Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Après l'affaire Wakim, le gouvernement adoptera aujourd'hui des mesures pour contrer les appels à la désobéissance civile L'état déterminé à affirmer son autorité

Le gouvernement va entamer aujourd’hui la reconquête de son autorité malmenée par les agitateurs en turban, par les révolutionnaires en complet cravate, ou par les opposants irréductibles. L’affaire des poursuites contre le député Najah Wakim vient à peine d’éclater que le Conseil des ministres veut s’attaquer maintenant à d’autres hommes de la trempe de Sobhi Toufayli. Le Cabinet est invité à adopter cet après-midi une série de mesures sévères pour mettre un terme à la nouvelle mode des appels à la désobéissance civile (VOIR PAR AILLEURS LA NOTE DE M. MURR AU CONSEIL DES MINISTRES).
Les raisons de la contestation populaire, à savoir la souffrance des gens, les fins de mois difficiles, le pouvoir d’achat qui s’amenuise, la classe moyenne qui fond à vue d’œil... ne sont pas inscrites à l’ordre du jour de la réunion. Il faut garder espoir, elles le seront peut-être un jour.
Pour ce qui est de l’affaire Wakim, le député n’a pas l’air impressionné par la nouvelle menace qui pèse sur lui, même s’il semble avoir opéré un recul tactique en ce qui concerne les propos qu’il aurait tenus samedi à Baalbeck sur le chef de l’Etat. La justice aussi a, semble-t-il, relâché un peu sa pression. Une source judiciaire, citée par des médias hier soir, a précisé que les poursuites engagées contre le député ne sont pas basées sur une cassette vidéo reproduisant le discours de M. Wakim samedi, mais sur ses propos tels que rapportés par un journal local. Si cette information se confirme, elle peut constituer une issue à cette affaire, car le journal en question aura à prouver la véracité des propos attribués au député.
En attendant, M. Wakim ne s’est pas présenté hier devant le juge d’instruction de permanence à Beyrouth, M. Fouad Geagea, dans le cadre des poursuites engagées contre lui pour «diffamation envers de hauts responsables de l’Etat et appel à la désobéissance armée».
Pour en revenir au Conseil des ministres qui se tiendra à Baabda, la réunion d’aujourd’hui est placée sous le thème de la récupération par l’Etat de son autorité et de son prestige. Une bonne partie des débats sera consacrée au cas de Sobhi Toufayli — et dans une moindre mesure à celui de Rocheid el-Khazen — qui a appelé à la désobéissance civile et qui a incité les citoyens à violer les lois.
La note présentée par M. Murr prévoit de demander au parquet de se saisir automatiquement des affaires concernant les appels à l’insubordination et à la révolte et de poursuivre en justice les personnes responsables de ces actes. Elle prévoit aussi de charger l’armée et les Forces de sécurité intérieure d’interdire les rassemblements dans toutes les régions libanaises et de veiller au respect des décisions prises par le Conseil des ministres.
Dans ce cadre, les FSI se verraient confier la tâche de fermer les médias audiovisuels qui n’ont pas obtenu de licence et qui continuent à émettre en violation de la décision du gouvernement. Cette mesure touche particulièrement cheikh Toufayli qui possède dans la Békaa une télévision et une radio et cheikh Saïd Chaabane (chef du Mouvement de l’unification islamique) qui gère à Tripoli une station religieuse.
Le Conseil des ministres va aussi s’attaquer à l’épineux dossier des 272 constructions illicites bâties dans la Békaa grâce à des «permis» délivrés par cheikh Sobhi. Un délai d’un mois va être accordé aux propriétaires de ces bâtiments afin qu’ils régularisent leur situation. Passé ce délai, ces constructions seront démolies.
Toutes ces questions ont été examinées lors d’une réunion nocturne qui a groupé au palais de Baabda les présidents Hraoui, Berry et Hariri.

