Carnet de route Pas le glas, le tocsin

Il y a des mots malheureux. Et un mot malheureux est toujours une parole déplacée. Ainsi de la «partition» que le président de la Ligue maronite s’est senti obligé d’évoquer (comme une menace?) lors de sa dernière déclaration. Ainsi, mais peut-être par distraction, de cette phrase du premier ministre syrien au sujet de la libéralisation des échanges entre Damas et Beyrouth: «De cette manière, les produits libanais seront considérés en Syrie comme des produits syriens». Peut-être est-ce mon esprit de clocher qui s’insurge, mais les douces pêches de Bickfaya, les sanguines du littoral, les prunes santa rosa souffriront-elles le déni de leurs origines?


*
* *

Vous sentez-vous abattu, impuissant, «ihbaté»? Vous avez peut-être raison. Car vous vous dites, vous maronite, melkite ou grec-orthodoxe, que les discriminations qui ont déjà touché vos communautés annoncent le pire. Mais il est trop tôt et vous ne parvenez pas à vous convaincre que vous avez affaire à une revanche naturelle, à un retour du balancier. Le seul problème, en fait, est un problème de temps. Car vous pensez que la revanche peut céder la place à une vengeance tenace, déployée sur plusieurs générations, bref la panique. A votre place, plutôt que de déjà sonner le glas, je continuerai à sonner le tocsin qui est un appel à la vigilance des vivants. Il n’est pas dit que nos concitoyens musulmans mettront des années à digérer leur rancune, comme il serait anormal qu’il n’en éprouvent pas. Mais que faire quand on est provisoirement désarmé? Utiliser son intelligence par exemple, et se préparer à la partie de bras de fer qui ne manquera pas de surgir un jour.

Amal NACCACHE