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Actualités - CHRONOLOGIE

Projet des 800 millions : le dossier n'est pas clos Ni changement , ni remaniement ministériel, après une visite de Hariri à Damas


Ni changement, ni remaniement ministériel, après une visite de Hariri à Damas
Une fois de plus, hier, le premier ministre Rafic Hariri a pris le chemin de Damas pour les traditionnelles concertations avec le «numéro deux» syrien Abdel-Halim Khaddam. Au menu de cette rencontre: les conséquences du rejet par le Conseil des ministres, mercredi (par 13 voix contre 11), de toute augmentation du prix de l’essence, prévue dans le cadre du nouveau plan d’emprunt de 800 millions de dollars préconisé par M. Hariri afin de rembourser certaines dettes internes de l’Etat et financer divers projets vitaux, tels que le retour des déplacés ou le développement de régions dites défavorisées. Bilan de cette énième consultation il n’y aura pas de démission du gouvernement ou de remaniement ministériel à court terme, mais M. Hariri persiste et signe, et ses milieux affirment qu’il reviendra à la charge dans peu de temps pour tenter de faire approuver son programme d’emprunt.
C’est à l’issue d’un entretien matinal de près d’une demi-heure avec le président Elias Hraoui que M. Hariri s’est rendu sur les bords du Barada où il a été l’hôte à déjeuner de M. Khaddam. Les sources de Koraytem précisent que c’est à la suite d’un appel téléphonique du «numéro deux» syrien, mercredi en fin de soirée, que le premier ministre a décidé de se rendre à Damas. Parallèlement à son entretien avec M. Khaddam, M. Hariri a également conféré avec le chef d’état-major de l’armée syrienne, le général Hikmat Chéhabi. De retour à Beyrouth peu avant 18 heures, le premier ministre a été aussitôt reçu par le président Hraoui au palais de Baabda.
Les supputations les plus diverses ont circulé durant toute la journée d’hier sur la portée de ces concertations intensives et sur les retombées du vote de mercredi en
Conseil des ministres. Divers observateurs n’hésitaient pas à affirmer que M. Hariri s’était rendu dans la capitale syrienne pour «convaincre» les dirigeants syriens de la nécessité d’opérer un remaniement ministériel, à défaut (conjoncture régionale oblige...) de pouvoir obtenir un changement pur et simple du gouvernement.
Les spéculations qui allaient bon train n’étaient pas sans fondements: de l’aveu même de M. Hariri, le vote de mercredi a revêtu une portée essentiellement politique. Il s’agissait, en quelque sorte, d’un désaveu pur et simple de sa gestion plutôt que d’un simple vote en rapport avec une mesure économique. Fait caractéristique, plusieurs ministres proches de Damas, dont notamment le représentant du Baas prosyrien Ghazi Seifeddine et le représentant du Parti syrien national social (PSNS) Assaad Hardane, ont voté contre la proposition de M. Hariri. De là à percevoir dans un tel vote un «message» syrien à l’adresse du premier ministre, il n’y a qu’un pas que M. Hariri n’a pas manqué de faire, ce qui l’a conduit... à Damas.
Si pour l’heure un changement paraît exclu au niveau de l’Exécutif, il n’en demeure pas moins que la fronde ministérielle de mercredi n’a fait qu’accroître sérieusement — s’il en était encore besoin — le climat de malaise politique qui règne dans le pays. A quelques mois de l’élection présidentielle, les manoeuvres politiques (même relatives) ne sont pas sans importance et devraient être suivies de près.
En apparence, la dernière séance du cabinet a mis en évidence la donne suivante sur le plan des tiraillements locaux: le président Hraoui affiche publiquement sa solidarité avec M. Hariri, tout en essayant quand même de rogner quelque peu les ailes au chef du gouvernement (plusieurs ministres proches de Baabda ont voté contre la proposition de M. Hariri); le président de la Chambre Nabih Berry semble partir en guerre contre le premier ministre; et ce dernier s’en tient toujours à son projet, affirmant qu’il est incontournable et que tôt ou tard, il faudra y revenir, contre vents et marées.
Dans la journée d’hier, la position de chacun de ces trois pôles s’est confirmée d’une manière plus ou moins explicite. Le président Hraoui a ainsi réaffirmé devant ses visiteurs son soutien au programme d’emprunt préconisé par son premier ministre. Comme pour bien souligner que le dossier n’a nullement été clos à la suite du vote de mercredi, le chef de l’Etat a déclaré sans détours que «les choses ne s’arrêteront pas là, et le débat reste ouvert». «Le problème essentiel est le déficit budgétaire, et tout le monde assume la responsabilité de la situation à laquelle nous sommes parvenus, a ajouté le président Hraoui. Il faut trouver des sources de revenus, et l’augmentation du prix de l’essence pourrait ne pas suffire».
Comme l’avait fait mercredi soir M. Hariri, le chef de l’Etat a, d’autre part, confirmé que «la politique n’était pas absente du dernier Conseil des ministres qui n’a pas revêtu un caractère exclusivement économique». Se déclarant solidaire du gouvernement, le président Hraoui a, par ailleurs, relevé que le Cabinet Hariri a à son actif «des acquis qu’il ne faut pas éclipser, dont notamment la stabilité monétaire».