Exception de forme

L’affaire Wakim s’est déroulée hier en deux épisodes. Le premier au Palais de justice et le deuxième au Parlement. Les avocats du député, Mes Béchara et Khalil abou Saad, ont soulevé oralement une exception de forme devant le juge Geagea, estimant qu’un député ne peut être poursuivi pendant son mandat et que le flagrant délit ne s’applique pas à cette affaire, car les poursuites ont été engagées 48 heures après les faits incriminés.
M. Wakim s’est pour sa part rendu dans l’après-midi au Parlement où il a été immédiatement reçu par le président Nabih Berry à la demande de ce dernier. La réunion s’est déroulée en présence du vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, et de M. Nassib Lahoud, député du Metn.
A l’issue de l’entretien, le député de Beyrouth a déclaré que la discussion a porté sur les poursuites judiciaires dont il fait l’objet. «Nous avons évoqué des questions concernant la constitution et la loi en général, ainsi que d’autres sujets. Il revient au président Berry d’en parler s’il le désire», a-t-il dit.
A la question de savoir si sa convocation devant le juge est anticonstitutionnelle, M. Wakim a répondu; «Les articles de la constitution sont explicites (...) Je ne révélerai pas la teneur de mon entretien avec le président Berry. D’ailleurs, cette affaire ne me concerne pas personnellement. Elle concerne tout le Parlement. Certains collègues étaient présents et M. Berry peut faire une déclaration s’il le désire».
Pourquoi n’a-t-il pas comparu devant le juge d’instruction? «Là aussi la constitution est claire, a-t-il répondu. Les avocats ont soulevé des exceptions de forme concernant les articles 39 et 40 de la constitution, ainsi que la procédure judiciaire. Le juge d’instruction a accordé aux avocats un délai de trois jours pour présenter par écrit l’exception soulevée».
M. Wakim a déclaré qu’il ne retirera «jamais» les propos qu’il a prononcés lors du meeting de Baalbeck samedi dernier. «J’ai précisé que certains des propos que j’ai prononcés ont été déformés, a-t-il dit. J’ai d’abord pensé que le journaliste qui recueillait par écrit, et non avec un enregistreur, le contenu du discours, a pu commettre des erreurs. Et j’étais en train de préparer un rectificatif. Mais lorsque j’ai examiné les articles invoqués par le procureur pour engager des poursuites contre moi, je me suis dit qu’il s’agissait plus qu’une erreur. On m’a attribué des propos appelant à la révolte armée. En fait, j’ai dit que la loi et la constitution renforcent toute action et tout mouvement populaires pacifiques dans le cadre de la loi».
«J’ai toujours insisté sur la nécessité de rejeter la violence et le confessionnalisme, a ajouté M. Wakim. Toute chose dans ce pays se transforme en affaire confessionnelle. Je réaffirme que mes propos ont été déformés et on m’a attribué des choses que je n’ai pas dites. Je n’ai pas incité au recours à la violence et j’estime que ce qui se passe est dû soit à ceux qui ont pris des notes de mon discours, soit à des erreurs volontaires».

Soutien de Hoss et de Harb

A «L’Orient-Le Jour», M. Wakim a qualifié de « très suspecte» la manière dont ses propos ont été déformés par certains journaux, ce qui renforce, selon lui, la thèse du «coup monté». Il a assuré qu’il ira dans cette affaire «jusqu’au bout» et que le président de la Chambre et la plupart des députés sont opposés aux poursuites dont il fait l’objet conformément à la constitution. «Sans article 39, il n’y a plus de Parlement. Et les poursuites qui ont été engagées contre moi constituent une violation claire et nette de ce texte. Tous mes collègues sont conscients de cela», nous a-t-il dit.
Quel est selon lui le scénario pour régler cette affaire? «Pour moi il n’y a pas de problème, a répondu M. Wakim. Cette question doit être adressée à ceux qui sont concernés. Les députés pour leur part connaissent très bien la constitution et savent la vérité. Ils ont donné leur point de vue».
Dans ce cadre, deux ténors de la Chambre, MM. Sélim Hoss et Boutros Harb, ont qualifié hier d’anticonstitutionnelles les poursuites engagées contre le député de Beyrouth. Interrogé à ce sujet avant son départ pour New York, l’ancien chef du gouvernement a affirmé qu’il n’était pas d’accord avec les propos attribués à M. Wakim.
«D’ailleurs, il a lui-même assuré que son discours a été déformé a-t-il dit. De toute façon, les paroles qui lui ont été attribuées ne justifient pas les poursuites judiciaires, d’autant que le parquet n’a pas bougé lorsque les relations entre les pôles du pouvoir se sont détériorées et quand ils se sont mutuellement accusés du détournement et du gaspillage des deniers publics. C’est pour cela que nous souhaitons que les poursuites engagées contre M. Wakim cessent».
M. Harb a de son côté déclaré que conformément aux articles 39 et 40 de la constitution, M. Wakim ne peut pas faire l’objet de poursuites judiciaires.
Le député de Batroun a indiqué que même s’il n’était pas d’accord avec les méthodes politiques de M. Wakim, il est farouchement hostile aux poursuites dont il fait l’objet. Il a aussi réfuté la thèse du flagrant délit qui est «illégale et anticonstitutionnelle». «Même si je n’appuie pas les propos de M. Wakim, ce qu’il a dit s’inscrit dans le cadre de son rôle de député, a-t-il dit. Un parlementaire ne peut faire l’objet de poursuites pour ses idées conformément aux dispositions de l’article 39 de la constitution. Ce que M. Wakim a dit lors du meeting (de Baalbeck) reflète son opinion de député et de représentant du peuple».
M. Harb s’est par ailleurs déclaré «surpris» par le fait que le ministre de la Justice ait demandé au parquet d’intervenir contre M. Wakim, alors qu’il n’a pas bougé le doigt quand cheikh Sobhi Toufayli et le député Roucheid el-Khazen ont appelé à la désobéissance civile. «Pourquoi le ministre n’a-t-il pas réagi lorsque certaines personnalités, dont des ministres et des députés, ont avoué avoir commis des crimes»? s’est interrogé M Harb.
Paul KHALIFEH










Le gouvernement va entamer aujourd’hui la reconquête de son autorité malmenée par les agitateurs en turban, par les révolutionnaires en complet cravate, ou par les opposants irréductibles. L’affaire des poursuites contre le député Najah Wakim vient à peine d’éclater que le Conseil des ministres veut s’attaquer maintenant à d’autres hommes de la trempe de Sobhi...