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Actualités - ANALYSE

Hariri-Boueiz : tout n'est pas encore réglé

Juriste de formation, le ministre des Affaires étrangères M. Farès Boueiz tient beaucoup à la sémantique. Il tient ainsi à souligner que sa récente entrevue avec M. Rafic Hariri a été une rencontre «de franches explications» et non pas de «réconciliation, vu qu’il n’y avait pas brouille personnelle» pour qu’il y ait rabibochage... Il rappelle qu’à son avis «cela n’allait pas du tout», qu’on allait «à l’abîme», ce qui a nécessité cet entretien où tous les dossiers ont été posés sur la table, pour un premier examen qui sera suivi d’autres, nombre de questions n’ayant pas encore été réglées.
Auparavant, comme nul ne l’ignore, le ministre des A.E., qui est par ailleurs député du Kesrouan et gendre du chef de l’Etat (élément sur lequel on n’insiste pas car la ligne de M. Boueiz n’est pas toujours d’un hraouisme à toute épreuve), avait mené une campagne véhémente contre le chef du gouvernement, prenant même la tête aux dires des médias d’une nouvelle fronde ministérielle englobant cinq autres membres importants du Cabinet. Cependant — toujours ce même souci du poids des mots —, M. Boueiz n’avait jamais dans ses attaques nommé explicitement M. Hariri, préférant en général dénoncer le gouvernement dont il fait lui-même partie! Ce tact verbal a sans doute facilité une réconciliation qui d’après M. Boueiz n’en est pas une...
Tout aussi habilement, le ministre avait axé ses critiques sur le thème, solide autant que facilement exploitable, de la mauvaise gestion économique de l’équipe haririenne... plutôt que sur les empiètements du chef du gouvernement sur ses prérogatives, atteintes qui ont dû pourtant lui aller droit au cœur et entrer pour beaucoup dans son ralliement à l’opposition. On sait en effet, et entre autres exemples, que dans l’affaire des Irakiens, M. Hariri avait pris langue directement avec l’ambassadeur du Liban à Amman M. William Habib, sans en référer à M. Boueiz, pour lui enjoindre de refuser tout visa aux athlètes de Saddam.
Puis tout dernièrement, après la levée de l’embargo U.S., M. Hariri a envoyé à Washington un de ses conseillers, qui n’est même pas fonctionnaire d’Etat, traiter à la demande des Américains de la situation à l’AIB, toujours sans consulter le chef de la diplomatie qu’en outre il n’emmène jamais avec lui dans ses voyages officiels, ce que M. Michel Murr entre autres lui a reproché... Toutes ces bonnes raisons d’en vouloir au président du Conseil M. Boueiz a donc préféré ne pas trop en parler publiquement, pour s’accrocher à des sujets bien plus porteurs aux yeux de l’opinion, à savoir l’asphyxie socio-économique que la politique gouvernementale inflige à la population.
En tout cas M. Hariri a comme qui dirait de la chance: après avoir échappé à une session extraordinaire de la Chambre au cours de laquelle l’opposition était décidée à lui en faire voir des vertes et des pas mûres, il rencontre le chef de la contestation ministérielle juste avant que ce dernier ne transpose le contentieux en Conseil des ministres, comme il se proposait de le faire selon des sources loyalistes informées...

Solide… au poste

Moins que jamais maintenant, doit-on ajouter, M. Boueiz ne risque de claquer la porte. D’ailleurs à son avis, un ministre qui a à redire à la politique du gouvernement ne doit pas démissionner, mais développer tranquillement ses critiques en boudant éventuellement les réunions du Conseil des ministres, le départ étant selon lui une fuite devant les responsabilités… Une attitude
qui est partagée par les autres contestataires d’un Cabinet qui manque autant de cohésion que la première formation Hariri en 93... Le président du Conseil, préoccupé sans doute par la montée du mécontentement populaire et par les mouvements de révolte qui s’amorcent ça ou là, tente donc de recoller les morceaux, au niveau du gouvernement comme de la troïka, pour pouvoir mieux faire face. Avant de voir M. Boueiz il s’était ainsi rendu comme on sait, vendredi dernier, auprès du président Hraoui, pour une autre rencontre de «franches explications» et il semble que le chef de l’Etat ait accepté de faciliter le rapprochement entre le chef du gouvernement et le ministre des A.E.. Le timing a été bien choisi: lundi, avant qu’il n’y ait risque de dispute mardi, à l’occasion de la réunion de la commission parlementaire des A.E. consacrée à l’adhésion du Liban à la convention internationale sur la séquestration d’otages, une des conditions posées pour la levée de l’embargo U.S. ...
Toujours est-il qu’au menu de la rencontre Hariri-Boueiz, il y a eu d’abord la question de la dette publique, dont le montant frise les 13 milliards de dollars et du déficit budgétaire qui frôle les 65%, après avoir été annoncé à 37%. Les difficultés économiques et financières des Libanais, dues en grande partie à la trop lourde charge que représente le service d’une dette publique (le paiement des intérêts) qui pompe tout l’argent liquide du pays, le chômage galopant, la corruption administrative, le gaspillage des deniers publics mais aussi les problèmes concernant plus particulièrement la circonscription Kesrouan ont été passés en revue. M. Boueiz a tenu à souligner que ses prises de position n’ont rien de politicien ni de personnel, qu’elles ne sont commanditées ni par Baabda ni par les décideurs et ne découlent que de son intime conviction.
Aujourd’hui en principe, du point de vue haririen, le «cas Boueiz est neutralisé». Il reste à savoir si M. Hariri voudra effectuer un effort similaire en direction d’autres ministres auxquels il arrive de grogner, notamment de MM. Sleiman Frangié, Elie Hobeika, Mahmoud Abou Hamdane, Nicolas Fattouche et Assaad Hardane.

Ph. A-A.
Juriste de formation, le ministre des Affaires étrangères M. Farès Boueiz tient beaucoup à la sémantique. Il tient ainsi à souligner que sa récente entrevue avec M. Rafic Hariri a été une rencontre «de franches explications» et non pas de «réconciliation, vu qu’il n’y avait pas brouille personnelle» pour qu’il y ait rabibochage... Il rappelle qu’à son avis...