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Actualités - ANALYSE

Troïka : une entente purement budgétaire

Etant donné l’urgence, c’est uniquement sur une entente budgétaire qu’a débouché le récent rabibochage de la troïka, consacré par la rencontre à Baabda qui a suivi la visite à Damas de M. Rafic Hariri.
Deux «lignes rouges», ou plus exactement deux engagements fermes:
1) Maintenir la flottaison du déficit à un maximum de 37,46%.
2) Et, tout le long de l’exercice financier 1998, ne jamais déroger à la règle de l’austérité budgétaire, entendre ne jamais consentir des avances sur le Trésor aux ministères ou aux offices et ne jamais engager de nouveaux projets sans en avoir assuré le financement hors caisse.
Un pacte louable en soi, mais dont les détails pratiques devront être arrêtés, indiquent les officiels, au cours d’autres rencontres comme à travers des contacts avec divers responsables ou services concernés. On parle également de beaucoup consulter les spécialistes... Et c’est bien normal car au-delà des déclarations d’intention, il subsiste un écueil de taille, un sujet de litige une pomme de discorde: le fameux «barème numéro neuf» dont le gouvernement pense augmenter les taux d’indexation, au grand dam du contribuable, du consommateur ordinaire et de la majorité des députés qui affirment représenter l’opinion. Dans le prolongement de leur entente de principe conclue à Baabda, les chefs du Législatif et de l’Exécutif veulent donc essayer de parvenir à un consensus sur cette question des impôts indirects.
On notera d’ailleurs au passage que c’est ce différend qui justifie la réactivation de la troïka car autrement la Chambre n’est pas concernée par les options d’austérité budgétaire qui relèvent de la seule autorité du Conseil des ministres. Certes, en théorie, les commissions parlementaires puis l’Assemblée ont leur mot à dire mais, en pratique, comme on sait, la décision se prend d’avance dans le système de la troïka «béni des dieux» au niveau des présidents, s’ils arrivent à s’entendre...
Tout est donc aujourd’hui de savoir si MM. Elias Hraoui, Nabih Berry et Rafic Hariri vont pouvoir se mettre d’accord sur les dispositions à prendre pour traduire en détails bien concrets la règle première de l’austérité budgétaire. La question ne se poserait pas si le système en place ne se basait pas sur le principe du partage généralisé, du marchandage, du donnant-donnant et du package deal. Les trois présidents ont leurs exigences propres, mais aussi nombre d’intérêts ou d’alliances à ménager. Il n’est donc pas hasardeux de prévoir qu’on entre dans une phase de négociations polyvalentes englobant tout un tas de dossiers qui n’ont rien à voir avec les chiffres du budget et qu’il y aura dans ce cadre encore beaucoup de visites à Damas où se font tous les arbitrages.

Difficultés

Même en ce qui concerne le volet technique de l’austérité budgétaire, il y a beaucoup à négocier: quels sont les départements qu’on peut sacrifier, que faire pour les ministères dits de services, comment éviter concrètement les gaspillages, quels contrôles établir sur quelles articulations pour contrer les arnaques classiques, les jeux d’écriture qui permettent de justifier des dépenses fictives, etc. Chacun des dirigeants, chacun de leurs alliés, a tout à la fois son pré carré qu’il veut défendre et une tête de Turc qu’il veut attaquer, dénoncer. Tel ministre voudra prouver que si on ne lui donne pas les crédits qu’il réclame le peuple mourra de faim et de même si on les accorde au ministre voisin... Qui croire, qui choisir: il faut donc un compromis et il n’est pas simple d’y arriver.
Problème plus grave et plus immédiat: doit-on financer l’effort budgétaire en pressurant le contribuable moyen à travers le relèvement des chiffres du «barème numéro neuf», comme le gouvernement se propose de le faire? Ne peut-on éviter cette mesure qui risque de provoquer à la fois l’inflation et des débordements de rue? La Chambre estime que c’est tout à fait possible et recommande qu’on s’adresse aux experts pour établir des formules de rechange. M. Hariri lui-même, qui sait combien le projet fiscal est impopulaire, se dit prêt à écouter toute suggestion, à la condition expresse que les fonds puissent être réellement assurés et qu’on ne dépasse pas le plafond de 37,46% fixé pour le déficit budgétaire. Il laisse également entendre qu’on peut transiger, réduire le taux de relèvement de la taxe mécanique, moins pénaliser le cellulaire aussi, si on trouve des compensations ailleurs. Et de rappeler son immuable devise: toute nouvelle dépense doit être couverte par une nouvelle recette.
Il reste simplement à se demander si le Liban peut réaliser l’exploit de se conformer pendant un an entier à un budget d’austérité, à l’ombre d’un système et d’une administration qui sont viciés à la base tant par la corruption que par les luttes d’influence. Sans compter que cette même année 1998 sera en principe la dernière du régime et se trouvera marquée par une bataille des présidentielles qui devra attiser la «querellite» des innombrables pôles locaux et la porter à son paroxysme. Le gouvernement lui-même sera en partance et on voit mal qui va se soucier de restreindre les abus habituels qui risquent même au contraire de se démultiplier.
En tout cas le microcosme politique sera probablement si occupé par les présidentielles qu’il mettra sous le coude tout projet de réforme de l’administration ainsi que la réactivation de la loi sur l’enrichissement illicite, dit «d’où tiens-tu cela?» censée moraliser la vie politique elle-même. Et d’une manière générale, il est peu probable que la République réalise dans l’année qui termine le mandat de M. Hraoui les engagements qu’elle n’a pas su tenir depuis sa naissance il y a maintenant huit ans...

E.K.
Etant donné l’urgence, c’est uniquement sur une entente budgétaire qu’a débouché le récent rabibochage de la troïka, consacré par la rencontre à Baabda qui a suivi la visite à Damas de M. Rafic Hariri.Deux «lignes rouges», ou plus exactement deux engagements fermes:1) Maintenir la flottaison du déficit à un maximum de 37,46%.2) Et, tout le long de l’exercice...