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Actualités - ANALYSE

La révision de Taëf, une nécessité aussi évidente qu'évitée..

Les politiciens en conviennent maintenant volontiers, car l’opinion publique et l’électorat sont entièrement de cet avis: Taëf ayant rempli sa mission principale — mettre fin à la guerre — doit être modifié en profondeur, si on veut qu’il serve aussi de pacte politique. Sans quoi on n’aurait fait qu’ajouter aux causes internes de la guerre un nombre effarant de nouveaux clivages, dont les uns résultent des hostilités passées et les autres de l’application tronquée du traité dit de l’entente nationale.
En réalité il aurait fallu à la barre de grands hommes d’Etat pour donner une bonne interprétation concrète d’une partition très mal écrite. En effet sous couvert de le partager équitablement, la Constitution issue de Taëf a miné le pouvoir, l’a ligoté dans un tissu de contradictions, de vetos mutuels et l’a pour ainsi dire forcé à violer le cadre institutionnel pour s’exprimer à travers la troïka. Une aberration totale qui fait que nul ne peut vraiment régler ou trancher un conflit en fonction de l’intérêt public. En effet si Damas joue régulièrement les réconciliateurs, il n’assume évidemment pas la régulation ou la solution des problèmes posés qui restent du ressort exclusif des Libanais. Et comme aucun des leaders concernés ne veut accepter la formule de l’autre, le règlement consiste la plupart du temps à ne rien régler, à «geler les questions litigieuses», ce qui par accumulation a finalement conduit le pays au bord de la ruine, aussi bien politique que socio-économique.
Ainsi, dans ce système de blocage permanent, ni le chef de l’Etat ne peut dissoudre la Chambre si l’intérêt national l’exige, ni le chef du gouvernement ne peut former une équipe cohérente, ni le Parlement ne peut faire tomber un Cabinet jugé défaillant ou empêcher son propre chef d’agir en son nom… de son propre chef!
De la sorte, les pouvoirs des institutions se retrouvent aux mains de trois hommes. Si cela se justifie pour le président de la République, qui est forcément seul dans son créneau, il n’ y a aucune raison pour que le président de la Chambre et le chef du gouvernement accaparent les prérogatives de ces deux institutions qui embrigadent beaucoup de membres, députés ou ministres.

Alliance

Toujours est-il qu’en pratique ces trois dirigeants sont censés constituer entre eux, au titre de la coordination des pouvoirs qu’ils monopolisent de fait, une coalition devant tenir lieu d’entente entre les fractions libanaises. Or cet assemblage est rarement réalisé et la plupart du temps, la République est encore plus disloquée que sous un régime de partis antagonistes qui ne parviendraient pas à s’entendre pour former une majorité de pouvoir. Il n’y a pas de substitut, pas de palliatif et du moment que les trois ne veulent pas réaliser qu’ils sont condamnés à s’entendre pour que le pays marche, il devient impératif de revoir le système à la base, c’est-à-dire de modifier radicalement Taëf. La Constitution qui en est issue est si incroyablement mal composée qu’elle ne prévoit rien, par exemple, pour le cas où le chef de l’Etat et le président du Conseil pressenti n’arrivent pas à se mettre d’accord pour la formation d’un nouveau gouvernement. D’ailleurs, presque partout et dans toutes les périodes de l’Histoire, en démocratie comme dans les Etats totalitaires, les triumvirats ont échoué. Il est en effet logiquement anormal qu’un corps ait plus d’une tête. Il faut donc se résoudre à remettre les clés du pouvoir, du moins exécutif, à un seul homme, que ce soit le président de la République ou le président du Conseil.
Il est vain de revenir sur le passé, mais enfin à Taëf, outre les pressions internationales, les députés étaient pressés de mettre fin à la guerre, ce qui est tout à leur honneur. Moins noblement peut-être, certains étaient prêts à toutes les concessions parce qu’ils voulaient être candidats à la présidence de la République. D’autres souhaitaient pouvoir enfin rentrer chez eux, parce qu’ils étaient interdits de séjour dans leur région d’origine. Bref, à Taëf, on a tout bâclé, surtout faut-il le rappeler, du côté chrétien. Le prix à payer s’est révélé en définitive beaucoup plus lourd que prévu, pas seulement d’ailleurs pour l’Est, mais pour l’Etat libanais en tant que tel, qui s’est trouvé pratiquement privé d’institutions et d’autorité réelle, comme Toufayli le lui montre aujourd’hui. Il serait donc temps d’y remédier, mais si tout le monde en convient nul ne lève le petit doigt dans cette direction, car on craindrait d’indisposer les décideurs d’une part. Et parce que d’autre part on sait que sans arbitrage étranger, les Libanais ne savent pas s’entendre, même quand ils sont comme les taëfistes d’un même bord politique…
E.K.
Les politiciens en conviennent maintenant volontiers, car l’opinion publique et l’électorat sont entièrement de cet avis: Taëf ayant rempli sa mission principale — mettre fin à la guerre — doit être modifié en profondeur, si on veut qu’il serve aussi de pacte politique. Sans quoi on n’aurait fait qu’ajouter aux causes internes de la guerre un nombre effarant de...