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Actualités - ANALYSE

Une étrange innovation taëfiste : des pourparlers officiels entre l'état et lui-même !

On dirait deux parties venant d’horizons différents, voire opposés: c’est une véritable équipe de négociation que le Législatif et l’Exécutif ont chacun formé de son côté pour engager entre eux «le dialogue des institutions» comme les loyalistes se plaisent à l’appeler. Le président Nabih Berry est ainsi assisté du président de la commission parlementaire des Finances et du budget M. Khalil Hraoui entouré des députés Anouar el-Khalil et Mohammed Youssef Beydoun; tandis que le président Rafic Hariri est soutenu par le ministre délégué aux Finances M. Fouad Siniora et par le ministre de l’Economie M. Yassine Jaber…
Les deux parties (nous allions écrire «les deux pays» par réflexe automatique puisqu’il s’agit de pourparlers bilatéraux), sont parvenues au bout de plusieurs réunions, comme le veulent la coutume et la langue de bois habituelle, à la conclusion qu’il faut «élaborer un document de travail». On y incluerait les points sur lesquels un accord a pu être réalisé ainsi qu’une méthode, un plan commun pour le traitement de «la situation», délicat euphémisme par lequel les responsables désignent la crise aiguë qui secoue le pays social.
L’enfer, dit-on, est pavé de bonnes intentions et c’est avec lyrisme que M. Hariri se félicite de l’harmonie retrouvée, de la coopération entre les pouvoirs comme si cela ne devait pas aller de soi. Il reconnaît cependant au passage, lui l’éternel optimiste pour qui généralement «ça marche» comme il dit, que «les circonstances sont difficiles». Il réaffirme ensuite sa détermination à maintenir l’arc de la concertation bien tendu «pour sortir de la situation» (encore!)
A ce battage médiatique sur le thème (candide) du «tout va entre nous pour le mieux dans le meilleur des mondes», l’opposition, toujours grognon par définition même, répond par un scepticisme accru.

Critiques acerbes

Elle refuse de croire à la lune de miel et l’un de ses pôles parlementaires soutient que «tout cela n’est que poudre aux yeux, fuite en avant et tentative de gagner du temps. Si M. Hariri se montre aussi enthousiaste, s’il est le seul à s’exalter ainsi sur les bienfaits de la coopération c’est qu’effectivement il en serait l’unique bénéficiaire. Son opération de séduction vise à désamorcer toute levée de boucliers place de l’Etoile contre sa politique financière, à l’occasion du débat sur le budget. Paradoxalement, s’il devait réussir les retombées risqueraient d’être explosives au niveau de l’opinion, voire de la rue. Car on voit mal comment les Libanais peuvent avaler l’amère pilule des surtaxations et de la cherté qui leur sont promises à travers le relèvement des chiffres du barème numéro neuf qui organise les ponctions fiscales sur les produits importés ou à travers la brutale flambée de la taxe mécanique. Les députés sont le dernier rempart du social et s’ils ne font pas barrage aux vues gouvernementales ce n’est pas un Toufayli que nous aurions mais dix, mais cent, mais mille car l’appauvrissement sévirait partout…»
Et de critiquer ensuite «cet écran de fumée qui consiste à mettre avant tout l’accent à l’unisson sur la corruption de l’Administration et sur les immixtions politiciennes à ce niveau. Il y a là une dérive, une déviation des priorités et des urgences car le Libanais veut surtout entendre parler chiffres, ce qui est bien normal quand c’est le budget qui est en examen. Et il y a aussi, au niveau du problème évoqué — pour secondaire qu’il soit actuellement —, une stupéfiante dénonciation de diversion: ces immixtions politiciennes à qui les imputer si ce n’est aux gens du pouvoir, aux ministres et aux députés… Peut-on oublier que dans un élan de sincérité resté orphelin M. Berry a naguère avoué lui-même que la troïka couvrait des magouilles, des affaires de corruption et de concussion… Peut-on oublier aussi les révélations télévisées du ministre Walid Joumblatt sur les jolies petites affaires de la république des camarades… Peut-on enfin ignorer que c’est justement M. Hariri qui bloque actuellement, par une flagrante immixtion d’influence, le mouvement diplomatique au ministère des A.E.…»
Ce député note ensuite que «la population en a assez, sept ans après l’arrêt des hostilités, d’entendre les gestionnaires au pouvoir lui déclarer tranquillement que ses difficultés sont dues à la guerre. Surtout que plus on avance dans le temps plus on recule dans l’espace économique. De mois en mois, d’année en année, la facture ne cesse de s’alourdir, alors que le travail des responsables c’est justement de veiller à ce que cela soit le contraire. En 1952, par exemple, l’Allemagne était reconstruite, redevenue prospère, et le Japon avait recouvré une solide santé économique».
Ph.A-A.
On dirait deux parties venant d’horizons différents, voire opposés: c’est une véritable équipe de négociation que le Législatif et l’Exécutif ont chacun formé de son côté pour engager entre eux «le dialogue des institutions» comme les loyalistes se plaisent à l’appeler. Le président Nabih Berry est ainsi assisté du président de la commission parlementaire des...