Pan Pan Traumas

A trois ans, sa mère-grand l’appelait Hilarion. Rien à voir avec Cappucci le mitré mitrailleur qui cachait des Kalachs dans sa calèche.
Hilarion car sous ses boucles blondes, ce bon petit diable potelé riait du matin au soir comme si le monde n’était qu’une vaste blague. Et du soir au matin souriait dans son sommeil rose aux anges bleus du rêve et de l’inanité des choses.
C’est à trois ans aussi que cet Hilarion-là qui avait tout compris s’est montré un homme. Un matin d’otite sévère on l’avait trouvé rencogné entre la biblio et le mur, assis ses gambettes calmées devant lui, balançant le tronc, une larme silencieuse la même depuis combien de temps coulant sur sa joue pâlie. Sans un sanglot, sans un cri, sans un appel, sans une plainte, sans un gémissement et c’est la maman qui s’est mise à hoqueter.

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Trois ans plus tard, même retrait. Cette fois c’étaient la terreur et les bombes. Dans son coin, une petite natte, quelques contes illustrés à gros caractères, un Cubicube, de Rubik, un sac de billes qu’on faisait doucement tinter quatre cinq fois par jour pour que mamy apporte la tartine, le baiser au front pour voir si par hasard on ne lui faisait pas un peu de fièvre, l’étreinte qui sentait le savon citron et le soupir mon pauvre petit tu vois, tu vois…
Il voyait mais cette fois, pour être franc, il ne comprenait pas. Sauf que c’était fini de rire, têta pardon ne m’appelle plus ton Hilarion.
Je l’ai revu hier ce jeune professeur, plus que jamais sérieux comme un pape. On a parlé un peu, la gare routière, après l’AUB. J’ai dit c’est rien, j’ai dit c’est dur…
Et en s’éloignant il m’a lancé: tu vois tonton on a beau faire, on se retrouve toujours comme avant. Dos au mur.

J.I.