Berry durcit le ton

Le climat est totalement différent à Aïn el-Tiné où les sources du chef du Législatif ont fait filtrer à la presse des informations sur une atmosphère très critique à l’égard du premier ministre. Les milieux de M. Berry évoquent ainsi «la défaite politique sévère» subie mercredi par M. Hariri, soulignant que ce dernier s’est rendu à Damas après avoir été particulièrement «irrité» par les débats au sein du gouvernement. «Le premier ministre, soulignent les sources du président de la Chambre, a pris le chemin de Damas porteur de trois propositions: une redistribution des portefeuilles au sein du gouvernement; un remaniement ministériel; ou, purement et simplement, la démission du gouvernement».
De même source on affirme dans ce cadre que «M. Hariri désirait rencontrer le président syrien Hafez el-Assad afin de trancher la question avec lui, mais les Syriens lui ont signifié que le président Assad a des préoccupations plus importantes que ce genre de détails». Et les milieux de M. Berry de souligner que «les trois suggestions de M. Hariri ont été rejetées à Damas car la conjoncture régionale ne se prête pas à de tels bouleversements».
De leur côté, les sources du premier ministre ont apporté en soirée un démenti catégorique aux informations filtrées à la presse par les milieux de Aïn el-Tiné, affirmant que M. Hariri n’a nullement cherché à rencontrer le président Assad, de même qu’il n’a pas évoqué avec M. Khaddam un éventuel départ du Cabinet ni même un remaniement ministériel. «Le chef du gouvernement, indiquent les sources de Koraytem, a expliqué l’importance de son projet d’emprunt aux dirigeants syriens qui ont exprimé leur satisfaction au sujet de l’attitude sage et pondérée adoptée par M. Hariri lors de l’interview télévisée de mercredi soir».
Visiblement, le chef du gouvernement tente de calmer quelque peu le jeu, mais dans le même temps, il paraît faire feu de tout bois afin d’obtenir, dans les semaines qui viennent, l’approbation de son projet. Le ministre des Déplacés Walid Joumblatt, solidaire de M. Hariri dans cette affaire (du moins jusqu’à présent), a ainsi déclaré hier qu’il annoncera la semaine prochaine la suspension de l’action de son ministère! De son côté, le syndicat des propriétaires des hôpitaux a annoncé que les patients devront désormais payer à l’avance la facture de toute hospitalisation, avant leur entrée à l’hôpital, quitte à se faire rembourser plus tard par la CNSS ou les assurances privées... (Voir CI-DESSOUS).
Le dossier du plan des 800 millions de dollars est donc loin d’être clos et il continuera sans doute à faire couler beaucoup d’encre au cours des prochaines semaines. Le fait certain est que le premier ministre paraît déterminé, coûte que coûte, à faire avaliser son projet. Et pour cause: le déficit budgétaire et la dette publique ont atteint, semble-t-il, un seuil critique. Et la Banque mondiale a manifesté ces derniers temps quelques signes d’impatience.

M.T.

Michel TOUMA
Ni changement, ni remaniement ministériel, après une visite de Hariri à DamasUne fois de plus, hier, le premier ministre Rafic Hariri a pris le chemin de Damas pour les traditionnelles concertations avec le «numéro deux» syrien Abdel-Halim Khaddam. Au menu de cette rencontre: les conséquences du rejet par le Conseil des ministres, mercredi (par 13 voix contre 11), de toute...