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Actualités - ANALYSE

Perspectives régionales : Michel Eddé largement pessimiste

Ministre d’Etat et spécialiste reconnu du dossier régional, M. Michel Eddé s’avoue sceptique quant aux possibilités d’un règlement dans des délais raisonnables. Pour lui, une évidence saute aux yeux: Israël s’efforce par tous moyens, provocations comprises, de gagner du temps pour achever la judaïsation de Jérusalem, partie orientale incluse, et construire toute une ceinture de colonies.
Une fois cet objectif atteint, Arabes et Palestiniens se retrouveraient placés devant un nouveau fait accompli sur le terrain. Et il ne leur resterait plus à négocier, s’ils le veulent toujours, que sur la partie restante de la Cisjordanie... Pour le ministre, l’Etat hébreu montre clairement qu’il ne veut pas la paix, en refusant de se retirer des zones palestiniennes prévues et de respecter les accords d’Oslo; en refusant également de rétrocéder le Golan que Netanyahu déclare «nécessaire à la sécurité d’Israël»; en posant des conditions rédhibitoires à son retrait du Sud comme la neutralisation préalable d’une résistance tout à fait légitime; en foulant aux pieds les principes de Madrid et les résolutions du Conseil de Sécurité, la 425 tout autant que la 242 ou la 338...
A partir de là, parallèlement aux efforts qu’il déploie pour conserver la plus grande partie du butin territorial pris aux Arabes, Netanyahu chercherait selon M. Eddé à affaiblir Arafat. Au point que la population palestinienne, exacerbée, se dresserait contre son chef, qu’une sorte de guerre de succession se trouverait ouverte pour que finalement les Palestiniens, divisés, déchirés, se retrouvent sans pilote à la barre, sans autorité capable de les gouverner et de défendre leurs droits. Et Israël en aurait fini de la sorte avec la hantise de la création d’un Etat palestinien en Cisjordanie comme dans la bande de Gaza. D’une pierre coup double: on ne serait plus obligé, non plus, d’appliquer à la lettre les accords d’Oslo et on reparlerait, pourquoi pas, d’une formule de patrie palestinienne de substitution axée sur la Jordanie... En même temps qu’il effacerait des limbes pour le vouer au néant l’Etat palestinien, ce projet consacrerait Jérusalem comme capitale aussi unifiée qu’éternelle d’Israël. Placé ainsi en position de force, rêve encore Netanyahu, l’Etat hébreu imposerait sans peine ses conditions à la Syrie comme au Liban, pour une soi-disant «paix» globale qui signifierait en fait la capitulation pure et simple des Arabes.

Chantage

Et si Damas ainsi que Beyrouth devaient camper sur leurs positions, pour continuer à défendre leurs droits, on les confronterait à diverses provocations ou menaces sécuritaires, mettant le cas échéant en danger la paix civile libanaise et perturbant la Syrie par ce biais. Non seulement le Sud resterait occupé mais Israël, qui en convoite les eaux, pourrait en annexer des portions. Il s’accrocherait également au Golan jusqu’à ce que la Syrie accepte pour avoir la paix — c’est le mot — de n’en récupérer qu’une partie...
Le ministre Michel Eddé dresse donc un tableau plutôt pessimiste des perspectives régionales qui à son avis resteraient sombres tant que le Likoud se maintient au pouvoir en Israël.
Les récents développements, faut-il dire, étayent largement cette analyse, la Knesset projetant d’interdire par une loi tout retrait de ce Golan que par une autre loi elle avait déclaré comme annexé à l’Etat hébreu, en 1981...
Bien entendu, les deux volets étant associés, la crispation ne peut que s’étendre à la question du Sud. Des sources locales soulignent que le chantage israélien vise à placer les autorités de Beyrouth devant le dilemme suivant: soit accepter de signer un traité de paix séparé avec Israël et tourner le dos à la Syrie; soit se résigner à ne jamais récupérer le Sud, puisque le Golan auquel il est lié resterait occupé... En fait, les Israéliens voient la chose de cette manière mais ne se rendent pas compte que le problème ne se pose même pas pour Beyrouth car il n’est pas question pour lui de se séparer de Damas.
Par contre, ajoutent ces mêmes sources, ce sont les Occidentaux et les Egyptiens qui ne comprennent pas bien qu’ils se dépensent actuellement en vains efforts pour relancer la dynamique de paix sans voir que la condition préalable absolument indispensable est tout naturellement qu’Israël veuille vraiment dialoguer. Autrement dit qu’il est prêt à renoncer aux colonisations et à envisager un retrait total du Golan.
Arafat lui-même en convient maintenant: en le rencontrant de nouveau, les Israéliens ont simplement voulu gagner du temps, faire croire à l’opinion mondiale qu’ils travaillent pour la paix et n’ont rien proposé de nouveau.
On risque donc, concluent ces sources, qui rejoignent le point de vue de M. Eddé, de tourner longtemps en rond dans un cercle vicieux. A moins que les Américains ne présentent de nouvelles idées, comme le bruit en court, en septembre prochain. Et à moins qu’Israël ne dégomme le Likoud avant la fin de son mandat, qui court jusqu’en l’an 2000, par des élections anticipées...

E.K.
Ministre d’Etat et spécialiste reconnu du dossier régional, M. Michel Eddé s’avoue sceptique quant aux possibilités d’un règlement dans des délais raisonnables. Pour lui, une évidence saute aux yeux: Israël s’efforce par tous moyens, provocations comprises, de gagner du temps pour achever la judaïsation de Jérusalem, partie orientale incluse, et construire toute une...