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Actualités - REPORTAGE

L'Orient Le Jour chez l'épouse du secrétaire général du Hezbollah Oum Hadi : je suis prête à offrir en martyrs mes deux autres fils (photos)

«L’Orient-Le Jour» chez l’épouse du secrétaire général du Hezbollah



«Qu’Allah soit avec toi». C’est par cette phrase toute simple, presque banale qu’Oum Hadi a fait ses adieux à son fils de 18 ans qui se rendait au Sud pour une opération de résistance. Oum Hadi a beau être l’épouse du secrétaire général du Hezbollah, ce jour-là, elle était comme les dizaines d’autres mères qui tous les jours, souhaitent bonne chance à leurs fils engagés dans la lutte contre l’occupant israélien. «Je n’ai pas pensé que Hadi allait mourir. J’ai simplement vu dans ses yeux comme un voyage...» La mère du jeune martyr n’a aucune amertune dans la voix, mais plutôt une immense sérénité qui rayonne d’ailleurs sur son entourage, des femmes en tchador noir comme elle, venues lui présenter leurs félicitations pour la mort héroïque de son fils.

Ni pleurs, ni tristesse. Dans l’immense salon ouvert pour la circonstance dans une «husseiniyé» de la banlieue-sud de Beyrouth, nul ne présente de condoléances. Le visiteur étranger chercherait en vain à lire sur le visage de l’épouse du secrétaire général du Hezbollah, des traces de larmes ou des marques de douleur. Son fils aîné est mort il y a quatre jours, mais Oum Hadi déclare avec le sourire: «Je n’ai pas pleuré, même à l’annonce de son décès. Pour moi, c’est un grand honneur que mon fils soit mort en martyr. Je sais qu’il est maintenant au paradis d’Allah et qu’un jour, je l’espère, nous nous reverrons là-haut».
Oum Hadi a surpris son entourage par la force de ses convictions. Les femmes qui l’entourent affirment, ébahies: «Oum Hadi est une mère très tendre, très proche de ses enfants. Nous n’aurions jamais cru qu’elle se résignerait aussi facilement à admettre la mort de son fils aîné».
Un fils qui était très proche de sa mère. «Non pas que je l’aimais plus, mais il y avait entre nous un lien très fort. Il était tendre et respectueux, avec moi et avec ses frères (Jaoudat 17 ans et Ali 7 ans) et sa sœur (Zeinab, 12 ans). Il me consultait sur tout et n’élevait jamais la voix».
On a d’abord un peu honte de pousser cette mère à égrener ainsi ses souvenirs, craignant de mettre ainsi ses nerfs à trop rude épreuve, mais c’est mal connaître Oum Hadi qui parle de son fils mort comme d’un être cher parti pour un merveilleux voyage.
«Vous pensez que je suis dure, n’est-ce pas? demande-t-elle avec un sourire un peu timide. Je suis simplement très croyante. Déjà, dans ma famille, on m’avait inculqué les préceptes de la religion et mon mariage avec le sayed (Hassan Nasrallah) a conforté mes convictions. Pour nous, Allah choisit de prendre jeunes ceux qu’il aime le plus et c’est un honneur qu’il leur fait de leur permettre de mourir en martyrs. D’ailleurs, l’imam Hussein a tracé la voie».

