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Actualités - REPORTAGE

A Beiteddine, Youssef Chahine en personne le 6 août pour présenter "le destin" (photos)

«Je serai très heureux de revenir au Liban, sur les lieux du tournage de mon dernier film». C’est ce qu’a déclaré à Damas où il nous reçoit le grand cinéaste Youssef Chahine, à l’occasion de la projection privée (pour le ministère syrien de la Culture) de son long métrage «Le Destin». En effet, c’est dans le cadre du Festival de Beiteddine, plus précisément le 6 août, que ce film présenté en compétition officielle pour la Palme d’Or du Festival de Canne, sera projeté pour une séance unique.
Dédié à la raison et à l’intelligence opposées à l’intégrisme et à l’obscurantisme, «Le Destin» — l’histoire du philosophe Averroès conseiller du calife de Cordoue al-Mansour, au XIIe siècle — a été tourné dans le palais de Beiteddine, à Deir el-Kamar, Jahilié, Moultaka el-Nahrein, Nahr Ibrahim, à Laklouk mais aussi en Syrie (Crack des Chevaliers et Maaloula) comme dans le Languedoc. Dans le générique, le cinéaste adresse ses remerciements à Mme Elias Hraoui, à M. et Mme Walid Joumblatt qui lui ont facilité le travail et à l’armée libanaise qui a fourni bénévolement 500 soldats figurants.
«Grenade, Cordoue, Séville ne sont plus l’Andalousie de mon imaginaire. Par ailleurs, il y avait une impossibilité physique de tourner dans ces endroits pris d’assaut par des centaines de milliers de touristes», dit Youssef Chahine qui indique qu’«une visite préliminaire au Liban m’a permis de découvrir des sites aux couleurs de l’Andalousie. J’ai longuement sillonné le Chouf pour étudier la lumière et le vent. La préparation était excessivement minutieuse: J’ai pris quelque 3.000 photographies pour m’imprégner de l’atmosphère, pour m’approprier les lieux et les détourner au profit de mes plans et de ma caméra. En bref, je ne suis pas de ceux qui travaillent suivant l’inspiration de la dernière minute et la spontanéité du moment. Pour moi, le cadrage vient durant la période de repérage. Aussi, lors du tournage, je suis entièrement disponible pour diriger les acteurs...»
Comme toile de fond du film, la montée de l’intégrisme au sein du califat et les méthodes d’endoctrinement des fondamentalistes cordouans à la tunique verte. «Je parle d’une expérience vécue. L’interdiction de mon film «L’Emigré» est similaire à l’autodafé des livres d’Averroès. Le même sentiment face à un travail, à une pensée, à une réflexion qu’on foule aux pieds. C’est une injustice révoltante qui me remplit d’indignation et de colère. L’homme est nécessairement révolté ou résigné. Moi, je préfère périr, me tuer ou être tué que me taire...» Comme le dit Avarroès dans le film: «Quelle différence si je crève dans mon lit ou dans la rue? «C’est mieux dans mon lit, s’il y a moyen, mais je ne cesserai de dénoncer les abus», dit Youssef Chahine.
Autre expérience également vécue: l’histoire du jeune Abdallah, endoctriné par les fondamentalistes, est en fait celle d’un jeune acteur qui avait joué dans «Alexandrie Pourquoi?» «Il était absolument génial. On pouvait communiquer à travers le regard. Je n’avais même pas besoin de lui parler, de lui expliquer ce que j’attendais de lui. Mais voilà que pendant le tournage du «6e jour», d’un coup, le regard s’était figé; il avait une haine, cette colère des faibles, qui s’était allumée en lui… Trois semaines après le début du tournage, il n’avait plus aucun contact ni avec l’équipe, ni avec ses amis, ni avec ses parents... Comment un être peut-il changer radicalement et en si peu de temps? J’ai voulu alors aller au fond des choses, étudier ce phénomène de sectes et de lavage de cerveau. J’ai découvert la souffrance de quelqu’un à qui on demande de ne pas penser. La souffrance de celui à qui on vole le fils ou le frère. Les hypocrisies de la société. La dignité bafouée...»
Youssef Chahine laisse exploser sa colère contre ceux «qui accaparent le monopole de Dieu; ceux qui accaparent le monopole de la connaissance». Il dit être prêt à faire face à toutes les tribulations qu’il rencontre ou qu’il rencontrera. Et de conclure: «Dieu est mon copain»… Cet homme ne baissera pas le bras.
Signalons que «Le Destin» sortira le 18 août en Egypte.

Propos recueillis par
May MAKAREM
«Je serai très heureux de revenir au Liban, sur les lieux du tournage de mon dernier film». C’est ce qu’a déclaré à Damas où il nous reçoit le grand cinéaste Youssef Chahine, à l’occasion de la projection privée (pour le ministère syrien de la Culture) de son long métrage «Le Destin». En effet, c’est dans le cadre du Festival de Beiteddine, plus précisément le...