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Actualités - ANALYSE

Austérité budgétaire : la place financière sur le qui vive

Bien évidemment, le dossier financier qui préoccupe tant pour le moment, à cause du débat budgétaire, la caste politique retient également toute l’attention des milieux d’affaires locaux, toutes branches confondues. Chacun veut savoir sur quel pied il lui faudra danser, comment il devra faire ses comptes, quelles opérations il pourra sauvegarder, quels projets il lui faudra larguer ou par quelles brèches s’engouffrer pour faire des profits, si c’est encore possible...

Pour tout dire, et c’est peut-être la face positive de la médaille, la tendance austérité qui s’annonce va selon toute probabilité obliger les spéculateurs de toutes sortes, jusque-là avantagés sur la place locale, à en rabattre beaucoup côté prétentions.
«Il ne faut cependant pas se hâter de tirer des conclusions», dit un observateur bancaire pour qui «au stade actuel la seule bonne chose palpable reste que le projet de budget a passé le cap, qui pouvait être plein d’écueils, du Conseil des ministres, avec le secourable assentiment du président de la Chambre. Mais le gouvernement n’est visiblement pas au bout de ses peines. En effet, la modification ascensionnelle qu’il veut apporter au fameux «barème numéro neuf» qui englobe tout le fisc indirect, taxe mécanique en tête, a du mal à passer. Même M. Nabih Berry, malgré l’élan coopératif que lui a donné sa récente visite à Damas, ne se résigne pas à aller contre l’opinion en approuvant cette manipulation de chiffres. Il n’est besoin d’être grand clerc pour deviner que l’attitude de M. Berry fait écho au rejet de ce projet par l’écrasante majorité des députés. Et cela met les milieux d’affaires dans l’embarras: il est certain en effet que politiquement la Chambre a les moyens d’entraver le projet gouvernemental; mais constitutionnellement, elle est tenue d’approuver le budget qui lui est présenté. Elle peut certes modifier certaines données, mais seulement en ce qui concerne les dépenses et uniquement à la baisse. En principe, elle ne peut pas toucher au chapitre des recettes, a fortiori pour les réduire. Alors comment va-t-elle s’en sortir? Et si par souci de coller à la position de refus de la population, la Chambre devait obtenir le retrait du projet d’augmentation du «barème numéro neuf», comment ferait-on pour garder le déficit budgétaire dans les limites prévues des 37,4%, seules acceptables pour la Banque mondiale qui autrement nous priverait de son aide...»
Les haririens, qui sont, comme on sait, en symbiose permanente avec la Place de Beyrouth, confirment que «cette question de taux plafond pour le déficit est une ligne rouge absolue, cette fois. Nous sommes prêts à discuter de tout, mais à la stricte condition qu’à chaque concession qu’on nous demandera il faudra nous offrir des substituts concrets. Un exemple: si on insiste pour que nous n’augmentions pas la taxe mécanique, il faudra nous dire avec exactitude où, par quel autre moyen, nous pourrons nous procurer les millions de dollars qu’elle doit rapporter au Trésor».
Un principe qui, en fait, fait froncer un peu les sourcils aux hommes d’affaires nantis «car il est à craindre, marmonne l’un d’eux, que sous la pression des syndicats et des démagogues, le gouvernement ne remplace la surtaxation mécanique par un relèvement des impositions frappant les sociétés et la suppression des exemptions ou des facilités dont elles bénéficient, ainsi que les grosses fortunes, au titre de l’encouragement à l’investissement».


La détermination
de Boueiz

On note que pour sa part, échaudé par les expériences antérieures, M. Farès Boueiz, ministre des Affaires étrangères, se montre toujours assez prudent, voire méfiant, en ce qui concerne la démarche du camp haririen. Il répète en substance qu’il a depuis longtemps mis en garde contre les improvisations, en soulignant l’importance voire la gravité du dossier économique et en regrettant que par volonté d’opacité on ait longtemps mis hors jeu le Conseil des ministres, sans le saisir de ce problème crucial. Et de noter qu’aujourd’hui, à l’heure des comptes pour ainsi dire, on cherche à étaler la responsabilité sur l’ensemble des ministres tenus à l’écart lors des décisions initiales, pour qu’ils couvrent les égarements commis «et pour faire bouclier devant les attaques politiques dirigées contre le chef du gouvernement et contre le ministre Siniora à cause de la dégradation socio-économique».
En fait, lors de la séance du Conseil des ministres consacrée à l’étude du projet de budget, le ministre des A.E. avait d’entrée de jeu pris ses distances, en priant le chef du gouvernement d’indiquer avec précision au Conseil les chiffres exacts du déficit budgétaire effectif. Il l’a ensuite, selon un témoin, matraqué de questions qui étaient autant de critiques: d’où viennent les estimations avancées jusque-là; qu’est-ce qui a causé au juste la dégringolade; pourquoi a-t-on émis des bons du Trésor au taux d’intérêt superélevé de 40%; pourquoi s’est-on acharné à soutenir la livre, en refusant qu’elle ait son véritable prix naturel face au dollar; quel plan économique le chef du gouvernement va-t-il suivre pour sortir de la crise, à part des surtaxations qui ne sont qu’une coûteuse fuite en avant...
M. Boueiz, selon la même source, a affirmé que la dette publique, évaluée à 12,6 milliards de dollars par M. Hariri, dépasse en réalité les 13 milliards, alors qu’elle était de 3 milliards en 92. Le seul service de la dette (le paiement des intérêts) s’élève par an à 9 milliards. Les salaires des fonctionnaires sont de 1,5 milliard...
Pour toute réponse, indique enfin ce témoin, M. Hariri a dit que la responsabilité est partagée, «nous la partageons tous, nous sommes tous sur le même bateau...».
Reste à savoir qui y mène qui...

Ph. A.-A.
Bien évidemment, le dossier financier qui préoccupe tant pour le moment, à cause du débat budgétaire, la caste politique retient également toute l’attention des milieux d’affaires locaux, toutes branches confondues. Chacun veut savoir sur quel pied il lui faudra danser, comment il devra faire ses comptes, quelles opérations il pourra sauvegarder, quels projets il lui faudra...