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Actualités - REPORTAGE

A l'issue d'une bataille serrée dans laquelle les partis n'ont pas eu le dernier mot Antoine Klimos élu nouveau bâtonnier des avocats de Beyrouth (photo)

«Vive l’Ordre des avocats pour que vive le Liban!», son premier discours de bâtonnier, M. Antoine Klimos l’a soigneusement préparé tout au long de la soirée de samedi, comme s’il était déjà sûr de remporter la victoire. Pourtant, quelques minutes avant l’annonce des résultats, en ce dimanche mouvementé au palais de justice, le suspense était encore total tant la bataille était serrée entre les cinq candidats au poste de bâtonnier.

Les 3775 électeurs inscrits et les candidats appartenant généralement tous aux rangs de l’opposition dite chrétienne, la bataille s’est jouée à coups de rumeurs, de décisions et de contre-décisions, montrant l’ampleur des dissensions dans les rangs de ceux qui, il y a deux ans, s’étaient unis pour faire barrage au candidat du pouvoir et porter Me Chakib Cortbawi à la tête de l’Ordre des avocats. A cette époque toutefois l’enjeu était différent et les candidats avaient des programmes clairs.
Hier donc, cinq avocats de renom se sont disputés le titre de bâtonnier: Antoine Klimos, maronite membre du Bloc national, Zaghloul Attiyé, grec-orthodoxe, proche du Bloc national; Emile Najm, maronite, membre du PNL, Michel Liane, grec-catholique de Zahlé, ancien membre du Tanzim et Raymond Chédid, maronite, beau frère de l’ancien bâtonnier Issam Karam, appuyé officiellement par le courant aouniste et par les FL.
Mes Raymond Chédid et Emile Najm ayant été éliminés au premier tour, commençaient tractations et rencontres (en principe secrètes) dans les coulisses de l’immense salle des pas perdus devenue véritable arène électorale.
Dans une salle de tribunal transformée en QG aouniste, MM. Youssef Saadallah Khoury, Nadim Lteyf, Joseph Jreïssaty et Fouad Aoun se sont réunis pour choisir leur candidat du second tour à la place de Raymond Chédid. Selon M. Lteyf, lui-même avocat, les quatre représentants du courant aouniste ont pris la décision seuls, sans consulter le général et ils ont décidé d’appuyer Michel Liane, qui, toujours selon M. Lteyf, a un passé «honorable» et correspond aux critères établis par Michel Aoun.
Réunis dans une autre salle, les avocats proches des FL dissoutes ont eux aussi opté pour M. Liane, alors que les partisans du Bloc national étaient divisés entre les candidats Klimos et Attiyé. Selon certaines sources, le «Amid» Raymond Eddé aurait même contacté dans la matinée le bâtonnier sortant, Me Chakib Cortbawi (lui aussi membre du Bloc national), pour lui demander d’éviter que deux candidats proches de son parti ne s’affrontent au deuxième tour; autrement dit, de faire en sorte que l’un se désiste en faveur de l’autre. Effectivement, le bâtonnier Cortbawi a réuni MM. Klimos et Attiyé pour leur demander de s’entendre sur une formule qui leur éviterait de s’affronter «en finale». Mais il n’a visiblement pas réussi à les convaincre, d’autant qu’au premier tour, l’écart entre les deux hommes était de 50 voix (1408 pour Klimos, 1359 pour Attiyé). M. Attiyé croyait donc avoir encore toutes ses chances. De plus, il lui était difficile de se désister une nouvelle fois, l’ayant déjà fait en 1995, en faveur de Cortbawi.
Pendant la pause entre les deux tours, les pronostics allaient bon train et M. Liane était donné favori, puisqu’il devait bénéficier des 400 voix aounistes, alors que Klimos et Attiyé étaient censés se partager le même électorat. Toutefois, surprise de dernière minute, Mme Sethrida Geagea a demandé aux quelque 200 avocats partisans des FL de voter pour M. Klimos, se désolidarisant ainsi des aounistes. Le PNL, par contre, a laissé la liberté de décision à ses 200 avocats.
Le second tour a débuté vers 14 heures alors que le flou était encore total. Pour discréditer leurs rivaux, certains candidats faisaient circuler des rumeurs sur des interventions du pouvoir en leur faveur. Finalement, vers 15h30, alors que le dépouillement des voix était presque achevé, les partisans de M. Klimos laissaient éclater leur joie.

