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Actualités - ANALYSE

Le contentieux de la Doïka : un large éventail de conflits ...

Tout le monde en convient: l’affaire du Budget et du «barême numéro neuf» n’est que la partie émergée de l’iceberg. Bien d’autres conflits opposent les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri. On peut en citer la refonte de la loi électorale régissant les législatives; le projet de décentralisation administrative; les élections municipales et de «makhatirs» prévues pour le prochain printemps et, pour couronner le tout, ces présidentielles de l’an prochain où chacun des deux leaders veut être en mesure de faire élire un candidat qui lui soit acquis... tout le monde le souligne avec un bel ensemble: sans un accord global, sans un package deal, sans «un vrai pacte de partage entre ceux qui vont rester quand le troisième homme aura quitté le pouvoir» comme dit un ministre, le Budget 98 dans son volet fiscal ne peut pas franchir sans encombre le portail à tambour (battant) de la Chambre...

Mettre un
terme
à la troïka

«Il ne fait aucun doute qu’une seule rencontre entre MM. Berry et Hariri aurait suffi à régler la question du «barême numéro neuf», reprend le même ministre qui rappelle que «le Budget a toujours été déficitaire chez nous et le gouvernement a toujours prétendu y remédier par une politique d’austérité, sans que cela n’entraîne de crise politique majeure entre les chefs des institutions. D’ailleurs, il est clair que s’il n’y avait pas bien autre chose, on aurait laissé comme de coutume le débat se dérouler dans l’enceinte parlementaire même, lors de l’examen de la loi de finances en commissions puis en séance générale et on n’aurait pas porté la discussion au dehors, qui plus est avant terme. On n’aurait pas, pour une occasion aussi symbolique sur le plan républicain que le débat sur le Budget de l’Etat, tourné en ridicule les institutions, le Conseil des ministres et la Chambre, en montrant qu’elles sont «doublées» par le système de la troïka qui leur ravit encore une fois leurs prérogatives et leurs pouvoirs constitutionnels. Du reste, la crise actuelle prouve de manière éclatante la nécessité de mettre un terme à ce système de la troïka qui place le pays dans une situation difficile chaque fois que les présidents ne sont pas d’accord entre eux. Et quand ils sont d’accord, ce n’est pas beaucoup mieux car leur entente porte le plus souvent sur un partage d’avantages et se base sur des compromis qui se font au détriment de l’intérêt national bien compris».

La peau de l’ours

Après cette tirade aussi tranchée que tardive, car après tout le système de la troïka est né en 89 avec la présente République, ce responsable gouvernemental s’étonne que «les dirigeants ne réalisent toujours pas que le simple fait de se quereller, surtout d’une façon aussi ouverte, aggrave considérablement les conditions difficiles, voire périlleuses, que traverse le pays. Ils risquent par leurs empoignades d’affaiblir une livre plus que jamais attaquée par des spéculateurs qui misent gros sur le dollar et les autres devises fortes. Et si la monnaie nationale devait de nouveau s’effondrer, ce serait la catastrophe, l’appauvrissement accéléré, multiplié par dix et la liquidation de cette classe moyenne qui tente de renaître de ses cendres pour redevenir le principal moteur économique du pays».
Ce ministre répète ensuite que, «très certainement, voyant que leurs échanges ne menaient à rien, les présidents seraient convenus de laisser les choses suivre leur cours institutionnel à la Chambre, si le contentieux se résumait au Budget, au «barême numéro neuf», qui fixe le pourcentage de taxes indirectes sur divers produits ou services, comme la mécanique. Le fait même qu’on n’a pas pu se résoudre à respecter les règles les plus élémentaires de la démocratie confirme que les présidents tentent de régler divers autres comptes, dont certains revêtent sans doute un caractère assez personnel, que le Budget. De toute évidence les intentions ne sont pas des plus transparentes et chacun des protagonistes semble attendre l’erreur tactique que l’autre commettrait, pour prendre l’avantage. MM. Berry et Hariri ont l’air tous les deux de vouloir utiliser à fond, dans leur bras de fer, l’arme des médias, des télés, des radios et des journaux, soit directement soit par le truchement de leur entourage. Ce déballage aussi est mauvais pour le pays et traduit un mépris, ou une ignorance totale, de la règle de réserve que tout homme d’Etat doit savoir s’imposer. En se livrant à leur catch en public, les dirigeants font monter dans le pays une tension nocive à plus d’un égard. S’ils croient que c’est cela «dialoguer», ils se trompent lourdement et ils démontrent surtout un manque effarant du sens de la responsabilité publique».

Mésentente entre grands électeurs étrangers

«C’est d’autant plus répréhensible, conclut le ministre, que le Liban devrait beaucoup s’efforcer, s’il ne veut pas payer les pots cassés, de se tenir tranquille, de se faire oublier le plus possible, dans la conjoncture régionalo-internationale actuelle très tendue. Les figures de proue locales ne veulent voir que les présidentielles et la lutte d’influence que cela implique; mais s’ils continuent à se chamailler de la sorte il y a fort à parier que, comme en 88, on se retrouvera dans l’impasse, sans possibilité d’élire un nouveau président et sans possibilité de proroger encore une fois l’actuel tenant du titre. Car à tout prendre les disputes entre les leaders libanais reflètent indirectement une mésentente entre grands électeurs étrangers et, au bout du compte, c’est le pauvre Libanais moyen qui se retrouverait privé même de ce semblant de République qui lui tient lieu d’Etat...».
E.K.
Tout le monde en convient: l’affaire du Budget et du «barême numéro neuf» n’est que la partie émergée de l’iceberg. Bien d’autres conflits opposent les présidents Nabih Berry et Rafic Hariri. On peut en citer la refonte de la loi électorale régissant les législatives; le projet de décentralisation administrative; les élections municipales et de «makhatirs»...