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Actualités - CHRONOLOGIE

L'ouverture syro-libanaise sur l'Irak se précise Boueiz favorable à la relance des échanges économiques avec Bagdad, mais juge prématurée une réconciliation politique

L’ouverture du Liban et de la Syrie sur l’Irak se précise de jour en jour, dans un contexte marqué par les efforts soutenus de Damas de briser l’étau que constituerait ce qu’il est convenu d’appeler l’«axe» israélo-turc et d’empêcher la lente intégration de l’Etat hébreu dans l’espace économique de la région.
Les visites de délégations économiques libanaise et syrienne à Bagdad se succèdent à un rythme grandissant et, en sens inverse, des délégations irakiennes sont attendues très prochainement dans les deux pays. Dans le même temps, les préparatifs se poursuivent pour la réouverture de postes-frontières entre la Syrie et l’Irak.
Une fois de plus, la hantise de l’encerclement, une constante de l’histoire de la Syrie contemporaine, aura donc permis d’assister à un retournement majeur — qui, pour le moment, en est encore à ses débuts — tel que le rétablissement des ponts avec un Etat toujours dirigé par le frère ennemi mortel, Saddam Hussein.
Le Liban, bien évidemment, suit. Damas et Beyrouth sont en effet alarmés depuis plusieurs mois par la coopération militaire entre Ankara et Tel-Aviv, qui se développe sous l’encadrement bienveillant de Washington et qui doit être consacrée bientôt par des manœuvres militaires communes en Méditerranée.
Ils sont aussi inquiets d’une possible participation d’Israël, pour la troisième fois, à la conférence économique pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, prévue cette année au Qatar, en novembre prochain. C’est pour essayer d’empêcher une telle réunion que le vice-président syrien Abdel Halim Khaddam et le ministre des Affaires étrangères Farouk el-Chareh ont récemment effectué une tournée dans les pays arabes, achevée la semaine dernière à Beyrouth.
L’Irak, pour sa part, étant donné les circonstances dans lesquelles il est placé depuis bientôt sept ans, ne pouvait que se réjouir à l’idée d’un nouveau démarrage avec ses deux voisins de l’ouest, partenaires économiques naturels.
Toujours est-il qu’au niveau officiel, les démarches de raccommodage restent prudentes, et même très prudentes. Ainsi, donnant hier son aval à une relance des échanges économiques avec Bagdad, vivement souhaitée par les milieux économiques, le chef de la diplomatie Farès Boueiz a pris soin d’opérer une distinction entre l’Etat et le peuple irakien, soulignant en substance que s’il était permis de commercer avec le second, on ne saurait pour le moment songer à une réconciliation avec le premier.

«Trop tôt» pour
rétablir les relations

Au cours d’une conférence de presse, M. Boueiz a ainsi estimé qu’il était «encore trop tôt» pour rétablir les relations diplomatiques avec Bagdad, rompues en 1994.
Il a précisé à ce sujet que Bagdad avait, dès la rupture des relations, exprimé la volonté de normaliser ses rapports avec Beyrouth. «De toutes les manières, nous ne ferons rien de rapide ou de sensationnel au niveau politique», a-t-il dit.
«Pour le moment, il est question uniquement de relations économiques et des démarches que nous estimons nécessaires pour défendre les intérêts libanais», a-t-il ajouté, tout en évoquant l’éventualité de nommer dans le futur un attaché commercial.
Le président de l’Association des industriels, Jacques Sarraf, avait annoncé samedi une prochaine reprise des relations diplomatiques avec l’Irak.
«Il est nécessaire de faire la différence entre la souffrance du peuple irakien et les relations politiques. Le peuple arabe irakien a des besoins et nous ne
voyons pas d’inconvénients aux échanges qui ont lieu entre secteurs privés libanais et irakien», a poursuivi M. Boueiz.
«Nous ne sommes pas en faveur de l’étau économique imposé à l’Irak même si nous avons été les seuls à respecter à la lettre les résolutions de l’ONU, et continuerons à le faire, alors que d’autres pays les ont contournées par des voies illégales ou par le biais de la contrebande», a ajouté le chef de la diplomatie.

