Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Le Nobel de littérature à un bateleur, Dario Fo (photo)

Dario Fo, 71 ans, dramaturge, scénographe et acteur italien, a obtenu le 94e prix Nobel de littérature. La décision-surprise de l’académie de Stockholm a immédiatement engendré des polémiques, tandis que le principal intéressé se disait «abasourdi» (VOIR AUSSI PAGE 10).
Sixième auteur italien à recevoir la prestigieuse récompense, Dario Fo ne figurait pas parmi les favoris. Considéré comme l’une des personnalités de premier plan de la farce moderne et du théâtre politique, il est peut-être le plus joué des dramaturges contemporains. Ses 70 pièces ont été données dans plus de 60 pays au cours de quelque 3.500 représentations.
«Si quelqu’un mérite l’épithète de bateleur, c’est bien lui», a estimé l’académie dans ses attendus. «C’est en mélangeant le rire et la gravité qu’il a fait prendre conscience des abus et des injustices de la vie sociale, (et) de la façon dont ceux-ci peuvent s’inscrire dans une perspective historique plus large», a-t-elle ajouté.
«Son indépendance et sa lucidité lui ont fait prendre de grands risques et il en a subi les conséquences», a également souligné l’académie, dans une référence à une récente tentative d’enlèvement à laquelle Fo n’a échappé que par un concours de circonstances.
Connu dans le monde entier et en particulier en Amérique latine, où il a participé à de nombreux festivals de théâtre à Bogota et Caracas au début des années 90, son œuvre pour la scène se caractérise par un langage absurde, où se mêlent dialectes variés, morceaux de latin, d’italien et citations littéraires.
Fondateur avec son épouse, muse et co-auteur de nombreuses pièces, Franca Rame, du groupe La Commune dans les années 70, il a su traiter avec humour et ironie aussi bien les thèmes politiques que les conflits de l’amour et du sexe.
Anticonformiste, sympathisant communiste, admirateur de l’expérience chilienne du président Salvador Allende, Fo est «le Maestro» pour nombre de théâtres à travers le monde, et surtout pour les troupes de rue ou expérimentales qui, chaque année, fréquentent ses ateliers, dirigés par son propre fils, Jacopo Fo, dans une villa ancienne de Toscane.
Connu pour ses fous rires, ses dents de lapin et son mode de vie simple, le sixième Nobel de littérature italien rejoint un autre grand auteur de théâtre, Luigi Pirandello (Nobel 1934), dont l’écriture limpide reste aujourd’hui encore un exemple pour les écoliers de la péninsule.
Censuré par la télévision publique dans les années 60 pour ses dénonciations de l’hypocrisie de la «société bourgeoise», pour ses chansons révolutionnaires, pour sa défense de l’amour libre, et pour son attention sensible aux problèmes des femmes, Fo n’aura jamais été en bons termes avec le pouvoir politique.
«J’espère que la RAI (radio-télévision d’Etat) va se mettre à rechercher les copies des programmes de mon père qu’elle avait décidé de détruire», a déclaré jeudi son fils Jacopo.

Le Vatican sévère

Pour l’un de ses meilleurs amis, l’écrivain italien Stefano Benni, qui était à ses côtés lorsque Dario Fo a souffert d’une commotion cérébrale il y a trois ans, «Fo a créé un monde théâtral unique, révolutionnant tous les genres du théâtre politique, avec un langage unique accessible dans le monde entier».
Pour Stefano Benni, ce Nobel est «juste, parce que la littérature ce n’est pas seulement écrire des livres, mais aussi communiquer par la parole».
Fo lui-même s’est dit «abasourdi», une expression reprise par l’«Osservatore Romano», mais dans un sens tout à fait différent. «Je suis abasourdi», l’expression par laquelle Dario Fo a accueilli la nouvelle de l’attribution du prix exprime l’état d’âme de ceux qui sont obligés de se rendre à l’évidence de cette décision», commente le journal du Vatican, en estimant que celle-ci «a suscité beaucoup de surprise».
«Les membres de jury du prix Nobel avaient privilégié ces derniers temps les auteurs de littératures considérées, à tort, moindres. Mais le prix remis à un acteur qui est aussi auteur de ses textes discutables (à part toute considération morale) a dépassé toute imagination».
Le journal du Vatican cite la motivation du prix lue par le secrétaire de l’Académie royale de Suède évoquant la tradition des bouffons du Moyen-Age. Notant que «Fo est le sixième prix Nobel italien pour la littérature après Carducci, Deledda, Pirandello, Quasimodo, Montale», il commente: «Après tant de génies, un «bouffon»».
Le prix, accompagné d’un chèque d’un montant record de 7,5 millions de couronnes suédoises (un million de dollars), sera remis à Fo à Stockholm des mains du roi Carl XVI Gustaf le 10 décembre, date anniversaire de la mort en 1896 du créateur du prix, le savant et homme d’affaires suédois Alfred Nobel.

Dario Fo, 71 ans, dramaturge, scénographe et acteur italien, a obtenu le 94e prix Nobel de littérature. La décision-surprise de l’académie de Stockholm a immédiatement engendré des polémiques, tandis que le principal intéressé se disait «abasourdi» (VOIR AUSSI PAGE 10).Sixième auteur italien à recevoir la prestigieuse récompense, Dario Fo ne figurait pas parmi les...