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Actualités - ANALYSE

La prorogation de huit mois suscite toujours autant d'interrogations

Surprenante en soi, la brusque décision gouvernementale de proroger de huit mois le mandat de la Chambre continue à susciter beaucoup de spéculations. Personne ne prend en tout cas au sérieux l’excuse invoquée, à savoir le sauvetage de la saison touristique de l’été 2000.
Certains, férus d’équations harmonieuses, veulent voir dans ce geste une préparation diplomatique pour la prorogation d’un autre mandat, celui du président de la République. A leur avis, M. Elias Hraoui obtiendrait une deuxième rallonge de trois ans, ce qui lui permettrait de superviser au printemps de 2001 la mise en place de la prochaine législature qui aurait ensuite à élire son successeur. Cette thèse, indiquent ses défenseurs, s’articule sur une nécessité: maintenir un statu quo et des clés dont on est à peu près sûr, ce qui ne serait peut-être plus le cas si on devait avoir en 98 un nouveau président puis en 2000 une nouvelle Chambre dans un contexte de mutation régionale... Autrement dit, la «fidélité» à certaines amitiés des instances locales serait mieux garantie, en cas de changements sur la scène régionale avec les éléments déjà en place qu’avec des remplaçants qui seraient peut-être moins dociles. Toujours selon les mêmes sources, la formule allant dans le droit fil des précédents de 92, de 95 et de 96 permettrait de garder sous contrôle l’appareil étatique libanais au moins jusqu’à l’expiration du sexennat suivant, en 2007. Et, dans cet ordre d’idées, le régime ainsi que les autres dirigeants veilleraient à initier une loi électorale qui permettrait de continuer à empêcher l’opposition radicale de l’Est de mettre pied à l’étrier et d’avoir des représentants à la Chambre, au cas où l’envie lui prendrait de renoncer au boycott des élections législatives.
Et de répéter qu’un nouveau président en 98 pourrait être tenté de mener campagne, en trouvant facilement un écho favorable dans l’opinion publique, pour une loi électorale saine, susceptible d’assurer la participation et la représentation de tous.

Action

Partant de là, ces sources soulignent que si l’on veut militer pour la démocratie en s’opposant à une nouvelle prorogation du mandat présidentiel, il faut commencer par se battre contre la rallonge offerte aux députés pour les amadouer. A l’instar de M. Sélim Hoss, ces politiciens relèvent que «l’argument qu’on peut opposer au gouvernement est qu’il suffit d’avancer de trois mois les législatives prochaines pour éviter qu’elles se déroulent en été. Autrement, pour rester dans la légalité en obéissant à l’arrêt prohibitif du Conseil constitutionnel, il faudrait amender l’article 49 de cette Constitution dont le président de la République s’est fait le champion résolu dans l’affaire du retrait des amendements à la loi sur les municipalités».
En pratique, et après le tollé suscité par la décision gouvernementale même parmi les députés qui en seraient les bénéficiaires, les cercles politiques locaux se posent les questions suivantes:
— Pour ménager la chèvre et le chou, le chef de l’Etat ne va-t-il pas laisser le choix à la Chambre elle-même, en lui adressant deux projets contraires, l’un prévoyant la prorogation, l’autre la réduction de son mandat?
— Va-t-on attendre que le Conseil constitutionnel change d’abord de peau? Cette instance doit en effet remplacer sous peu, à cause de son système de rotation, cinq de ses membres, en plus de l’élection d’un sixième à la place de M. Wajdi Mallat, son président démissionnaire. Ainsi reformé le Conseil ne serait-il pas invité à casser son arrêt de l’été dernier, pour légaliser l’initiative gouvernementale de prorogation du mandat de la Chambre?
— M. Nabih Berry, qui n’a pas été consulté, ne va-t-il pas réagir en noyant le poisson et en retardant au maximum la transmission d’un projet de loi qui n’a du reste rien d’urgent aux commissions parlementaires?
— Toujours est-il qu’un ministre justifie l’action du gouvernement en soulignant que «ce dernier a voulu la prorogation pour que désormais les législatives aient lieu régulièrement au printemps et non plus en été, mesure qui lui semble judicieuse. Le gouvernement est donc tenu de la proposer au Parlement qui, à son tour, fait son choix, suivant le principe de la séparation des pouvoirs».
Et de soutenir qu’il est faux «de lier cette question à une éventuelle prorogation du mandat de M. Elias Hraoui car les justificatifs ne sauraient être les mêmes. Les circonstances pourraient en effet imposer une prorogation et pas l’autre...»
Sans compter, faut-il dire, qu’on n’a besoin ni de savoir ce que pensent les députés ni de les amadouer si l’on juge en haut lieu qu’il faut proroger le mandat du chef de l’Etat...

E.K.
Surprenante en soi, la brusque décision gouvernementale de proroger de huit mois le mandat de la Chambre continue à susciter beaucoup de spéculations. Personne ne prend en tout cas au sérieux l’excuse invoquée, à savoir le sauvetage de la saison touristique de l’été 2000.Certains, férus d’équations harmonieuses, veulent voir dans ce geste une préparation diplomatique...