, dans une situation privilégiée, si on la compare avec celles des églises présentes dans d’autres pays arabes. Dans ces pays (Syrie, Jordanie, Soudan, Irak, Palestine), le pourcentage de chrétiens, par rapport au reste de la population du pays, se situe au mieux autour de 8%, et une situation de minoritaire, des possibilités financières réduites et des restrictions administratives et politiques, entravent la liberté d’expression et de communication.
La situation de l’Egypte est, elle, bien meilleure, mais reste sans comparaison avec ce qu’elle est au Liban. Toujours est-il que l’Eglise en Egypte jouit d’une liberté totale d’édition et de diffusion du livre religieux, sans autorisation préalable. Toutefois, la plupart des périodiques publiés appuient uniquement sur l’aspect spirituel et scripturaire, et laissent de côté les problèmes d’actualité, fut-elle scientifique, ainsi que les études historiques.
Trois exposés, du Rev. Ghassan Khalaf du Dr Waël Kheir et du rédacteur en chef de «L’Orient-Le Jour», Issa Goraieb, ont jeté pour leur part la lumière sur des aspects très particuliers de la liberté d’expression.
En choisissant le thème de «la liberté et de l’apostolat chez Saint Paul», le Rev. Khalaf se limite en apparence à un sujet purement religieux. Mais parlant de la liberté du chrétien à l’égard du péché, née d’une relation personnelle avec le Christ, il va en arriver à parler d’une liberté au service de la charité, fondée sur elle et débouchant nécessairement sur un apostolat social. Dr Waël Kheir parlera, lui, de la liberté et du respect de l’autre.

Goraieb: Le devoir
d’humilité

C’est un éclairage plus pragmatique qu’en journaliste de carrière, Issa Goraieb va jeter sur l’exercice de la liberté d’informer et l’éthique du métier. En politique, va-t-il montrer, il serait vain de parler de vérité absolue ou de liberté totale. L’une et l’autre de ces deux valeurs restent conditionnées par un temps et un espace particuliers, des cultures, des régimes politiques, des croyances religieuses différentes. Comme aussi par les limites mêmes de la raison, voire des conditionnements physiques qui, en altérant la perception de l’homme, faussent ses conclusions sur ce qu’est la réalité perçue.
Au vu de tout ce qui est de nature à relativiser la vérité, Issa Goraieb va tirer deux leçons essentielles. «Face à tant d’inconnues, dira-t-il, confrontés que nous sommes à autant d’éléments impalpables, ce sont deux devoirs qui s’imposent à nous. Le premier est le devoir d’humilité: connaissons donc nos limites. Et nul ne détenant finalement la vérité absolue sachons, dans nos jugements, manier toutes ces nuances que commande l’honnêteté la plus élémentaire. Peut-être bien que la liberté et la vérité ne sont nulle part. Dès lors, que notre poursuite de ces idéaux ne nous amène point, par nos démarches trop péremptoires, à en trahir l’essence même.
«Pour nous, professionnels de l’information, une telle astreinte est, j’en conviens, des plus frustrantes: nous nous voulons — un peu pompeusement, il faut en convenir — redresseurs de torts, pourfendeurs de vilains, défenseurs du faible et de l’opprimé. D’accord, un peu de modestie ne ferait pas de mal, mais qu’avons-nous en face? Une propagande étatique dont la vocation naturelle est précisément d’embellir les choses, de maquiller les travers: en un mot, et bien souvent, de mentir. C’est la démocratie qu’invoquent sans ciller les officiels, par exemple, à propos d’élections battant tous les records d’irrégularité, à l’ombre d’institutions politiques grippées en permanence; il en va de même pour le prétendu règne de la justice, dans un pays où seule la conformité politique tient lieu d’immunité, en cas de scandales financiers ou de méfaits encore plus graves. Que dire enfin de la fiction de l’indépendance qui vient de donner lieu, cette année encore, à des célébrations aussi tapageuses qu’incongrues, là où il eut fallu faire preuve de décence, de dignité.
«Compte tenu de tout ce qui précède, et en particulier dans un pays comme le Liban, le deuxième de ces devoirs — on l’aura sans doute deviné — est celui de tolérance. Tout comme les individus, les groupes communautaires arborent chacun sa vérité; et pour prêcher celle-ci, ils revendiquent parfois une liberté qui déborde sur celle des autres groupes. Or, nous avertit Alexandre Arnoux, la vérité, frappée d’un éclairage intolérant et d’une intensité partiale, devient mensonge. Pour faire ou refaire un pays, il existe tout de même de meilleurs modèles que la Tour de Babel».

Témoignages

Des témoignages de participants venus de Malaisie et du Nigéria viendront souligner combien la lutte pour la liberté d’expression et en particulier l’expression de la foi, est chose difficile. Fady Noun, pour sa part, témoignera des principes qui guident son travail de journaliste chrétien, en les présentant ainsi:
— «Eclairer le lecteur, l’aider à comprendre la situation qui se présente, à l’interpréter. La confusion, le manque de transparence, sont les ennemis de tout esprit, et combien plus de celui d’un journaliste, c’est à dire d’un homme qui assume des responsabilités à l’égard de l’actualité et de l’opinion. Objectivité: le journaliste doit s’efforcer d’être l’historien de l’instant, et faire preuve, quand cela est possible, de toute la rigueur d’un historien.
— «Défendre la cause de la justice. Sur le plan social et politique, dénoncer ce qui est injuste, faux. En définitive, la justice, les libertés, sont meilleures garantes de la stabilité sociale que tout système répressif.
— «Déjouer les pièges des idéologies, tout ce qui subordonne l’homme à un système de pensée, tout ce qui ne fait pas de l’homme, dans sa plénitude humaine et spirituelle, sa route, comme le veut Vatican II.
— «Purification de la mémoire. Faire la vérité. Regarder les choses en face. Dénoncer tout ce qui, dans la vie nationale, comme dans notre vie d’Eglise, a été incompatible avec les valeurs chrétiennes.
— «Des raisons d’espérer. Le journaliste est un guetteur. Guetter dans l’actualité ce qui est, ou peut constituer, une raison d’espérer. Offrir à ce qui broie la personne, la résistance de l’esprit.
Rebecca Abounader, pour sa part, témoignera de l’impossibilité de dissocier liberté et médias. Joseph Faddoul parlera, lui, de son métier de photographe de presse, et de la première photographie du monde, l’image du linceul de Turin.
Un déjeuner dans le vieux Zouk et une visite de la grotte de Jeïta ponctueront par ailleurs la journée, qui sera clôturée par une rencontre au siège de l’ordre de la presse.
S’il n’y avait qu’une vérité à retenir des débats de la session de formation de l’Union catholique internationale de la presse (UCIP) qui se tient depuis lundi à l’auditorium du couvent de la Croix, sur le thème «éthique et liberté de l’information», ce serait de constater combien le Liban est encore privilégié, par rapport à d’autres pays, en ce qui...