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Actualités - ANALYSE

La visite de Bachar El-Assad à Bkerké n'est pas du tout certaine, confirme-t-on à l'est

Une dérive médiatique qui a absolument sidéré Bkerké et il faut avouer qu’il y a de quoi: des médias ont annoncé sans broncher que M. Bachar el-Assad avait rendu visite samedi au cardinal Sfeir, tandis que d’autres affirmaient que la démarche aurait lieu dans le courant de la semaine... Tout ce petit monde faisant semblant d’ignorer que les portes du siège patriarcal sont closes pour plusieurs jours, à cause du conclave qui groupe les évêques maronites venus des quatre coins du monde.
Cette assemblée doit élire trois nouveaux évêques, un pour Tripoli, le deuxième pour Alep et le troisième pour remplacer Mgr Boulos Matar, nommé il y a quelques mois à Beyrouth comme vicaire patriarcal à Bkerké même.
Bien entendu le siège patriarcal s’est abstenu de tout commentaire officiel sur les spéculations frénétiques concernant la visite du fils du président Assad, qu’on présente souvent comme son dauphin, et sur l’évolution des relations avec Damas qu’une telle initiative impliquerait. Certes Mgr Sfeir, interrogé sur M. Bachar el-Assad, a déclaré que les portes de Bkerké sont grandes ouvertes devant tout le monde... «Mais, explique une source ecclésiastique, il semble que les indications fournies par certains soient finalement inexactes. Ces assurances avaient été fournies avec tant... d’assurance qu’on leur a prêté un crédit partiel, avant de vérifier qu’il s’agissait en réalité de fabulations qu’on a fait circuler pour les exploiter à des fins tactiques. En pratique il n’y a pas eu de contacts pour fixer rendez-vous à M. el-Assad et s’il a l’intention de visiter Bkerké il n’en a pas fait part aux services du patriarcat, ni directement ni par amis communs interposés». A ce stade, on se pose donc les questions suivantes: qui a fait courir le bruit de cette visite; pourquoi les médias s’en sont-ils emparés sans retenue; à quoi vise l’opération d’intox s’il s’agit d’une fausse piste; et peut-on, enfin, penser que l’intention y était mais qu’on y a en définitive renoncé...
Il n’y a pas de réponse brute, nette, précise et tranchée à ces spéculations sur les spéculations. Un politicien informé indique pour sa part qu’il y a eu «une sorte de génération spontanée tout à fait naturelle de l’idée d’un dialogue syro-chrétien, dans le droit fil de la visite et de l’Exhortation papales. Une idée «intéressante» à plus d’un titre que des pôles locaux connus pour leur propension à se poser en parrains de tout arrangement ont sans doute tenté d’exploiter à fond. Pour donner du corps au concept d’un contact syro-patriarcal direct ils ont voulu probablement le présenter comme un fait pratiquement acquis, en multipliant à ce sujet les habituelles «confidences off record» à destination des journalistes qui ont tout pris pour argent comptant. Et on les comprend: comment se méfier de sources aussi bien placées au niveau du pouvoir... Il y a donc eu «manipulation de l’opinion» si on veut, mais d’une façon qui dénote le parfait amateurisme, voire la maladresse politique chronique, des apprentis sorciers en place».

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Mais qui sont ces parties? «Les hommes politiques qu’on entend faire des déclarations sur la nécessité d’un rapprochement entre Bkerké et Damas...» répond cette personnalité qui se hâte ensuite de dédouaner «le président Rafic Hariri qui certifie qu’il n’a rien à voir avec cette histoire, qu’il ne s’en mêle pas et qu’il ne participe aux préparatifs d’aucune démarche. Le chef du gouvernement, ajoute cette source, est certes pour le dialogue libano-syrien mais il pense que les échanges doivent se dérouler d’Etat à Etat, non entre la Syrie et les communautés libanaises prises ensemble ou une par une. Etant bien entendu que les autorités libanaises, représentant tout le pays politique, exposeraient dans le cadre du dialogue avec Damas les points essentiels que chaque communauté leur aura confiés...»
Ces précisions sont cependant contestées par un opposant ultra de l’Est qui attribue «aux haririens la propagation des rumeurs actuelles». Et d’ajouter qu’il croit savoir que lors de sa rencontre avec M. el-Assad à Chtaura «le président Hariri a évoqué le contentieux des rapports de Damas avec les chrétiens, en indiquant que si ces derniers se montraient butés, on ferait pression sur eux via le Vatican, ajoutant toutefois qu’il lui semblait que Bkerké, après la visite papale, était plus ouvert à un rapprochement avec Damas».
Cela ne signifie pas cependant que M. Hariri ait conseillé un dialogue direct autant qu’accéléré... Il se doute en effet, car cela saute aux yeux, que pour l’ensemble de l’Est politique comme pour Bkerké ce sont des constantes de fond qui sont en jeu, et non un rabibochage de surface. De ce fait même la plupart des leaderships de l’Est, en exil ou résidents, n’ont pas caché qu’ils se méfient d’un dialogue qui, engagé dans un rapport de forces évidemment défavorable, déboucherait pour leur camp sur un nouvel affaiblissement plutôt que sur le triomphe des idées d’indépendance et de souveraineté nationale qu’ils défendent. Ces appréhensions, le président Amine Gemayel les a exprimées dans une missive qu’il a adressée récemment au patriarche Sfeir tandis que le général Aoun détaillait de semblables inquiétudes devant ses visiteurs à la Haute Maison.
L’hypothèse d’une visite de M. Bachar el-Assad à Bkerké semblant s’éloigner, les deux hommes doivent se sentir plutôt rassurés...
P.A-A.
Une dérive médiatique qui a absolument sidéré Bkerké et il faut avouer qu’il y a de quoi: des médias ont annoncé sans broncher que M. Bachar el-Assad avait rendu visite samedi au cardinal Sfeir, tandis que d’autres affirmaient que la démarche aurait lieu dans le courant de la semaine... Tout ce petit monde faisant semblant d’ignorer que les portes du siège patriarcal...