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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

Reprochant au gouvernement de prendre des décisions sans les consulter Les organismes économiques réclament la révision des dernières mesures protectionnistes

Ils ne s’étaient pas réunis de la sorte, au grand complet (ou presque), depuis longtemps. Il aura fallu l’onde de choc provoquée par les mesures protectionnistes adoptées le 10 juin dernier par le gouvernement pour les inciter à se retrouver autour de la même table. A la suite de concertations informelles entreprises après les décisions controversées du Conseil des ministres, les dirigeants des organismes économiques ont ainsi tenu une réunion élargie, hier, au siège de la Chambre de commerce et d’industrie, à Sanayeh. Les récentes mesures annoncées par le Cabinet Hariri, concernant l’augmentation des taxes sur les voitures et la protection de la production agricole libanaise, étaient, comme prévu, à l’ordre du jour de ces assises du secteur privé.
Etaient notamment présents à cette rencontre, le président de la CCIB, M. Adnane Kassar, le président de l’association des Banques, M. François Bassile, le président de l’association des industriels, M. Jacques Sarraf, le président du syndicat des entrepreneurs, M. Fouad el-Khazen, le vice-président du syndicat des agents importateurs de voitures, M. Samir Homsi, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Saïda, M. Mohammed Zaatari, ainsi que plusieurs autres chefs d’entreprises, responsables et représentants des différents secteurs économiques.
Deux thèmes principaux ont dominé les débats au cours de cette réunion: le rejet de toute mesure susceptible de porter atteinte au principe même le l’économie libre; et la nécessité de consulter le secteur privé, représenté par les organismes économiques, avant toute décision importante que le gouvernement serait amené à prendre dans le domaine économique. La quasi totalité des intervenants lors de la réunion d’hier devaient d’ailleurs stigmatiser le fait que les responsables aient adopté les dernières mesures protectionnistes sans prendre la peine de consulter au préalable les dirigeants des organismes économiques. Ce dernier point ainsi que la teneur des deux thèmes susmentionnés qui ont dominé les débats ont fait l’objet d’un communiqué conjoint qui a été publié par les organismes économiques à l’issue de la réunion élargie.
La séance a été ouverte peu après 12 heures 30 par une courte intervention de M. Adnane Kassar qui a déploré sans détours l’attitude désinvolte du gouvernement dans l’affaire des dernières mesures protectionnistes. «Quel est notre rôle ici?, s’est notamment interrogé le président de la CCIB. Le monde entier fait preuve de sollicitude envers le secteur privé. Lorsque des délégations étrangères rendent visite au Liban, on nous contacte pour organiser des entretiens avec ces délégations. Mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, on nous ignore. Le secteur privé a fait ses preuves au cours des dix-huit années de guerre. Si nous n’avions pas tenu le coup durant toutes ces années, la solution politique n’aurait pas été possible et le pays n’aurait pas pu être engagé sur la voie du redressement».
Après avoir reproché clairement au gouvernement de n’avoir pas consulté au préalable les organismes économiques, M. Kassar a déclaré: «Il n’est pas concevable que notre rôle soit marginalisé. Il n’est pas acceptable que des décisions soient façonnées sur mesure et qu’elles nous soient imposées. Quelle pourrait être notre position face à l’étranger lorsque les fondements même de notre économie sont ébranlés? On commence aujourd’hui par certains produits, et demain le tour d’autres produits et d’autres secteurs viendra peut-être. Les mesures qui ont été adoptées ont-elles été prises sur base d’études sérieuses et correctes? Il est certes nécessaire de soutenir le secteur agricole, mais ce n’est pas grâce à de telles mesures que l’on pourra atteindre cet objectif».
Les débats ont porté ensuite, dans un premier temps, sur le volet de la politique agricole. La plupart des intervenants ont rejeté sur ce plan le principe même de l’interdiction des importations de produits étrangers.
Prenant la parole, M. Khalil Fattal a commencé par reprocher au gouvernement de n’avoir pas consulté les organismes économiques avant de prendre les dernières décisions. «Les entreprises libanaises ont effectué des investissements de plusieurs millions de dollars sur base de la pérennité de l’économie libre, et voici que le Conseil des ministres décide, sans concertation aucune avec les secteurs concernés, d’interdire certains produits, a souligné M. Fattal. Il y a là de quoi ébranler la confiance, malgré toutes les assurances, car qui peut nous garantir que demain ce ne sera pas le tour d’autres produits»?

Après avoir souligné que le principe même de l’interdiction des importations est contraire à la constitution, M. Fattal a précisé que si une telle mesure est jugée nécessaire dans certains cas, elle devrait au moins être examinée et adoptée par le Parlement. M. Fattal a, d’autre part, affirmé qu’il est favorable à l’augmentation des taxes sur certains produits importés «à condition que les revenus de ces taxes soient réinvestis pour développer l’agriculture et l’industrie». En clair, les rentrées provenant de ces taxes ne devraient pas, le cas échéant, être utilisées d’une manière improductive, à savoir pour le versement des salaires des fonctionnaires.

