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Actualités - ANALYSE

Paradis ou enfer fiscal ?


Il manque à M. Rafic Hariri ce je ne sais quoi qui fait la différence entre un homme d’affaires et un homme d’Etat. M. Hariri se croit investi d’une mission, celle de reconstruire le Liban, de le hisser à la hauteur des défis de la globalisation de l’économie, ou du XXIe siècle. Oui mais... il lui manque une forme de sensibilité aux aspirations populaires, une espèce d’affinité avec une «manière de vivre» libanaise.
L’insouciance, l’hospitalité, font partie de la façon de vivre des Libanais. C’est un produit de leur culture, c’est une constituante de leur personnalité. Or M. Hariri donne l’impression de vouloir transformer les Libanais en fourmis humaines, comme on l’a fait dans les «nouvelles républiques» asiatiques, avec la journée de travail de 24 heures, sept jours sur sept. Les Libanais, eux, aiment la prospérité, mais la prospérité facile, heureuse, celle qui ne se fait pas aux dépens de l’insouciance de vivre.
La liberté fait aussi parti de notre héritage. Il n’y a pas un homme qui ne serait prêt à la payer de sa vie. C’est ce qui rend si impopulaire, par exemple, la surtaxe sur les voitures. M. Hariri aura beau avancer des raisons convaincantes, dire que le parc automobile croît plus vite que la capacité du réseau routier, en touchant à la voiture, il touche à un des principaux symboles libanais de la liberté, celle de se déplacer, de prendre le large, de partir...
Veut-on toucher aux traits de caractère du Libanais? Que l’on s’attaque à son amateurisme technique, à sa malhonnêteté, à son penchant pour le mensonge, à son égoïsme, et son individualisme grossier. Mais ni à sa joie de vivre, ni à son amour pour la liberté.
Mais il est une autre raison pour laquelle la politique de M. Hariri porte à faux. Et celle-là est encore plus fondamentale que la première. C’est que cette politique est injuste, qu’elle creuse l’écart entre riches et pauvres au Liban. Notre pays, que M. Hariri veut transformer en paradis fiscal, pour les grandes compagnies, est en passe de se transformer, petit à petit, en véritable enfer fiscal pour ses propres habitants.
L’égalité devant l’impôt, une chose sacrée sous d’autres cieux, n’existe pas au Liban. A cela deux raisons: d’abord, tout le monde ne paie pas des impôts, ensuite, le déséquilibre entre qui paie de son nécessaire et qui paie de son superflu, demeure entier et irrésolu.
Tout le monde ne paie pas d’impôts. C’est l’une des vérités les mieux établies. Il est de larges catégories sociales qui sont pratiquement exemptées d’impôts. Le forum des hommes d’affaires réuni en août par M. Rafic Hariri en a été le premier à convenir: il faut élargir l’assiette des contribuables. Ne parlons pas des quittances d’électricité impayées, ni de l’évasion fiscale, ni de l’évasion douanière...
L’inégalité devant l’impôt se lit ensuite dans le pourcentage des recettes fiscales provenant des taxes indirectes, qui affectent de façon égale les riches et les pauvres, par rapport à celles qui proviennent des impôts directs sur le revenu. Ce rapport se situe autour de 80%. C’est énorme.
C’est la raison pour laquelle les impôts indirects que veut imposer M. Hariri sont malsains, socialement parlant, même s’ils se font au nom de grands idéaux. En fait, ils accentuent les inégalités au sein de la société, alors que l’art de gouverneur est de savoir redistribuer les richesses nationales, pour en faire profiter le plus grand nombre. Ce n’est pas aux pauvres, mais à tous les Libanais de payer le prix de la reconstruction et la justice veut que ceux qui paient de leur nécessité et ceux qui paient de leur superflu, soient traités sur un pied d’égalité, de sorte que les premiers paient moins que les seconds, tout en donnant autant.

Fady NOUN
Il manque à M. Rafic Hariri ce je ne sais quoi qui fait la différence entre un homme d’affaires et un homme d’Etat. M. Hariri se croit investi d’une mission, celle de reconstruire le Liban, de le hisser à la hauteur des défis de la globalisation de l’économie, ou du XXIe siècle. Oui mais... il lui manque une forme de sensibilité aux aspirations populaires, une espèce...