Volonté d’indépendance

A 16h, M. Cortbawi — qui jouit au dernier jour de son mandat, d’une popularité encore plus grande que lors de son élection- a pris le micro pour annoncer la victoire d’Antoine Klimos avec 1054 voix. Zaghloul Attiyé a obtenu 885 voix et Michel Liane 792. C’est dire que ces élections ont montré une volonté d’indépendance chez les avocats qui n’ont pas vraiment tenu compte des mots d’ordre des partis, préférant faire eux-mêmes leur choix. En tout cas, que les 400 avocats aounistes aient tous voté Liane ou non, le courant aouniste ne sort pas victorieux de la bataille. Les avocats FL, eux, ont pris le train du vainqueur à la dernière minute, alors que le PNL et le Bloc national n’ont pas voté comme un seul homme. Certains observateurs ont estimé que faute de faire un choix politique, les avocats ont opté pour le candidat maronite...
Le nouveau bâtonnier doit certainement sa victoire à son parti, mais aussi à ses amitiés personnelles au sein du barreau et surtout à l’absence d’enjeu politique.
En effet, après les discours répétés du bâtonnier sortant appelant au respect des droits de l’homme et des libertés, et militant pour «une décision libanaise libre», il est difficile à son successeur de tenir un discours plus conciliant.
D’ailleurs, Cortbawi a continué jusqu’au bout à définir les principes qui doivent dicter l’action du bâtonnier. A l’ouverture de l’assemblée générale qui a précédé les élections, il a réaffirmé une nouvelle fois ses convictions. Trois avocats ont d’abord pris la parole pour faire son éloge et l’un d’eux, Me Hekmat Dib, a déclaré qu’il aurait sans hésiter demandé la prorogation du mandat de Cortbawi, s’il n’était pas opposé à ce principe. Me Ibrahim Awada a critiqué le bâtonnier sortant, regrettant de n’avoir pas souvent entendu à Beyrouth son appui à la résistance. Et Cortbawi a répondu: «La résistance ne se limite pas à des mots. Elle est inscrite dans nos coeurs et elle va de pair avec la décision libre».
En fin d’après-midi, avant de donner le micro au vainqueur, il a rappelé que l’Ordre des avocats est ouvert à tous et qu’il doit rester le bastion des libertés et le défenseur de l’indépendance du Liban. «l’Ordre des avocats nous appartient, à tous, et nous sommes tous avec le nouveau bâtonnier», a-t-il déclaré avant de donner la parole aux candidats malheureux, Zaghloul Attiyé et Michel Liane qui ont tenu à féliciter le vainqueur.
M. Klimos a ensuite pris la parole et dans son premier discours, il a tenu des propos de rassembleur, promettant de défendre les valeurs de liberté et d’indépendance et affirmant que l’Ordre demeurera le bastion des droits de l’homme. «Je m’engage à protéger l’Ordre des avocats de toutes les ingérences et je vous promets que je ne serai pas un faux témoin face aux injustices dont seraient victimes les Libanais, quels qu’ils soient...Je compte sur votre appui pour réaliser nos objectifs», a-t-il conclu.
Beaucoup de promesses et de belles paroles. Beaucoup d’émotion aussi. Reste à savoir si le nouveau bâtonnier continuera à tenir le même langage et saura, comme son prédécesseur, refuser les avances et les pressions de tous ceux qui ne veulent pas d’un Ordre des avocats puissant et fervent défenseur du droit.

Scarlett HADDAD
«Vive l’Ordre des avocats pour que vive le Liban!», son premier discours de bâtonnier, M. Antoine Klimos l’a soigneusement préparé tout au long de la soirée de samedi, comme s’il était déjà sûr de remporter la victoire. Pourtant, quelques minutes avant l’annonce des résultats, en ce dimanche mouvementé au palais de justice, le suspense était encore total tant la...