Résistant à 9 ans

Hadi est d’abord un enfant comme les autres, vivant dans une famille très croyante et très protectrice. A 9 ans, il jouait à la résistance avec son frère d’un an plus jeune que lui, qu’il ne quittait presque jamais. Batoul, qui deviendra plus tard sa fiancée, et qui est leur voisine, jouait aussi avec eux.
«Tout en étant très affectueux, Hadi avait dès son plus jeune âge, un esprit révolutionnaire et des qualités de chef. Il voulait toujours mener le jeu et refusait d’être un second. Il avait une très forte personnalité et était très entêté. Mais il écoutait avec beaucoup de respect son père, qui, pour lui, était le chef, l’homme qui avait toujours raison et disait toujours la vérité».
A 13 ans, Hadi, qui était encore à l’école, a commencé à suivre des sessions d’entraînement. «La résistance, c’était son objectif, son rêve, poursuit sa mère. Et naturellement, je l’ai encouragé.» A 15 ans, il avait déjà reçu une formation suffisante pour lui permettre de participer aux actions sur le terrain. «Il a alors voulu quitter l’école, pour se consacrer à la résistance. J’ai essayé de lui conseiller de continuer ses études, mais il ne tenait plus en place.»
Dès lors, Hadi a commencé à remplir des missions sur le terrain. Tenu par le secret militaire, il n’en soufflait mot à sa mère, se contentant de lui dire au revoir et de quérir sa bénédiction avant chaque opération. «Pour moi, il était naturel qu’il parte. je lui souhaitais bonne chance puis vaquais à mes occupations habituelles, sans guetter particulièrement les nouvelles. j’allais simplement payer la sadaka (une somme d’argent, dont le montant varie avec les moyens de chacun, versée dans les caisses consacrées aux pauvres) à sa mémoire.»
Lorsqu’il lui a fait ses adieux, la dernière fois, il n’avait pas l’air plus inquiet que d’habitude. «Il s’est contenté de me dire: Je dois partir. Tu veux quelque chose? Qu’Allah soit avec toi, lui ai-je répondu. Je ne lui ai même pas dit de prendre soin de sa personne. Je n’ai pas pensé qu’il allait mourir. Plus tard dans la journée de samedi, le secrétaire général (cheikh Hassan Nasrallah) m’a dit que Hadi faisait partie des quatre résistants perdus. J’en ai aussitôt informé mes autres enfants. Nous savions déjà que nous ne le reverrions plus dans ce monde».
N’est-ce pas terrible de ne pas pouvoir l’enterrer? «Non, pas du tout, répond Oum Hadi. L’âme est déjà chez Dieu et le corps n’a plus d’importance. La dépouille de Hadi viendra avec celle de ses compagnons.»
A l’annonce de sa mort, Jaoudat s’est mis à piaffer d’impatience. Il aurait tellement voulu être avec son frère, dont il suit déjà la trace, avec la bénédiction de sa mère. Quant au jeune Ali, il a serré contre son cœur la photo de son frère et s’est écrié: «Quelle chance, il a, Hadi!»
Ce frère aîné, transformé en héros, est brusquement devenu le modèle à suivre. Même sa mère affirme que depuis qu’il est mort, elle a l’impression de le découvrir: «Il me semble voir dans ses yeux une lueur nouvelle. Ses poses, dans les photos, me paraissent plus déterminées, comme dictées par une force intérieure...»
Une dimension
nouvelle

L’enfant qu’elle a si précieusement entouré de ses soins a désormais une nouvelle dimension. Et Oum Hadi en est très fière. «Avant, lorsque j’allais visiter les mères de martyrs, je me sentais gênée. Maintenant je suis fière d’avoir moi aussi donné mon fils aîné à la cause et je suis prête à offrir les deux autres.»
Oum Hadi raconte qu’elle a épousé sayed Hassan Nasrallah il y a dix-neuf ans. Il enseignait alors la religion dans la Békaa. «Mais il était déjà spécial. Au fil des années, il a assumé de plus en plus de responsabilités, et je l’ai toujours suivi, avec une grande fierté.»
L’épouse du secrétaire général du Hezbollah ne peut pas concevoir qu’elle puisse se révolter parce que Dieu lui a pris un fils. «Au contraire, j’en suis très heureuse. Au moins, je suis sûre qu’il aura sa place au paradis et, de toute façon, la vie n’est qu’un passage.»
Batoul, la fiancée de 16 ans écoute attentivement, mais dès qu’on l’interroge, elle rougit et baisse les yeux. Elle était fiancée à Hadi depuis quatre mois. Son promis s’occupait d’aménager la maison où ils devaient vivre, une fois mariés. Comme elle habite un village du Sud, il lui était difficile de suivre de près les travaux. Mais elle avait confiance en son fiancé, qu’elle connaissait depuis l’enfance. «Bien sûr que je l’aimais», dit-elle doucement. Mais Allah l’a choisi et j’en suis heureuse pour lui.»

Scarlett HADDAD
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