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Actualités - CHRONOLOGIE

Les députés approuvent le retrait du projet d'amendement de la loi de 1977 Municipales : les cartes de nouveau brouillées Hariri et Berry favorables à un report de deux ans du scrutin , mais Hraoui s'y oppose fermement (photo)

Le suspense qui a prévalu au cours des derniers jours au sujet de l’organisation des municipales a pris fin hier soir, avec le retrait, par le gouvernement, du projet d’amendement de la loi y relative que le Parlement avait commencé à examiner dans la matinée (VOIR PAGE 2). Dans le brouhaha qui a suivi l’annonce des résultats du vote de la proposition de retrait du texte durant la séance nocturne de la Chambre, des voix parlementaires se sont élevées pour affirmer qu’avec ce retrait, la page des municipales a été bel et bien tournée. D’autres députés ont voulu accorder au gouvernement le bénéfice du doute: le Cabinet aura-t-il le temps d’élaborer un nouveau texte qu’il présentera au Parlement ou décidera-t-il de reporter les élections sine die et de proroger les mandats des conseils municipaux et de moukhtars. On obtiendra, de toute vraisemblance, demain des réponses à ces questions: le gouvernement tiendra une réunion extraordinaire à Baabda durant laquelle il doit examiner l’opportunité d’une prorogation de deux ans des mandats des conseils élus en 1963. Un projet auquel le président Elias Hraoui s’oppose farouchement et qui est de nature à ébranler sérieusement les rapports entre Baabda et Koreytem: dans les milieux proches du chef de l’Etat, on parlait hier de crise politique et on soulignait l’irritation du président Hraoui devant le retrait du texte de loi, au point de lier cette affaire au sort du Cabinet. Toujours est-il que des contacts sont entrepris depuis hier soir avec le chef de l’Etat pour tenter de désamorcer la crise, indique-t-on dans ces milieux où l’on croit savoir que M. Hariri se rendra aujourd’hui au palais de Baabda pour expliquer au numéro 1 de l’Etat les raisons qui justifient un report des municipales.
La question qui se pose est de savoir comment le gouvernement pourra justifier ce report et convaincre aussi bien le chef de l’Etat que l’opinion publique de son opportunité. Très probablement, par les multiples craintes que nombre de députés ont exprimées au cours des deux «journées parlementaires» au sujet des clivages auxquels le scrutin pourrait aboutir dans les secteurs où les susceptibilités communautaires sont toujours exacerbées. M. Hariri a d’ailleurs évoqué ces appréhensions avant d’annoncer que le gouvernement est disposé à retirer le texte sous étude. «Les interventions des députés aujourd’hui (hier) ont mis en évidence une série de problèmes et de lacunes que nous ne pouvons pas ignorer: le problème des villages désertés durant la guerre est délicat et son importance ne doit pas être minimisé. Après tout ce que nous avons entendu, il est évident qu’en organisant les municipales en juin avant de trouver des solutions aux problèmes soulevés, nous ne ferons qu’accabler le pays».
Mais pour que son équipe ne prenne pas seule une décision aussi importante que l’ajournement d’une échéance électorale, M. Hariri a tenu à souligner que «c’est le Parlement et le gouvernement qui doivent assumer ensemble la responsabilité d’une telle décision». «Le Cabinet peut très bien réclamer le retrait du texte mais je veux que le Parlement assume aussi cette responsabilité», a-t-il insisté. Par ces quelques mots, le chef du gouvernement a dévoilé le scénario qu’il avait commencé à élaborer avec le chef du Législatif, M. Nabih Berry depuis mardi en prévision du report redouté par nombre de parlementaires.
Les contacts s’étaient multipliés au cours des deux derniers jours entre les deux chefs du gouvernement et du Parlement au moment où de multiples indices laissaient présager un éventuel ajournement: la transmission par le ministère de l’Intérieur d’une série de suggestions d’amendements au projet de loi sur les municipales, les accusations du vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, qui estimait que le gouvernement œuvrait pour un report, les démarches entreprises par de nombreux parlementaires proches notamment de M. Berry pour convaincre leurs collègues de se rallier à ce projet...

