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Actualités - ANALYSE

Une gestation difficile : l'état des institutions...

Cet Etat des institutions, dont les dirigeants se font les chantres depuis tant d’années sans rien faire pour le mettre sur pied, doit se fonder sur des organismes qui accomplissent leur tâche à la perfection. Il en existe déjà l’armée et la Banque centrale entre autres, mais leur apport se ressent des dérapages multiples, parfois très graves, enregistrés dans d’autres secteurs ainsi qu’au niveau de la direction politique. Il est évident que les différentes structures doivent être complémentaires, même si le lien professionnel qui les rattache n’est pas très visible. Autrement dit, leur effort doit tendre vers un même but, suivant une politique tracée par le pouvoir politique. C’est en servant l’Etat qu’on le crée. Et c’est en parlant plutôt qu’en agissant qu’on le dessert. Il faut donc serrer tous les boulons pour que les roues de l’autorité d’Etat, cet autre vocable de souveraineté, cessent de flageoler.
Or, aujourd’hui, répétons-le, ce sont deux institutions, l’armée et la Banque centrale, que les autorités, sans fausse honte, mobilisent pour couvrir leurs bévues, leurs défaillances et leurs bêtises, car on ne peut qualifier autrement les disputes puériles qui caractérisent depuis toujours le régime de la troïka. Ainsi l’armée a été chargée de défendre l’autorité du gouvernement, ne disons pas de l’Etat ou de la loi, dans la région de Baalbeck-Hermel qui commençait à échapper dangereusement à son contrôle. Quant à la Banque centrale, elle est régulièrement mise à contribution pour protéger la livre contre les attaques des spéculateurs stimulés par les querelles des dirigeants, source d’instabilité et de perte de confiance générale dans le système en place.
Mais qu’aurait-on fait si l’armée, que la guerre avait déchirée, n’avait pas su panser ses plaies elle-même, se rétablir et devenir encore meilleure qu’avant, plus soudée, plus disciplinée, plus entraînée, plus «fusionnée», plus panachée confessionnellement au niveau des régiments, plus nationale en un mot?… Qu’aurait-on fait si elle n’était pas capable d’imposer l’ordre, de réprimer sans état d’âme les troubles là où ils se manifestent mais aussi — vertu républicaine capitale — d’obéir au pouvoir politique, quoi qu’elle puisse en penser… Qu’aurait-on fait si son commandement ne s’était pas avisé de la réformer une fois pour toutes pour supprimer les anciennes doubles allégeances — qui avaient provoqué son éclatement comme celui de la patrie durant la guerre —, au profit d’une loyauté à toute épreuve au seul drapeau national?… Comment le haut fait d’armes d’Ansarieh aurait-il été possible et comment aurait-on pu pacifier Baalbeck-Hermel qui s’acheminait tout droit vers la scission?…

Divisions ineptes

Vilipendés de tous côtés, les responsables ont trouvé moyen de se diviser même au sujet de l’attitude à adopter face à leurs contempteurs et aux rebelles! Les ministres se sont vu interdire l’accès de Baalbeck-Hermel, les députés confrontés à l’installation par Toufayli d’une assemblée «rivale», le «Conseil des notables» de cette région et certains d’entre eux ont voulu réagir en «fraternisant» avec la subversion, tandis que d’autres, versant dans l’excès contraire, voulaient la liquider au besoin dans le sang! C’est au titre du «compromis», pour une fois bienvenu que le bon sens a prévalu et qu’on s’est tourné vers le seul recours sensé possible, l’armée. Elle a donc été chargée de reprendre en main Baalbeck-Hermel, pour une période de trois mois, renouvelable au besoin. Et dès son entrée en lice, le jeu s’est calmé, l’effervescence populaire est tombée et la «révolte des affamés», cette manifeste manipulation politique, redevient une simple revendication sociale.
Le fait est que si le pouvoir était politiquement solide, entendre s’il se fondait sur un gouvernement comme sur une politique de véritable entente nationale, jamais personne n’aurait pu exploiter les difficultés socio-économiques du pays, ou d’une région déterminée, pour la double bonne raison qu’elles auraient été moins accentuées, moins graves, et qu’on aurait pu les traiter à partir des mécanismes publics civils. Car c’est aussi bien le manque de confiance dans un Etat qui cultive les discriminations que sa mauvaise gestion financière, pour ne pas dire la corruption, qui alimentent la crise économique et sociale. Le regretté Pierre Eddé, prié de dire, sous le mandat d’Amine Gemayel, s’il accepterait d’être ministre avait répondu en substance qu’il refuserait tant que l’Etat n’étendait pas son autorité sur l’ensemble du territoire et que les décisions du gouvernement n’étaient appliquées que dans une partie du pays. On peut ajouter une autre évidence: l’Etat n’existe pas vraiment quand la loi n’est pas la même pour tous. Or c’est par ce fait distinctif que la présente république s’est illustrée, comme on l’a vu entre autres exemples — ne parlons pas des quittances… — dans la loi organisant les dernières législatives, condamnée par le Conseil constitutionnel et pourtant maintenue par un pouvoir qui ne respecte rien d’autre que ses intérêts.

E.K.
Cet Etat des institutions, dont les dirigeants se font les chantres depuis tant d’années sans rien faire pour le mettre sur pied, doit se fonder sur des organismes qui accomplissent leur tâche à la perfection. Il en existe déjà l’armée et la Banque centrale entre autres, mais leur apport se ressent des dérapages multiples, parfois très graves, enregistrés dans d’autres...