Pour sa part, M. Raphaël Debbané (l’un des principaux représentants du secteur agricole) devait relever une faille fondamentale dans les dernières décisions gouvernementales: l’amalgame établi entre les produits agricoles frais, tels que les fruits et les légumes plantés par les agriculteurs, et les produits agroalimentaires industrialisés. M. Debbané devait souligner que toute politique agricole doit nécessairement établir une nette distinction entre ces deux volets (les produits frais et les produits industrialisés). M. Debbané a, par ailleurs, souligné qu’il n’est pas suffisant que le secteur privé soit consulté et qu’il donne sont point de vue. «Encore faut-il tenir compte du point de vue exprimé par les organismes économiques et le secteur privé», a souligné M. Debbané.
Quant à M. Roy Badaro, membre du conseil d’administration de la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth, il devait exprimer la crainte que les récentes mesures protectionnistes ne cachent en filigrane «un nouveau projet de société». M. Badaro a souligné sur ce plan qu’il est nécessaire d’élucider les mécanismes de prise de décision pour ce qui a trait à la politique économique.
M. Joseph Massoud, président du syndicat des importateurs de produits alimentaires, a souligné qu’il faudrait savoir si la production agricole locale est suffisante pour couvrir les besoins de l’industrie des produits alimentaires de grande consommation.
Prenant à son tour la parole, M. Jacques Sarraf s’est d’abord félicité de la présence des principaux dirigeants des organismes économiques autour de la même table, déplorant que de telles réunions ne soient envisagées qu’en cas de crise. M. Sarraf a par ailleurs invité les divers secteurs et entreprises à élaborer d’une manière continue des études statistiques et des rapports détaillés afin que les responsables du secteur privé puissent présenter des documents solides au gouvernement en vue de l’élaboration d’une vision économique claire et rationnelle. M. Sarraf a appuyé, en outre, la proposition de M. Fattal visant à consacrer les recettes douanières sur les produits importés au développement des secteurs de l’industrie et de l’agriculture.
Le dossier de la politique agricole ayant été discuté sous tous ses angles, la parole a été donnée, au cours de la deuxième partie de la réunion, au syndicat des agents importateurs de voitures dont le vice-président, M. Samir Homsi, qui a rappelé que près de 20.000 personnes sont employées par les agents importateurs. «Le monde entier s’oriente vers une économie libérale, et chez nous, nous allons à reculons», a souligné M. Homsi. Après avoir déploré le fait qu’aucun secteur n’a été consulté par le gouvernement avant l’adoption des dernières mesures, M. Homsi a souligné que la décision du gouvernement d’imposer des taxes exorbitantes sur les voitures équivaut à suspendre de facto une vaste gamme de voitures. En conclusion, M. Homsi a souligné la nécessité d’engager un dialogue urgent avec le gouvernement au sujet de cette affaire.

Le communiqué conjoint

Au terme de la réunion, les représentants des différents organismes économiques ont publié un communiqué conjoint soulevant les principaux points suivants:
— Les organismes économiques déplorent que le gouvernement ait adopté des décisions qui ont des conséquences néfastes sur l’ensemble de la conjoncture économique sans avoir consulté au préalable les représentants de ces organismes.
— Les organismes économiques réaffirment leur attachement au système économique libre. Ils ne resteront pas les bras croisés face aux tentatives visant à porter atteinte aux fondements de ce système libéral.
— Les organismes économiques invitent le gouvernement à prendre les mesures suivantes:
l Elaborer un plan économique clair, en collaboration avec les organismes économiques.
l Créer un Conseil supérieur pour le développement économique qui regrouperait des représentants des secteurs public et privé. La mission de ce conseil serait de proposer et de définir les grandes orientations de la politique économique et d’établir une coordination entre les parties concernées afin d’appliquer ces orientations.
l Adopter une politique agricole claire fondée sur des données scientifiques et qui prendrait en considération le potentiel de la production locale et les besoins de la consommation.
Les organismes économiques ont invité dans ce cadre le gouvernement à «réviser les mesures» adoptées le 10 juin. Ils ont décidé sur ce plan de tenir une réunion avec le premier ministre Rafic Hariri afin de lui exposer leur point de vue concernant les décisions du gouvernement.
Ils ne s’étaient pas réunis de la sorte, au grand complet (ou presque), depuis longtemps. Il aura fallu l’onde de choc provoquée par les mesures protectionnistes adoptées le 10 juin dernier par le gouvernement pour les inciter à se retrouver autour de la même table. A la suite de concertations informelles entreprises après les décisions controversées du Conseil des...