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Actualités - CHRONOLOGIE

Les rescapés de l'enfer de Freetown rentrent les mains vides au Liban

Le pont aérien mis en place pour rapatrier les Libanais de la Sierra Leone se poursuit. Au fur et à mesure que les rescapés de Freetown rentrent au pays, se précisent les détails de l’enfer qu’ils ont vécu. Voici à ce sujet un témoignage:
«Nous avions fui l’enfer de Beyrouth pour la Sierra Leone il y a huit ans. Nous voici fuyant celui de Freetown, mais cette fois les mains vides», raconte Ghada, 45 ans, arrivée hier à Beyrouth.
Elle avait quitté Beyrouth avec son mari Fouad, 37 ans, lorsque les combats faisaient rage en 1989, à l’instar d’un million de Libanais qui ont fui le pays à différentes étapes du conflit pour construire leur avenir ailleurs.
Fouad, qui tient sa fille unique de six ans, Sabine, sur les genoux, raconte comment il avait alors bradé son appartement à Beyrouth et un lopin de terre qu’il possédait au Liban-Sud pour aller s’établir à Freetown, où des parents de son épouse résident depuis des dizaines d’années.
«J’ai tout investi là-bas dans une usine de meubles. Tout le fruit de mon labeur a été réduit en cendres: ils ont pillé la maison et l’usine et les ont incendiées. Que faire maintenant, par où commencer avec la crise économique qui sévit», s’interroge-t-il.
Imad Mrad, 39 ans, qui travaillait avec son père, établi à Freetown depuis 60 ans, a regagné lundi le Liban, et trouvé refuge chez des proches avec sa femme Lamia, et ses trois enfants, Nader, Mohammad et Fadi, âgés de 11 à 13 ans.
Imad a fait des études secondaires à Beyrouth et des études universitaires de gestion à Londres. Il est détenteur, comme la plupart des Libanais nés en Sierra Leone, ancien membre du Commonwealth, d’un passeport britannique, et possède une usine de produits cosmétiques et une société de commerce.
«Nous avons vécu six jours effrayants à Freetown, fuyant de maison à maison les bandes de pillards armés qui défonçaient les portes, volant tout ce qu’ils pouvaient porter et menaçant de tout brûler», raconte-t-il.
«Nous cachions les femmes et les enfants et plus d’une fois nous avons été battus lors des négociations avec les pillards qui, parfois, se contentaient d’un billet de cinq dollars», ajoute-t-il.
«Un jour, une trentaine d’hommes armés de fusils-mitrailleurs et de roquettes antichar ont pénétré dans la maison attenante et ont tour à tour violé ses deux occupantes belges. Nous entendions leurs cris sans pouvoir venir à leur secours», dit-il.
Lamia se souvient des tentatives répétées de monter à bord des navires de la marine américaine. «Nous allions bien avant l’heure prévue, à la pointe du jour, et nous étions surpris de voir des milliers de gens en attente, ou alors il n’y avait personne et le rendez-vous n’était qu’une rumeur».
C’est seulement samedi que Imad et sa famille ont pu monter à bord d’un navire de la marine française qui a participé aux opérations d’évacuation. «Je faisais une dépression nerveuse, mais les marins ont été d’une gentillesse absolue, ils se sont occupés des enfants et ont pris soin de tout», raconte Lamia.
«Plus jamais je ne retournerai à Freetown, même si la sécurité est rétablie. Les Libanais étaient la cible privilégiée des pillards», affirme-t-elle. «Bien sûr, ils croient que nous les exploitons alors que sans nos usines, ils seraient au chômage», l’interrompt son fils Nader, 13 ans.
Imad, lui, veut retourner dès la première amélioration de la situation pour voir où en sont ses affaires. «J’ai fait l’erreur de ne pas avoir pensé acheter un appartement à Beyrouth», dit-il, précisant que le coup d’État militaire du 25 mai avait «surpris tout le monde à Freetown où les affaires prospéraient depuis les élections législatives» de 1996.
Le pont aérien mis en place pour rapatrier les Libanais de la Sierra Leone se poursuit. Au fur et à mesure que les rescapés de Freetown rentrent au pays, se précisent les détails de l’enfer qu’ils ont vécu. Voici à ce sujet un témoignage: «Nous avions fui l’enfer de Beyrouth pour la Sierra Leone il y a huit ans. Nous voici fuyant celui de Freetown, mais cette fois les...