La séparation
des pouvoirs

Toujours est-il que sans l’intervention du président de la Chambre, la proposition de M. Hariri aurait été vouée à l’échec: les partisans des municipales parmi les députés, notamment MM. Najah Wakim, Zaher el-Khatib et Ali el-Khalil ont estimé qu’en base du principe de la séparation des pouvoirs, le Parlement ne pouvait pas voter pour ou contre un report des élections du moment que c’est le gouvernement qui organise les municipales. Le député de Beyrouth a menacé de demander au gouvernement de poser la question de confiance «puisqu’il est revenu sur un engagement qu’il avait pris dans le programme sur base duquel il avait obtenu cette confiance». Le débat s’est prolongé jusqu’à ce que M. Berry l’eut clôturé en soulignant que l’article 177 du règlement intérieur de la Chambre permet aux députés de suspendre l’examen de tout texte de loi dès qu’ils sont saisis d’une proposition de retrait de ce texte.
Conformément à cet article, a-t-il dit, le Parlement doit accorder la priorité à l’examen de la proposition en question.
M. Ferzli est aussi venu à la rescousse du chef du gouvernement en estimant que M. Hariri a justifié la demande de retrait du texte. «Que pouvait-il dire davantage. Je suis sûr que le président Hariri est soucieux de respecter le principe de la séparation des pouvoirs». Ces deux interventions ne font que conforter les partisans de l’organisation des municipales dans leur conviction selon laquelle MM. Berry et Hariri ont «bien préparé« le scénario devant aboutir au report souhaité.

Trois ministres opposants

Le texte a été ensuite soumis au vote à main levée: les ministres Michel Murr, Elie Hobeika et Chawki Fakhoury se sont installés parmi les députés pour pouvoir voter contre le projet. Les parlementaires qui sont opposés à la proposition de retrait sont au nombre de 31. Seul M. Wakim a demandé à ce que la question de confiance accordée au gouvernement soit posée, mais personne n’a réagi. Les parlementaires se pressaient vers les deux portes de sortie de l’Hémicycle alors que le député de Beyrouth insistait pour que sa requête soit inscrite dans le procès-verbal de la réunion.
Si les députés opposants interrogés semblaient résignés on ne peut pas en dire autant du ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr. Pour le ministre, «rien n’est encore joué» et le problème n’a été que «différé». Il a expliqué à «L’Orient-Le Jour» que le texte retiré est celui qui prévoit une modification de la loi de 1997 sur les municipalités et non pas le texte de cette dernière. «Je compte d’ailleurs convoquer les électeurs demain, samedi, sur base de cette loi qui reste en vigueur et grâce à laquelle les municipales peuvent toujours être organisées», déclare-t-il. Une éventualité que son collègue, M. Béchara Merhej, a exclue, estimant que la loi de 77 doit être nécessairement amendée.

