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Actualités - ANALYSE

Le protocole spécial : une affaire de nuances... politiques

La présente République, rengainant son immense fierté — si justifiée comme chacun le sait — se résout à réserver au pape un accueil officiel dès son arrivée à l’aéroport et non à la seule occasion de la réception à Baabda. C’est ce qu’a confirmé le nonce Pablo Puente après son entrevue hier avec M. Elias Hraoui et aussitôt les spéculations ont couru bon train dans le Landerneau local. Pourquoi ce changement de programme et quelle signification politique peut-on y attacher?
Une source informée répond qu’il a fallu tenir compte «de la sourde indignation de nombre de Libanais, mahométans et chrétiens confondus, devant les ridicules «chipoteries» protocolaires déployées par pure frousse, une frousse du reste injustifiée, à l’occasion de cet événement unique que constitue une visite papale. Une attitude mi-figue mi-raisin est indigne d’un pays qui fait de l’hospitalité comme de la courtoisie deux qualités majeures, tant sur le plan moral que sur le plan du rendement touristique. Indigne aussi d’un pays croyant car quelle que soit la foi qu’on suit, l’islam ou le christianisme, elle commande aux hommes: que votre oui soit oui, et que votre non soit non. Il faut donc accueillir le pape, entendre aller à sa rencontre quand il arrive car c’est ce que ce terme signifie, ou ne pas le rencontrer du tout. On ne se fait pas honneur à soi-même si on se contente de le «recevoir», comme on recevrait n’importe quelle délégation d’hommes d’affaires étrangers, au palais présidentiel...»
Cette personnalité relève que «beaucoup de chrétiens ne comprenaient pas non plus comment un maronite fils de Zahlé et de l’Eglise pouvait à titre personnel ne pas aller à la rencontre du pape à l’aéroport quand l’occasion lui en était donnée. Ils pensaient donc que M. Elias Hraoui se devait d’accomplir ce geste, MM. Nabih Berry et Rafic Hariri étant libres de ne pas se trouver à ses côtés... bien qu’ils se fussent chacun à tour de rôle rendus à Rome pour y inviter le Saint-Père au Liban, ce qu’un certain moment ils ont semblé oublier».
Mais les circonstances évoluent et à l’époque les autorités libanaises étaient intéressées par le soutien que la diplomatie vaticane pouvait apporter au dossier libanais. Tandis que maintenant, tout étant bloqué sur le plan régional, la visite risquerait de paraître centrée sur un plan intérieur, que les décideurs considèrent comme une chasse gardée où il faut que chaque mot prononcé reste sous contrôle. Toujours est-il que la personnalité citée remarque que «le souverain pontife qui voyage beaucoup est partout reçu par le chef de l’Etat du pays où il se rend ou par un de ses représentants, même quand la visite n’est pas officielle mais d’ordre pastoral. De plus, ce ne sont pas des grignotages de programme qui vont ôter à la visite papale son caractère historique. Une dimension qui en même temps bouscule les barrières qu’on veut dresser et dépasse les considérations politiciennes que différentes parties, y compris à l’Est, veulent promouvoir. Il ne s’agit ni d’une «escale technique» comme certains ont eu le front de le dire ni d’une démarche de provocation comme la visite de De Gaulle au Canada où il avait lancé un «Vive le Québec libre». Le pape ne vient pas diviser mais réunir. Son dogme même c’est la coexistence et nul n’ignore qu’il fait du Liban un modèle pour tous les pays où différentes collectivités se côtoient. Ce message existe en soi et il est d’autant plus important que c’est la première fois que Jean-Paul II aborde le Moyen-Orient. Peu importe dès lors qu’on veuille ou non accueillir le pape en chef d’Etat ou en simple visiteur de marque».
Par ailleurs, — et le contraste entre la visite papale et les préoccupations des dirigeants locaux paraît vertigineux — des sources informées croient savoir que malgré la venue du Saint-Père, M. Nabih Berry ne veut toujours pas parler au chef de l’Etat et qu’il ne se rendra à cet effet à Baabda, que si M. Elias Hraoui accepte de contresigner le décret de nomination de nouveaux attachés au ministère des Emigrés dont la carrière lui tient à cœur... Ces sources ajoutent que M. Berry ira certes à la réception pour le pape prévue à Baabda mais évitera d’y avoir un aparté avec M. Hraoui...

Ph.A.-A.
La présente République, rengainant son immense fierté — si justifiée comme chacun le sait — se résout à réserver au pape un accueil officiel dès son arrivée à l’aéroport et non à la seule occasion de la réception à Baabda. C’est ce qu’a confirmé le nonce Pablo Puente après son entrevue hier avec M. Elias Hraoui et aussitôt les spéculations ont couru bon...