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Actualités - CHRONOLOGIE

Après quatre heures de débats en conseil des ministres Le projet fiscal Hariri tombe par 13 voix contre 11


Le nouveau projet économique du chef du gouvernement n’est pas passé en Conseil des ministres. Il a été rejeté par 13 voix contre 11, laissant ainsi la voie ouverte à diverses éventualités, dont même un remaniement ministériel. M. Rafic Hariri s’est abstenu de tout commentaire au terme de la réunion, mais les indications fournies par le ministre de l’Information, M. Bassem Sabeh, en disent long sur ce qu’il pense. Se voulant nuancé, le ministre a commenté par ces mots la réaction de M. Hariri: «Il a accepté ce point de vue (des ministres) et est sorti de la salle». Et c’est le ministre de l’Information qui a aussi laissé entendre, à coups d’allusions, qu’un remaniement ministériel est envisageable, tout en prononçant un véritable plaidoyer en faveur du projet d’emprunt de 800 millions de dollars, approuvé en Conseil des ministres par le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui. M. Sabeh est même allé jusqu’à situer l’opposition au projet d’emprunt dans le cadre d’une campagne politique orchestrée contre M. Rafic Hariri, défendant au passage le projet de relèvement des taxes. «Les taxes n’affectent pas de la même manière les riches et les pauvres dans la mesure où les pauvres ne consomment pas autant que les riches», a-t-il déclaré.
C’est au palais de Baabda, sous la présidence de M. Elias Hraoui, que le Conseil des ministres s’est tenu. La réunion, particulièrement houleuse, s’est ouverte à 10h45 et n’a pris fin qu’à 15h20. M. Hariri a exposé point par point son programme économico-fiscal, ainsi que les objectifs de la politique économique suivie par son gouvernement depuis fin 1992, sans toutefois parvenir à rallier la majorité ministérielle à son point de vue. Il y a lieu de préciser que 24 ministres ont assisté à la séance. MM. Michel Murr, Mohsen Dalloul, Ayoub Hmayed et Chawki Fakhoury n’y ont pas pris part. Les trois premiers sont en voyage.
Selon les explications officielles, fournies par M. Sabeh dans le hall du palais de Baabda, le gouvernement a commencé par examiner les points inscrits à l’ordre du jour de sa réunion, parce qu’il s’attendait à voir se prolonger le débat autour du projet d’emprunt. Il a voté «la majorité», d’entre eux selon le ministre qui n’a pas toutefois précisé lesquels. Après une longue intervention de M. Hariri, plusieurs ministres ont pris la parole pour commenter le programme, a ajouté M. Sabeh laconiquement. De sources informées, on apprend que la majorité ministérielle s’est déclaré en faveur des principes défendus par le chef du gouvernement mais a exprimé son opposition au projet, qu’elle a considéré comme étant «incomplet» et «offrant seulement des solutions à des problèmes immédiats seulement».

«Une collecte de fonds»

Selon les mêmes sources, les ministres opposants ont reproché à M. Hariri de proposer un plan de «collecte de fonds» permettant au gouvernement de payer une série d’arriérés, au lieu de présenter un programme ayant pour finalité le redressement économique. Ils devaient à leur tour analyser un par un les projets envisagés par M. Hariri en s’arrêtant sur leur faisabilité.
Ces projets sont les suivants: la restauration et le développement d’écoles publiques et la construction de nouveaux établissements (35 millions de dollars), la restauration et le développement de certaines écoles techniques et la construction d’autres (35 millions de dollars), la généralisation des transports publics sur l’ensemble du territoire libanais (50 millions de dollars), l’exécution d’une série de projets de développement dans les régions de Baalbeck-Hermel, Akkar et autres secteurs (300 millions de dollars) ainsi que 50 millions de dollars pour la Caisse du Sud, 200 millions pour la Caisse des déplacés et 50 millions pour les hôpitaux. Les ministres ont aussi demandé à savoir ce que sont devenus les fonds qui avaient été déboursés dans le passé à ces mêmes fins, ajoute-t-on de mêmes sources. Ils ont aussi voulu savoir pourquoi le gouvernement ne veut pas inclure ce plan dans le Budget de 98. Ils devaient, toujours selon les mêmes sources, critiquer le manque de transparence dans la politique du gouvernement.

