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Actualités - CHRONOLOGIE

Un départ dans la simplicité et l'émotion

«La visite a atteint son objectif; aux Libanais
d’agir maintenant», nous déclare Silvestrini
Ce n’étaient que 32 heures mais pour les Libanais, elles ont semblé une éternité. Et lorsqu’à la fin d’un séjour si riche en émotions d’une intensité extraordinaire le Saint-Père a béni une dernière fois le pays des cèdres, c’était comme s’il ouvrait au petit comité venu lui faire ses adieux les portes du paradis. Le moment est si fort que les larmes coulent, incontrôlables. Les quelques personnes présentes voudraient retenir encore un peu celui qui a réussi cette formidable mobilisation des Libanais, positions sociales et confessions confondues. Il est déjà au seuil de l’avion, mais les journalistes l’acclament encore et, à sa manière sereine, il se retourne une nouvelle fois, levant le bras, comme il l’a fait si souvent au cours de ces deux journées historiques. Quelques secondes et il est déjà parti, mais son aura semble encore flotter dans l’air.
Le Liban touché par la grâce divine? Hier, à l’AIB, cela semblait une réalité. C’était comme si, soudain, le temps paraissait plus clément, les responsables plus unis — oubliant pour un moment leurs traditionnelles querelles —, les soldats détendus et amicaux et les dignitaires religieux moins impressionnants, leurs longues robes frémissant à la brise du soir. Durant quelques minutes, les martyrs de Cana ont retrouvé tous les autres morts tombés pendant la guerre du Liban, dans des camps ennemis. La réconciliation, l’entente et la construction véritable d’un avenir commun, on y croyait presque. Et le petit discours improvisé du chef de l’Etat alors, que l’avion du pape disparaissait à l’horizon, semblait refléter cet état d’esprit. Tout en insistant sur le défi que représentait cette visite, notamment sur le plan de la sécurité «alors que certains pays continuent à la mettre en doute», M. Hraoui a estimé que la venue du pape est une victoire pour le Liban et il a remercié tous ceux qui ont participé à sa réussite: aussi bien les jeunes et les moins jeunes qui ont parcouru un long chemin pour apercevoir le Saint-Père que les journalistes et les forces militaires. Le président a ensuite remercié Dieu, qui a permis au Liban d’accueillir sur son sol un hôte d’une telle importance...
Si donc l’accueil officiel à l’AIB avait été particulièrement impressionnant de majesté et d’affluence de personnalités l’adieu, lui, semblait plus intime, comme s’il s’adressait à un être très cher.
A partir de 16 heures, les préparatifs commencent. Mesures de sécurité, accueil des journalistes accompagnant le pape, inspection et équipement de l’avion de la MEA affrêté pour ramener le Saint-Père à Rome et nettoyage, à l’aide d’un aspirateur, du tapis rouge menant à la passerelle de l’avion. M. Khattar Hadathé, responsable des relations publiques de la MEA, multiplie les allées et venues. On apprend ainsi qu’au cours de son voyage de retour à Rome, le pape se verra servir en entrée du saumon fumé ou des crevettes cocktail, en plat principal, un steak au poivre avec des haricots, des pommes de terre et des carottes ou un chiche taouk accompagné de riz oriental, une salade de saison, du formage et des fruits du Liban, le tout arrosé de vin français ou libanais.
Vers 18h, les hélicoptères de la FINUL décollent pour Bkerké afin de ramener le Saint Père, et les responsables commencent à arriver. Les représentants des différentes communautés religieuses prennent place dans le salon d’honneur, ainsi que le ministre des Affaires étrangères, Farès Boueiz, et le vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli. Le vice-président du Conseil, M. Michel Murr, préfère se promener longuement sur le tarmac en compagnie du commandant de l’armée, le général Emile Lahoud. Un peu avant 19h, c’est au tour du président du Conseil, suivi du président de la Chambre, d’arriver sur place. Quelques minutes plus tard, apparaît la longue limousine du chef de l’Etat alors que des vrombissements se font entendre dans le ciel. Le pape est dans le troisième hélicoptère blanc du bataillon italien de la FINUL, escorté par des hélicoptères de l’armée.
Le patriarche maronite, véritablement consacré par cette visite papale, se rend à pied à la tribune en compagnie du nonce apostolique, Mgr Pablo Puente, et des cardinaux accompagnant le Saint-Père.

Une visite
extraordinaire
et étonnante

Pendant ce temps, la limousine présidentielle ayant à son bord M. Hraoui se gare devant l’hélicoptère pour emmener le pape. Interrogé par «L’Orient-Le Jour», Mgr Silvestrini (chargé du Proche-Orient au Vatican) s’écrie: «C’est une visite étonnante, extraordinaire. Le préfet de la maison pontificale, Mgr Mundous, qui a accompagné le pape dans la plupart de ses visites à l’étranger, vous dira qu’il a rarement vu un tel accueil et une telle affluence. A mon avis, la visite a atteint son objectif, puisqu’elle a donné un grand espoir aux Libanais. Désormais, c’est à eux d’agir...»
Mgr Mundous approuve vivement de la tête, avant de bénir les journalistes.
Le Saint-Père entame son dernier discours en terre libanaise. Et dans cette courte allocution où chaque mot est pesé, le Saint-Père insiste sur la nécessité de préserver le modèle libanais.
Le pape estime que c’est tous ensemble que les Libanais doivent œuvrer pour un avenir meilleur. La responsabilité, selon lui, en incombe aussi bien aux autorités qu’aux citoyens et, enfin, il souligne que la véritable valeur du Liban est dans le modèle de coexistence qu’il représente. S’il faut ne retenir qu’une idée de cette visite si riche, c’est bien celle-là, même si, pour certains, elle n’est pas la plus séduisante. Le ministre Boueiz ne n’y trompe pas lorsque, interrogé par «L’Orient-Le Jour», il déclare: «Le plus grand objectif de cette visite est de consacrer la viabilité de la formule de coexistence au Liban. Maintenant que le monde est en train de changer et que l’islam est devenu la seconde religion de France et de Grande-Bretagne, le pape estime qu’il est nécessaire de trouver une formule qui grandisse la coexistence entre les religions. Et à mon avis, ce qu’il a vu au Liban n’a pu que le conforter dans ses convictions conviviales». M. Boueiz précise que nul ne s’attendait à une telle affluence et que les pronostics les plus optimistes ne dépassaient pas la moitié des estimations actuelles. «Les Libanais ne sont donc pas démobilisés et ils ont répondu présents au rendez-vous de l’histoire».
Une histoire dont, hélas ils ne mesurent pas toujours l’importance, réduisant parfois la visite du pape qui concerne tous les chrétiens de la région à de petits paris et à des questions secondaires. Mais le Liban est ainsi, pays de contradictions, capable du pire, mais aussi du meilleur. Et, hier, le meilleur, c’était le Saint-Père. Si, à 20h, son avion n’était plus qu’une petite lumière dans le ciel, elle éclairera longtemps encore le cœur des Libanais.

S.H.

«La visite a atteint son objectif; aux Libanaisd’agir maintenant», nous déclare SilvestriniCe n’étaient que 32 heures mais pour les Libanais, elles ont semblé une éternité. Et lorsqu’à la fin d’un séjour si riche en émotions d’une intensité extraordinaire le Saint-Père a béni une dernière fois le pays des cèdres, c’était comme s’il ouvrait au petit comité...