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Actualités - ANALYSE

Cité sportive : la petite histoire d'une petite histoire

Une tempête dans un verre d’eau, beaucoup de bruit pour rien et pourtant cette histoire de l’appellation de la Cité sportive a failli mettre le feu aux poudres, voire provoquer l’éclatement du Cabinet. Mercredi dernier, en effet, à l’issue du Conseil des ministres, certains membres du gouvernement, ulcérés par l’attitude radicale du président du Conseil qui se disait déterminé à faire sauter le label «Camille-Chamoun», ont menacé de bouder les cérémonies d’ouverture des Jeux, voire de remettre en cause le cas échéant leur participation au Cabinet.
A ces ministres, le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, avait dit alors en substance: «Allez à la cérémonie et écoutez ce que je vais y dire... et après, si vous êtes toujours mécontents, vous protesterez et vous ferez ce que bon vous semblera...». Effectivement, M. Hraoui a paru trancher le nœud gordien en lançant samedi: «De la Cité sportive Camille-Chamoun, je déclare ouverts les Jeux panarabes».
Mais, en réalité, M. Rafic Hariri avait de son côté préparé sa parade. Assez venimeuse: il a d’abord exigé de prendre lui aussi la parole, alors que ce n’était pas prévu par les organisateurs, et son nom n’était pas cité sur les cartons d’invitation parmi ceux des orateurs. Puis, avec l’aplomb d’un cicérone, d’un maître de céans omnipotent, il a entamé son mot en souhaitant la bienvenue au chef de l’Etat par un retentissant «ahlan wa sahlan bi raïss al joumhourya»! Sous-entendu évident: dans la Cité sportive Rafic-Hariri! Puis, après des remerciements où personne n’a été oublié et après avoir couvert de fleurs sa propre action autant que le régime en place, M. Hariri a conclu sur cette note très étrange, surtout si l’on pense au cadre où elle a été exprimée: «Nous disons Monsieur le président: le pays se porte bien, le travail va bien et l’on continue de nous abreuver de parlote à tort et à travers. Ne vous en faites pas Monsieur le président». Un conseil plutôt cavalier, inspiré peut-être par les épreuves d’équitation prévues au programme des Jeux...
Bien entendu, M. Hariri n’a pas prononcé le nom du président Camille Chamoun. Il a insisté dans son discours sur le fait que la Cité avait été détruite par les Israéliens et qu’on a érigé la nouvelle enceinte pierre à pierre, pour laisser entendre qu’il s’agit de deux monuments complètement différents...
Dès lors, il n’est pas du tout certain que l’affaire de l’appellation, porteuse d’une forte charge émotionnelle et politique, soit maintenant classée. Certes le président Hraoui a officialisé par son intervention devant les 18 pays arabes invités le label «Camille-Chamoun». Mais un nom peut toujours être changé, par décret ou par texte de loi. C’est du reste ainsi que la Cité sportive a été baptisée, son extrait de naissance portant le numéro 10.125, décret promulgué le 13 août 1958 et qui stipule: «Un office de la Cité sportive est créé au sein du ministère de l’Education nationale et des Beaux-Arts pour gérer et exploiter la Cité sportive Camille-Chamoun». Il suffira de débaptiser l’office en question pour faire sauter le nom de l’ancien chef de l’Etat. Pour certains, pour beaucoup même, «ce n’est pas par caprice ou par désir de faire sa volonté propre que M. Hariri campe sur sa position, mais parce qu’il a besoin, en tant que leader mais aussi en tant qu’homme d’affaires, d’apposer son empreinte sur le plus grand nombre possible d’ouvrages ou de domaines publics au Liban. Son objectif est de montrer au dehors que, contrairement à son ami Chirac, il est bien «le tout pour le tout» comme on dit familièrement dans ce pays et que pour négocier n’importe quoi, en affaires ou en politique, il faut que les parties étrangères ou locales passent par lui. Comme Berluscone ou comme Somoza jadis, un milliardaire au pouvoir cela combine forcément les deux jeux de société que sont «Diplomacy» et «Monopoly». Sur ces deux créneaux, l’influence se mesure en réalisations et les réalisations en marques déposées...»
Toujours est-il que, dans cette affaire, M. Hariri se heurte à une résistance opiniâtre: les ministres et députés qui tiennent au label «Camille-Chamoun» vont exiger du département tutélaire, l’Education nationale, qu’il affiche sans tarder cette appellation au fronton de la Cité.
Ph. A.-A.
Une tempête dans un verre d’eau, beaucoup de bruit pour rien et pourtant cette histoire de l’appellation de la Cité sportive a failli mettre le feu aux poudres, voire provoquer l’éclatement du Cabinet. Mercredi dernier, en effet, à l’issue du Conseil des ministres, certains membres du gouvernement, ulcérés par l’attitude radicale du président du Conseil qui se disait...