La délégation
libanaise à Bagdad

Pendant ce temps, la délégation industrielle libanaise, qui avait entamé dimanche ses contacts à Bagdad, poursuivait hier ses rencontres visant à sonder les perspectives d’échanges commerciaux, alors que l’Irak se prépare à envoyer pour la première fois une délégation économique à Beyrouth.
«Nous ne sommes pas venus à Bagdad pour conclure des contrats mais pour étudier les domaines dans lesquels les hommes d’affaires libanais et irakiens peuvent coopérer», a déclaré à l’AFP le chef de la délégation libanaise Nabil Ladki.
«Nous voulons également nous informer des possibilités d’investissements communs entre les hommes d’affaires des deux pays dans les domaines industriel et des services», a-t-il ajouté.
Il a indiqué que les Chambres de commerce et d’industrie de Beyrouth et de Tripoli (nord) «ont invité des hommes d’affaires irakiens à se rendre au Liban».
Le journal officiel irakien al-Joumhouriya a annoncé qu’une délégation irakienne dirigée par le président de l’Union des Chambres de commerce, Zouheir Abdel Ghafour Younès, se rendrait début juillet à Beyrouth «pour poursuivre les discussions visant à conclure des contrats dans le cadre de la résolution «pétrole contre nourriture» de l’ONU».
Cet accord permet à l’Irak, soumis à un embargo international depuis 1990, d’exporter du pétrole pour deux milliards de dollars par semestre afin d’acheter des vivres et des médicaments.
«Nous espérons la réouverture prochaine de l’ambassade du Liban à Bagdad», a pour sa part déclaré à l’AFP un autre membre de la délégation libanaise Georges Nasraoui.
Avant l’invasion du Koweit en août 1990, les exportations du Liban vers l’Irak représentaient 20% du total de ses exportations.

Les préparatifs
syro-irakiens

La présence des hommes d’affaires libanais a coïncidé avec la visite à Bagdad de la deuxième délégation économique syrienne en moins d’un mois.
Samedi, l’Irak a signé ses premiers contrats avec cette délégation pour l’importation de produits alimentaires.
En outre, selon l’agence officielle irakienne INA, des sociétés pharmaceutiques syriennes doivent organiser une foire à Bagdad au cours de la deuxième moitié de juin pour faire connaître leurs produits.
Une délégation irakienne dirigée par M. Younès est attendue vendredi à Damas pour examiner avec des responsables syriens «le développement d’un mécanisme (d’échange) commercial dans le cadre de l’accord pétrole contre nourriture», selon M. Saleh Mallah, président de la Chambre de commerce d’Alep (nord), cité par l’AFP.
L’Irak, et la Syrie, dont les relations diplomatiques sont rompues depuis 1980, avaient annoncé le 2 juin que leurs frontières, fermées depuis 1982, seraient rouvertes pour les hommes d’affaires et les marchandises.
La délégation libanaise de sept membres est arrivée à Bagdad par la route, à travers la frontière syro-irakienne.
La presse à Bagdad a annoncé lundi que la direction des douanes irakiennes avait pris les dispositions nécessaires pour la réouverture formelle des postes-frontières avec la Syrie, fermées depuis 15 ans.
Selon le directeur général des douanes irakiennes, Hamid Mahmoud, cité par les journaux, son service «a pris les mesures nécessaires pour la réouverture du poste-frontière d’Abou Kamal et a pris ses dispositions pour celle du poste d’al-Tanaf».
Pour M. Mahmoud, «ces mesures s’inscrivent dans le cadre des préparatifs pour l’application des contrats passés entre l’Irak et des compagnies syriennes pour l’importation de vivres».
L’ouverture du Liban et de la Syrie sur l’Irak se précise de jour en jour, dans un contexte marqué par les efforts soutenus de Damas de briser l’étau que constituerait ce qu’il est convenu d’appeler l’«axe» israélo-turc et d’empêcher la lente intégration de l’Etat hébreu dans l’espace économique de la région.Les visites de délégations économiques...