Hraoui: «combler
le déficit»

M. Sabeh a pour sa part précisé à la presse qu’au terme des interventions des ministres, c’est le président Hraoui qui a pris la parole pour «disséquer à son tour point par point» le plan Hariri. «Le chef de l’Etat a considéré que les recettes engendrées par les taxes envisagées, s’il faut exclure toutefois celle qui est prévue pour l’essence, ne sont pas suffisantes pour combler le déficit budgétaire, avant de se déclarer en faveur du projet sous étude, notamment en ce qui concerne le relèvement du prix des 20 litres d’essence». Et d’enchaîner: «La séance a pris fin avec le vote sur ce point précis. Il est apparu que la majorité ministérielle s’y oppose et la séance a été levée».
De mêmes sources, on apprend que le vote s’est déroulé en deux fois. La première fois, 12 ministres ont voté pour une taxe supplémentaire de 5000 livres sur les 20 litres d’essence contre 12 autres qui l’ont rejetée. Devant ce résultat, le chef du gouvernement a réduit la taxe à 3000, ce qui lui a valu 13 non contre 11 oui. Selon les mêmes sources, «L’insistance de M. Hariri à faire voter en premier la taxe sur l’essence a mis la puce à l’Oreille des ministres et les a confortés dans leurs craintes, dans la mesure où la majoration du prix de l’essence est de nature à drainer rapidement les millions dont le gouvernement semble avoir grand besoin».

Démission
ou remaniement?

Et c’est de ces mêmes sources qu’on apprend que le chef du gouvernement a immédiatement pris sa mallette et est sorti de la salle sans rien dire, et sans même tenter de faire voter d’autres projets de nouvelles taxes. C’est le président Hraoui qui a alors déclaré la séance levée. Rappelons qu’en plus de l’essence, M. Hariri propose une nouvelle taxe sur les plaques d’immatriculation, sur la construction d’un étage supplémentaire (suggérés par le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr), sur l’exploitation des biens-fonds maritimes, ainsi que sur le ciment, cette dernière taxe étant suggérée par le ministre de la Santé, M. Sleiman Frangié.
Pressé de questions par la presse, M. Sabeh s’est lancé dans un véritable plaidoyer en faveur du projet du chef du gouvernement, estimant qu’«il n’est pas tombé mais doit faire l’objet d’un débat supplémentaire». Selon lui, «personne n’a proposé de nouvelles idées à la place de celles avancées» par M. Hariri. Et d’enchaîner en situant, en des termes vagues, l’opposition au nouveau plan fiscal dans le cadre d’une «campagne politique reflétant certaines tendances au sein du Conseil des ministres».
Prié de dire si ce refus entraînera une réponse politique, il a répondu: «Il n’en faut pas autant. Les ministres appartiennent à des mouvances politiques déterminées et c’est leur droit. Le débat et le vote ont eu lieu de manière démocratique ce qui est très positif. En définitive, ce qui se passera est tributaire du dialogue qui se poursuivra entre les parties concernées».
Est-il possible que le chef du gouvernement présente sa démission ou qu’il y ait un remaniement ministériel? «Ces deux questions relèvent de la compétence des chefs de l’Etat et du gouvernement, seuls. Je ne veux pas anticiper mais il est incontestable que nous sommes devant de nouvelles données qui se cristalliseront à travers le débat et le dialogue qui suivront», a-t-il répondu.

«Le prix du progrès»

Il s’est dit ensuite convaincu que le programme préconisé par le chef du gouvernement n’est réalisable qu’à travers une majoration du prix de l’essence. «Et ce n’est pas là une question personnelle», a-t-il renchéri, avant de juger que «les taxes n’affectent pas les classes aisées et moins nanties de la même manière dans la mesure où les pauvres ne consomment pas autant que les riches».
Le ministre a poursuivi en mettant l’accent «sur les progrès réalisés dans le pays au cours des cinq dernières années», sur le fait que «ce progrès doit être maintenu» estimant que «tout le monde réalise que cette évolution a son prix». Pour le ministre, «il appartient à l’opinion publique de se prononcer sur le bien-fondé et l’opportunité du plan Hariri», qu’il a présenté, en citant le chef du gouvernement comme étant «la pierre angulaire de tout projet de développement». A la question de savoir pourquoi il ne sera pas inclus à la prochaine loi des finances, M. Sabeh a répondu en soulignant que ce plan «est supposé paver la voie au projet du budget dont il constituera la pierre de base».
Le nouveau projet économique du chef du gouvernement n’est pas passé en Conseil des ministres. Il a été rejeté par 13 voix contre 11, laissant ainsi la voie ouverte à diverses éventualités, dont même un remaniement ministériel. M. Rafic Hariri s’est abstenu de tout commentaire au terme de la réunion, mais les indications fournies par le ministre de l’Information, M....