Un vibrant
plaidoyer de Murr

En tenant compte de ces deux points de vue différents et de l’insistance du chef de l’Etat à s’opposer à tout ajournement «parce qu’il y va de la crédibilité de l’Etat», comme l’affirment ses proches, on peut s’attendre à des débats particulièrement orageux durant la réunion du Conseil des ministres. Le président Hraoui qui juge, selon ses proches, «aberrant» que le gouvernement agisse d’une manière cavalière avec la population, aura pour farouche allié le vice-président du Conseil, M. Michel Murr, qui s’est nettement démarqué de M. Hariri, dans sa réponse en soirée aux députés qui avaient exprimé des réserves au sujet de l’opportunité des municipales.
M. Murr a plaidé avec force en faveur de l’organisation du scrutin, rappelant que ce sont les députés qui avaient pratiquement harcelé le gouvernement pour qu’il en fixe la date. Il a souligné que l’Exécutif n’a pas élaboré un projet de loi mais s’est contenté de mettre à jour, en coordination avec les députés durant les réunions des commissions parlementaires, une loi qui existe depuis 1977, en tenant toutefois compte de propositions d’amendements présentés en 1995 par l’ancien député Auguste Bakhos. M. Murr a aussi rappelé les préparatifs en cours pour les élections, affirmant qu’un million 11 mille électeurs ont déjà présenté des demandes de cartes électorales. «A toutes ces personnes qui se sont fatiguées à entreprendre les formalités nécessaires pour obtenir la carte électorale, je voudrais dire merci et je tiens aussi à remercier les deux millions et demi de Libanais qui souhaitaient que le scrutin soit organisé», lance-t-il, d’une voix qui trahissait son émotion, avant d’annoncer sa détermination à s’opposer jusqu’au bout à tout report des municipales.

Des problèmes
pour Hariri

La grande inconnue pour l’heure reste la position du chef du gouvernement: jusqu’à présent on ignore les mobiles du revirement d’attitude de M. Hariri qui a mis tout son poids dans la balance pur obtenir la part du lion dans les conseils municipaux de nombreuses régions et notamment Beyrouth, à la faveur du scrutin qui devait se dérouler en juin. Dans certains cercles politiques proches de l’opposition parlementaire, on estime qu’il redoutait, tout comme le chef du Législatif, les résultats de ces élections qui pouvaient favoriser la mainmise de nombreux courants de l’opposition pro-Taëf et anti-Taëf sur de nombreux conseils municipaux, notamment tels que le Hezbollah ou les aounistes en vue des municipales.
On ne manque pas dans ces cercles de souligner que le chef du gouvernement risque d’être le grand perdant dans toute cette affaire: le dossier des municipales a fini par provoquer des divisions au sein d’une équipe qu’il a toujours voulue homogène et risque de discréditer le gouvernement auprès d’une population qui se prépare depuis des mois à l’échéance électorale. Quant à M. Berry, il a réussi à miner les rapports entre les chefs du gouvernement et de l’Etat qu’il boude depuis plusieurs semaines, précise-t-on. Tout cela, estime-t-on dans ces milieux parlementaires, ne contribuera qu’à envenimer l’atmosphère politique dans le pays et à creuser davantage le fossé qui sépare, selon eux, la population du pouvoir.
Dans une première réaction hier soir, une source proche de l’opposition chrétienne a affirmé à «L’Orient-Le Jour» que le gouvernement se «discréditra davantage», s’il décide d’annuler les élections, jugeant que le report est «inacceptable».
Le Bureau central de coordination nationale (BCCN-aouniste) est pour sa part allé plus loin, estimant dans un communiqué publié en soirée que le report des municipales «représente une preuve irréfutable de la crainte du pouvoir d’avoir à affronter le jugement de l’opinion publique et une fuite en avant pour contourner la mobilisation populaire qui a accompagné la détermination de l’opposition à participer aux élections».
Le BCCN a souligné que «le report du scrutin constitue une atteinte à ce qui reste de la vie démocratique au Liban». «En ajournant les élections, le pouvoir a reconnu que le peuple le désavoue et s’oppose à ses orientations» a ajouté le BCCN, affirmant par ailleurs que «les autorités appréhendent les résultats des municipales dans la mesure où elles feront la lumière sur les vices qui ont entaché les législatives de l’été dernier».

T.A.
Le suspense qui a prévalu au cours des derniers jours au sujet de l’organisation des municipales a pris fin hier soir, avec le retrait, par le gouvernement, du projet d’amendement de la loi y relative que le Parlement avait commencé à examiner dans la matinée (VOIR PAGE 2). Dans le brouhaha qui a suivi l’annonce des résultats du vote de la proposition de retrait du texte...